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Toulon, c’est santa barba « rade »

Par Vincent Bissonnet
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    Toulon, c’est santa barba « rade »
Publié le Mis à jour
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Le feuilleton de la saison du RCT a connu un nouveau pic d’animations avec la mise à pied de Diego Dominguez. Que va-t-il advenir de Jacques Delmas ? Comment les joueurs ont-ils réagi ? Comment se prépare le futur dans ces conditions ? Plongée dans le quotidien d’un club électrique.

Lundi matin, à Toulon. Aux aurores, à l’ouverture des kiosques, la une de Midol interpelle avec ce titre en tête : « Mike Ford numéro 1 ? » Une poignée d’heures plus tard, la prophétie devient réalité. Au stade Léo-Lagrange, devant une foule dense et une poignée de journalistes, Mike Ford dirige la séance avec Marc Dal Maso à ses côtés. à distance, Jacques Delmas assiste à la répétition des gammes depuis l’en-but, en compagnie de l’analyste vidéo David Fraisse. Et Diego Dominguez, alors ? Le directeur sportif est tout bonnement porté disparu, reparti à son domicile. Contraint. Forcé.

À son arrivée, le matin même, l’Italo-Argentin est directement convoqué par Mourad Boudjellal. Les trois nuits, depuis la frustrante victoire à Sale, ont visiblement porté conseil et incité le patron à se comporter comme tel. Après des semaines à tergiverser, à trépigner, à écouter les avis des uns et des autres, à menacer de couper des têtes avant de se raviser, il passe à l’action et met à pied le successeur de Bernard Laporte. À Toulon, tout est différent. Tout était différé, aussi. L’issue était évoquée en juin, envisagée en juillet puis attendue en septembre. Elle paraissait inévitable tant le climat était devenu invivable, à coups de bricolages, rétropédalages et autres blocages. Depuis le coup de foudre de décembre 2014, la relation entre les deux hommes s’était considérablement dégradée. Au climat de défiance du printemps avait succédé une guerre froide avec communication a minima et méfiance extrême. Diego Dominguez parti en catimini, Jacques Delmas est reçu à sa suite. Le président compte l’informer de sa décision et connaître sa réaction, le sachant proche de son directeur sportif. Cet été, les techniciens avaient scellé comme un pacte implicite : un mariage de raison mais aussi d’affinités entre deux entraîneurs à la complicité évidente et aux intérêts communs. Solidaire de son associé, le spécialiste des avants propose de négocier son départ, huit mois avant le terme de son engagement. En retour, Mourad Boudjellal affirme compter sur sa présence et lui témoigne de son entière confiance. Une posture surprenante quand on connaît la nature des rapports entre les deux hommes au printemps 2013 où Bernard Laporte avait organisé leur rencontre. L’ironie de l’histoire prête à sourire : après avoir si souvent envisagé son renvoi, l’homme fort du RCT clame dorénavant son envie de le conserver. Pour le moment, en tout cas…

Les joueurs peinés mais pas surpris

À 8 h 30, les joueurs sont réunis et le nouvel organigramme du secteur sportif est expliqué. Pendant la séance, Guillaume Alberto, l’attaché de presse, annule les entretiens prévus en tête à tête et annonce une intervention de Mourad Boudjellal. La nouvelle de la mise à pied de Diego Dominguez est rendue publique. Dans un premier temps, le président refuse de commenter son choix. Afin, avance-t-il, de se protéger d’un point de vue juridique. Puis il cède à la tentation, le naturel revenant toujours au galop : « Diego c’est d’abord mon échec personnel, puisque c’est moi qui l’ai voulu. Ce n’est l’échec de personne, si ce n’est le mien. Donc je l’assume. […] Nous avons un désaccord. Ce sont des choses qui arrivent. Ça n’enlève rien à toute l’estime que je peux avoir pour lui. […] C’est moi qui ai évolué, et je ne suis pas content du rugby que je vois. Mais aucun joueur ne m’a demandé la tête de Diego. »

Que pensent justement les premiers intéressés de ce énième revirement ? Immédiatement, la direction leur impose un silence radio. En attendant le point presse organisé le jeudi matin, les seules déclarations se tiennent sous couvert d’anonymat. « Franchement, c’est dur pour Diego et ça me peine, confie l’un des cadres. C’est vraiment une très bonne personne, intègre, sincère. Après, niveau rugby, c’est dur pour nous de juger. Il a eu si peu de temps et tellement de pression. » « L’histoire ne pouvait finir que de cette manière, évoque un de ses coéquipiers. Heureusement que cette équipe a une forte connotation anglo-saxonne. Les étrangers ont une étonnante faculté à prendre du recul sur ces événements. Mais tu as beau te dire que tu es là pour jouer et qu’il ne faut penser qu’au terrain, au bout d’un moment, ce contexte pèse. Et ça touche fatalement le rugby. Par exemple, ça s’est vu sur notre jeu d’attaque. Le fait que les consignes puissent être brouillées nuit aux placements, aux courses, aux repères… »

Delmas, une question de jours ?

Si l’organisation et la répartition des pouvoirs gagnent en clarté, le vestiaire n’en continue pas moins de se questionner, par intermittences. Quid de Jacques Delmas, véritablement ? à ce sujet, rien n’est acté à l’heure de l’écriture de ces lignes. Mardi matin, l’entraîneur des avants, au club depuis l’été 2013, soutenu par les historiques, a annoncé au groupe être en suspens après avoir proposé son départ. Cette semaine, il est resté actif et a participé à la préparation de la rencontre. S’il venait à partir dans les jours à venir, hypothèse la plus probable, Marc Dal Maso se retrouvera-t-il seul à assumer la responsabilité du jeu d’avants, dans un club soumis à une si forte pression ? Steve Meehan peut-il espérer voir ses prérogatives revues et corrigées afin de soulager Mike Ford ? L’Australien, pointé du doigt pour sa trop grande discrétion, s’est vu confier l’animation des trois-quarts lors de la séance de mardi. Or, Mourad Boudjellal avait annoncé, la veille, son intention de le maintenir comme analyste vidéo du jeu adverse et responsable des ateliers techniques. Que se passera-t-il demain ? Et après-demain ? Du président au secteur sportif, l’identité des hommes forts et le visage du futur RCT restent une inconnue. L’insaisissable Mourad Boudjellal joue-t-il seulement au poker menteur quand il annonce vouloir prendre le temps de la réflexion avant de vendre ? Mike Ford, avec un contrat d’un an assorti de deux années en option, peut-il prochainement être intronisé nouveau maître d’œuvre ? Tant de questions et si peu de réponses pour ce vaudeville sans fin sur lequel plane encore et toujours l’ombre d’un certain Fabien Galthié…

En début de semaine, une réunion pour évoquer la saison prochaine a en tout cas été organisée en présence du président, du manager anglais et de Marc Dal Maso. Le recrutement y a largement été évoqué. Ni Jacques Delmas ni Steve Meehan n’ont participé au débat d’idées. L’histoire s’écrit désormais sans ces deux héritiers de l’âge d’or. En attendant, le RCT, quatrième du Top 14 et en ballottage défavorable en Coupe d’Europe, va poursuivre sa ruée vers l’or avec Mike Ford en éclaireur. Le treiziste de formation — dont le succès surprise à Toulouse avait retardé la promotion éclair — a réussi son opération séduction en coulisses, auprès des joueurs et de la direction : « Il est fort pour avoir l’oreille des joueurs. Quand il parle rugby, il le fait bien », explique un cadre. Son discours a instantanément charmé Mourad Boudjellal, comme Diego Dominguez à une époque pas si lointaine... En 2013, à Bath, ce fin communicant, arrivé comme adjoint de Gary Gold, avait connu la même ascension éclair, de second rôle à tête d’affiche.

Vendredi, jour attendu du divorce

Cinq mois après avoir été éconduit par Bruce Craig, au terme d’un dernier exercice raté, Mike Ford est désormais attendu au tournant sur le terrain. Le technicien va pouvoir entraîner à sa guise, son vœu le plus cher depuis son débarquement sur la rade, fin septembre. Animation, défense, composition : à lui de jouer. « J’ai dit que je souhaitais un projet de jeu participatif, dans lequel les joueurs s’impliquent beaucoup, aspire Mourad Boudjellal. Mike a accepté, a adhéré. Donc, nous avons à nouveau réuni les leaders pour discuter du système à mettre en place. J’aspire à ce que les gens aient de nouveau le désir d’acheter un billet pour venir voir le RCT. »

Sur le papier, le nouveau dessein se veut ambitieux, enlevé, spectaculaire. Jusqu’ici, tout va mieux, donc. Face à Grenoble, les premiers effets de la prise de pouvoir de Mike Ford vont être inévitablement scrutés. Où sera Diego Dominguez pendant ce temps ? L’Italo-Argentin, sous contrat jusqu’en juin, doit être reçu ce vendredi par son président. Avec quelles conséquences ? « Tout est possible, mais s’il est réintégré, ce sera en tant que directeur rugby, pas entraîneur », évoque Mourad Boudjellal. « Connaissant le personnage, je ne vois pas Diego aller contre ses principes, nous confiait récemment un de ses proches. Jusqu’à présent, il n’a rien lâché face à Mourad. Ça ne risque pas de changer maintenant. »

Le divorce pourrait être scellé dès cette fin de semaine, sous l’œil acéré des avocats respectifs. « Il y a de la pression mais je vais assumer et les résultats parleront », avait prédit Diego Dominguez, en juillet, lors de la présentation de cette saison. Samedi soir, Toulon, malgré un calendrier défavorable, des absences en pagaille et un jeu en construction, occupera sûrement une des deux premières places du Top 14. L’Italo-Argentin, de son côté, appartiendra sûrement déjà au passé du RCT…

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