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Alain Doucet, le troisième homme

Par Jérôme Prévot
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    Alain Doucet, le troisième homme
Publié le Mis à jour
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Il se bat avec conviction contre deux candidats plus connus. Mais dans la bataille électorale de la FFR, il a son mot à dire, fort de sa connaissance et de son expérience pointue du rugby amateur.

Si un Martien débarquait sur terre et voulait saisir un instantané de la base du rugby français, il viendrait peut-être ici. Dans les entrailles du stade de Pouyastruc, au bord des champs de maïs, nous avons aperçu des photos en noir et blanc d’un troisième ligne anonyme des années quatre-vingt. Alain Doucet ferraillait alors sous le maillot jaune et noir dans les championnats d’Armagnac-Bigorre. « Je suis natif de Lourdes et mon père était un fan du FCL. J’ai vu des matchs au stade Antoine-Béguère dès l’âge de 5 ans. Mais je n’ai aucun passé de joueur de haut niveau. Je n’ai joué que dans des clubs locaux. » Durant la semaine, il devisait devant un tableau noir et des pupitres, car Alain Doucet fut toute sa vie instituteur, à Tarbes et dans le village où il réside toujours. « Je n’ai pas fondé le club, mais j’ai créé l’école de rugby, et j’ai structuré les équipes de jeunes. J’ai aussi fondé un grand tournoi de poussins. » À Pouyastruc, La gloire locale, crampons aux pieds, c’est plutôt Wenceslas Lauret, le flanker international du Racing 92. Mais Alain Doucet lui aussi a amené à Paris la terre de ce coin des Hautes-Pyérénées à la pointe de ses souliers. « Il a su mener une vie associative exemplaire. Il a toujours répondu aux demandes de mon club et je lui en sais gré. La beauté de ce petit stade de Pouyastruc représente bien tout ce qu’il est capable de réaliser au sein d’une équipe » explique René Daubriac, président de Lombez-Samatan et fidèle soutien.

Le 23 septembre, Alain Doucet a lancé dans son fief sa campagne devant plus d’une centaine de personnes, micro en main, rétroprojecteur en soutien. « C’est une intelligence pratique, il sait aller au fond des choses. N’oubliez pas qu’il a servi le rugby à tous les niveaux, il connaît très bien la base, mais aussi les arcanes du rugby pro. Il a une conception « churchillienne » du pouvoir. Il a un caractère très affirmé et sait faire preuve d’autorité » détaille Philippe Barbe, président du Comité Côte-d’Argent.

Connu dans le Sud Ouest, moins en Lorraine

Curieusement, il ne réfute pas l’image du « troisième homme », un peu coincé médiatiquement entre le sortant, Pierre Camou et la supervedette Bernard Laporte. « Oui, je suis un peu le candidat du « Ni-Ni ». » Il ne cache pas qu’il fut aussi proche du président actuel, candidat sur sa liste en 2012 et bras droit en tant que secrétaire général. Inévitablement, il prête désormais le flanc aux accusations d’infidélité, voire de trahison : « Je rappelle quand même que j’étais secrétaire général avant qu’il ne devienne président. Et où la fidélité doit-elle s’arrêter ? Comme la secte du soleil et son suicide collectif ? Non. Il ne me doit rien et je ne lui dois rien. »

Cette fonction de secrétaire général, il l’a découverte en 2001, recruté par son « compatriote » Bernard Lapasset pour remplacer Jacques Laurans, en partance pour l’International Board. Il a commencé à mi-temps, encore instituteur le lundi et le mardi avant de monter à Paris. Puis à plein temps à partir de 2005 quand il prit sa retraite. « À ce moment-là, j’ai été indemnisé par la FFR. c’est Bernard Lapasset qui me l’a proposé quand il a vu que je passais cinq jours rue de Liège et que je répondais à tous les appels le week-end. Les statuts le prévoient et tout a toujours été déclaré en Assemblée générale et aux Impôts. Je dis ça pour couper court à certaines attaques que j’ai lues sur Twitter, mais je réglerai mes comptes en temps voulu avec ceux qui les ont balancées. D’autres dirigeants de la FFR étaient payés comme René Hourquet en son temps était défrayé, Tony Marin ou Jean Dunyach le sont aussi quand ils partent en voyage et c’est tout à fait normal. »

Secrétaire général, c’est un poste stratégique, on y traite les dossiers les plus quotidiens et les plus épineux du rugby amateur, on s’y fait un réseau solide mais on n’y acquiert pas la notoriété d’un ancien sélectionneur du XV de France. « Je suis conscient de mon déficit médiatique. Dans le Sud-Ouest, ça va encore mais l’autre jour en Lorraine, j’ai commencé une réunion publique en expliquant qui j’étais. »

Dans ces moments, il explique la genèse de sa candidature, les doutes qui l’ont assailli au sujet du Grand Stade ; ses nuits de méditation avant d’aller annoncer à Pierre Camou sa prise de distance. Le chiffre des 30 millions de remboursement annuel dansait en lettres de feu dans sa tête. « Son idée était intéressante. Je ne regrette pas les études qui ont été faites. Elles devaient l’être. Mais ce fameux stade, je n’ai aucune certitude sur son exploitation. C’est comme quand on veut faire une piscine ; on demande des devis. Si c’est trop cher, on s’abstient. » Il a enfoncé le clou devant son auditoire de Pouyastruc : « Si je fonds les plombs et que j’achète un appartement à Saint-Tropez ou un château dans le Médoc, je pourrais toujours espérer le revendre. Mais un stade, qui va l’acheter ? » Début 2016, il s’est réuni avec trois proches, Philippe Barbe, président du Comité de Côte-d’Argent, Éric Champ et Lucien Simon et s’est lancé dans la bataille. « Comme une voie médiane entre les deux autres candidats. Appelez-moi l’homme de la troisième voie, ça ne me gêne pas. » Depuis, Doucet sillonne la France dans sa voiture avec quelques moments de blues qu’il n’occulte pas. « Parfois, il y a des moments et des rencontres superbes. Parfois, c’est plus dur, notamment quand tu accumules les kilomètres dans la solitude. Aujourd’hui, je reviens d’un périple de 2 500 kilomètres. C’est dur physiquement, on finit par oublier qu’il y a une vie à côté. »

Lagarde et Michard

Si Champ et Simon se sont éloignés, par la force des choses ou mobilisés par d’autres combats, le clan Doucet a trouvé des correspondants dans tous les comités, il a reçu le soutien d’Olivier de Chazeaux, ancien député-maire de Levallois et avocat d’affaires. Un étudiant de Sciences-Po s’est présenté spontanément pour s’occuper des réseaux sociaux. Alain Doucet a monté une association pour recueillir les dons de quelques soutiens : « Mais nous arrivons au bout de nos réserves financières. Pour les derniers déplacements, j’ai mis moi-même de l’argent dans le réservoir. »

Alain Doucet a commencé par réclamer un vote décentralisé que Camou ne lui accordera sûrement pas. Mais ça lui a permis de lancer sa campagne sur le plan médiatique et se faire le héraut d’une démocratie directe que le système des gros-porteurs de voix confisquerait. Le bruit a couru qu’il pourrait s’allier avec Bernard Laporte, lui aussi adversaire du projet de nouveau stade : « Je n ‘ai jamais eu cette volonté. Nous nous sommes justes vus autour d’un verre au pot de départ de Christian Dullin, président du Comité des Alpes. Nous avons eu une discussion informelle, mais nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde sur certains points. »

C’est vrai que le parcours des deux hommes est diamétralement opposé. Leurs références le sont sans doute aussi. Alain Doucet n’a pas perdu les loisirs classiques de l’instituteur qu’il fut : « J’ai retrouvé les manuels de Lagarde et Michard sur un site internet. Je les relis pour me remettre à niveau. Sinon, je lis du Harlan Coben, du Ken Follett, de la littérature où il y a de l’action. »

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