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Vakatawa, la tête et les jambes

Par Jérémy Fadat
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    Vakatawa, la tête et les jambes
Publié le Mis à jour
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Auteur d’un triplé face aux Samoans, Virimi Vakatawa a réussi une grosse prestation. Décryptage.

Trois mois et un jour. Soit une éternité au plus haut niveau. Virimi Vakatawa était porté disparu des terrains depuis le 12 août dernier et la clôture des jeux Olympiques. à Rio où il n’avait pas répondu à toutes les attentes. Son tournoi en demi-teinte - en deçà, en tout cas, des espoirs suscités par son incommensurable talent - n’a, pour autant, pas dissuadé World Rugby de le retenir parmi les trois finalistes pour le titre de meilleur joueur de l’année à VII. Mais depuis son retour du Brésil, la carrière du Fidjien, natif de Nouvelle-Zélande, a emprunté un virage radical. L’agent 007 est désormais au service de sa majesté : « Aujourd’hui, il est pleinement concentré sur le XV de France », avait annoncé Guy Novès fin septembre, à l’heure du premier rassemblement. Sa nouvelle aventure a débuté comme dans un rêve avec un triplé inscrit face aux Samoa, samedi soir. Les ailiers tricolores raffolent décidément des confrontations avec les îles Pacifique : le dernier triplé en Bleu avait été signé par l’étoile fuyante Teddy Thomas face aux Fidji, en ouverture de la tournée de novembre 2014. Face à un adversaire limité et à un Paul Perez déboussolé, Virimi Vakatawa a rappelé à quel point son potentiel était démentiel, neuf mois après des débuts étincelants face à l’Italie. Personne ne peut plus en douter dorénavant. Mais le plus haut niveau ne réclame pas seulement du talent. à cet égard, les deux échéances à venir face à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande se révéleront à coup sûr riches en enseignements quant à sa compétitivité face aux tout meilleurs, dans un contexte tendu, stratégiquement épineux..

Etat d’esprit : L’enchanteur

Issus d’une culture différente, les joueurs d’origine fidjienne ont souvent l’image de personnages isolés dans un groupe, parfois même en décalage de leurs coéquipiers. Certes, il arrive à Virimi Vakatawa de réclamer un besoin de solitude dans l’approche des matchs mais l’homme n’est en rien isolé. Ni sur le terrain, ni en dehors. Au point que l’étoile montante du XV de France se révèle être un véritable animateur de vestiaire. Le sélectionneur de France VII Frédéric Pomarel, qui l’a vu s’épanouir au quotidien, en est le premier témoin : « Nous ne pouvions être que satisfaits de son comportement car Virimi est un garçon qui s’inscrit parfaitement dans un projet collectif. Les tchik-tchak qu’il peut réaliser en matcn, il ne les fait pas à l’entraînement. Ses partenaires l’adorent. » En effet, il n’y a qu’à discuter quelques minutes avec les autres pensionnaires de l’aventure Olympique pour comprendre et déchiffrer le phénomène. Avec une constante : Vakatawa aime communiquer. « Il n’a pas peur de se confier, nous racontait Vincent Inigo. Il m’a par exemple déjà expliqué qu’aux Fidji, il n’avait même pas de ballon et comment il jouait avec une chaussure strappée. » Stéphane Parez de renchérir : « Il nous parle de tout, de ses soucis quotidiens, de ses joies. Il peut être très calme dans la vie de tous les jours mais c’est quelqu’un d’ouvert sur plein de choses. » Jonathan Laugel reprend : « Il a su apporter ce qu’il sait faire de mieux. Pour ses fameux crochets, il essaie de nous montrer, de nous apprendre. Il sait partager. » Notamment ses talents de chanteur, son péché mignon. « Il est très efficace de ce côté-là », rigole Julien Candelon. Une passion pour la musique poussée à son paroxysme. L’anecdote est signée Inigo : « Nous avons aménagé un petit studio dans les vestiaires. Lui est à la guitare et il est très doué pour le chant. Il a une belle voix et me file des frissons. » Sûrement le genre d’échappatoire qui lui permet de s’aérer suffisamment l’esprit pour se reconcentrer sur le terrain quand cela est nécessaire.

Repères : Comme si de rien n’était

Virimi Vakatawa n’allait-il pas manquer de repères pour son retour à XV, huit mois après sa dernière apparition avec les Bleus face à l’Angleterre ? La question et le doute paraissaient légitimes. « Rien ne remplace le jeu et les matchs en théorie… » évoquait d’ailleurs Maxime Machenaud samedi soir. Jeff Dubois se montre sans équivoque : « Honnêtement, je n’étais pas inquiet à ce sujet. Il a un passé à XV. Les basiques du poste ne se perdent pas comme ça. Surtout en jouant à l’aile, il y a moins de difficultés. » Pour ne pas perdre les bonnes habitudes, l’encadrement technique a mis en œuvre un programme personnalisé pour son ailier, sous contrat fédéral et donc en permanence à Marcoussis : « Virimi a régulièrement travaillé avec le pôle espoirs avec des entraînements et des oppositions. C’est très intéressant pour nous. J’ai pu le suivre lors de ces séances. Et il a également revu et perfectionné ses attitudes en défense avec Gérald Bastide. » Ces répétitions de gamme ont permis au Fidjien d’aborder la rencontre avec des certitudes suffisantes : « Il a vite compris ce qu’il devait changer dans son jeu, expliquait mardi dernier Scott Spedding, en souvenir des premiers pas de son coéquipier en Bleu. Maintenant, je communique avec lui comme avec n’importe quel coéquipier. » Samedi soir, l’arrière a vu ses pressentiments confortés : « Il n’a pas eu besoin de moi pour se placer. » S’il a peu été testé sous les ballons haut, il s’est montré propre en défense - avec un cinq sur cinq aux plaquages - et précis dans ses placements. Sur la stratégie et le jeu sans ballon, il passera un examen autrement plus relevé face à l’Australie.

Mental : Le rebond des JO

Il était présenté comme l’homme providentiel de l’équipe de France à VII à Rio. Son plus grand espoir dans en vue d’une médaille Olympique. Virime Vakatawa a été sa déception majuscule, incapable pendant trois jours de toucher le niveau exceptionnel qui fut le sien sur le circuit une saison durant… Depuis début août, il n’avait plus foulé une pelouse officielle. Alors forcément, les doutes sur sa capacité de réaction et de relance étaient permis. Que balaie Jean-Marc Doussain dans un sourire : « Vous aviez des doutes sur lui ? Parce qu’il n’avait pas marqué d’essai depuis un certain temps ? Franchement, de notre côté, nous n’en avions aucun. » Car, si les autres se préoccupent beaucoup - et sûrement avec raison - de ses performances, lui sait les relativiser. Tout simplement, même les mauvais jours, il reste conscient de ses qualités. Dont il ne faut pas attendre l’impossible. C’est Frédéric Pomarel, le sélectionneur de France VII, qui le résumait le mieux : « Virimi est très surveillé mais une équipe ne se résume pas à un joueur. Il en est le premier frustré car il ne parvient pas à s’exprimer. Mais il n’a pas perdu ses qualités à Rio. Vous le verrez bientôt. » Lui connaissait sa faculté à rebondir. Il avait raison.

Physique : Le travail a payé

« J’avoue que j’ai été sidéré de voir à quel point Virimi s’est promené physiquement en venant nous rejoindre alors qu’il n’avait pas joué à XV depuis longtemps. » En septembre, Guy Novès, autrefois sceptique vis-à-vis du VII, avait reconnu avoir été espanté par la forme de son ailier au retour du Brésil. Virimi Vakatawa recueille désormais les fruits de tous les efforts cumulés sur l’année, entre la préparation des JO de Rio et le travail spécifique et d’entretien effectué cet automne. « Il a été très bien pris en main physiquement par Julien Deloire, dans la continuité de ce qui avait été effectué avec la sélection à VII », apprécie Jeff Dubois. Répétition des efforts à haute intensité, explosivité et endurance : l’ailier est apparu dans une forme optimale comme en atteste son dernier essai, sur un énième coup de reins, après soixante-dix-sept minutes de jeu. Et Maxime Machenaud de rappeler un de ses avantages de joueur sous contrat fédéral : « Il avait beaucoup de fraîcheur, ça s’est vu, non ? » Jeff Dubois attend désormais de le voir prendre la pleine mesure de ses moyens physiques : « Je regrette en première période qu’il n’ait pas débordé Perez alors qu’il en avait la possibilité. Il a de l’avance mais ne croit pas en ses cannes. Je vais en parler avec lui. »

Technique : L’héritage du VII

« Il suffit de lui donner le ballon. C’est un talent incroyable. Un créateur. Il est capable de réaliser n’importe quelle action. » Le portrait, flatteur mais ressemblant, est signé Scott Spedding. Virimi Vakatawa a montré samedi un large éventail de ses tours de magie. Au-delà de ses qualités athlétiques et physiques, le joueur affiche des prédispositions techniques épatantes, constatées à XV et bonifiées par ses expériences à VII. L’intéressé s’inspire largement de ses compatriotes fidjiens en la matière, les ateliers de France VII ayant aussi poli le diamant brut. Ses passages de bras - il a terminé numéro un du circuit mondial au classement des fameux « off-loads » - et ses crochets intérieurs - décisifs sur ses premiers et troisièmes essais face aux Samoa - constituent deux de ses armes favorites. Surtout auprès des zones de marque. Maxime Machenaud et ses partenaires peuvent en témoigner : « Ses qualités de finisseur sont très précieuses. C’est un vrai atout. »

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