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Beauden Barrett, Initiales « BB »

Par Marc Duzan
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    Beauden Barrett, Initiales « BB »
Publié le Mis à jour
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Le mois dernier, le numéro 10 All Black a succédé à Brodie Retallick en tant que meilleur joueur du monde. Voici pourquoi…

Il n’y a bien que ce vieux grigou d’Eddie Jones pour ne pas succomber. « Je ne partage pas tout votre délire autour de Beauden Barrett. Bientôt, George Ford (le demi d’ouverture du XV de la Rose, N. D.L.R.) sera meilleur ». En attendant que la promesse du sélectionneur anglais ne se matérialise et quitte à écorner l’un des multiples plans de comm’ dudit Eddie, on aurait préféré avoir affaire au grêle Georgy samedi soir, au Stade de France. Parce que franchement… « Pas mal, hein ? sourit Wayne Smith, le bras droit de Steve Hansen. Sa passe au pied atterrit dans le buste de Julian (Savea). Ça doit se jouer à quoi ? Vingt centimètres ? » Ce n’est plus du rugby, c’est du tir à l’arc. « Si un homme lambda répétait ce geste toute une année, poursuit le cerveau des All Blacks, il taperait directement en touche ou se ferait contrer par le premier rideau adverse. Il faut quelque chose en plus, pour réussir ce genre de trucs… » Beauden Barrett est un diable. Un diable blanc comme un linge, alourdi par un accent kiwi à couper au couteau et portant le costard d’après-match comme un singe en hiver. « Sur cette interception, peste Camille Lopez, il surgit de nulle part. De ce que je sache, il y a un ruck un peu lent, ça chamaille un peu et Barrett demande aussitôt à ses mecs de reformer la ligne. Loulou (Picamoles) est pourtant derrière, prêt à aplatir. J’allonge un peu la passe, je ne le vois pas venir et on prend une interception de cent mètres ». Merde. « Ouai, comme vous dites… Une fois parti, vous pouvez toujours essayer de le rattraper… »

Son carnet vaut de l’or

Il faut avoir un culot monstre pour tenter une interception dans un moment pareil. Il faut être habité d’une inébranlable confiance en soi pour abandonner brutalement son en-but et se lancer, sabre au clair, dans une entreprise aux atours suicidaires. « Il a surtout une chatte (sic) énorme, se marre Uini Atonio, auteur face aux Blacks de son meilleur match en équipe de France. Ça me rend fou. On attaque pendant trois minutes, on campe dans leur camp et on prend un essai à zéro passe ». Deux éclairs. Deux coups de serin. Deux images qui légitiment, si besoin était, pourquoi le numéro 10 des All Blacks vient d’être élu meilleur joueur du monde. Damien Chouly, à son vieux pote Dan Carter, lâchait d’ailleurs au banquet d’après-match : « Ton successeur, mec… C’est un tueur… »

Avant de s’attaquer à Paris, Barrett avait préparé son coup : estimé que le premier rideau français était bien trop hermétique ; décrété que Noa Nakaitaci avait des lacunes dans le jeu aérien ; jugé que le positionnement à plat de Camille Lopez pourrait s’avérer juteux. « Depuis mes 18 ans, expliquait-il dernièrement à notre correspondant en Nouvelle-Zélande Gregor Paul, je couche toutes mes impressions -environ une page par jour- sur un cahier. D’abord, parce que ma mémoire est abominable. Ensuite, parce que ça me rassure. J’ai besoin de pouvoir tout prévoir, tout contrôler. À l’école, je m’asseyais d’ailleurs au fond de la classe et passais des heures à dessiner des lancements de jeu. L’instinct est un plus. La base du métier, c’est la préparation ». La patte gauche chirurgicale, le sang-froid et la belle gueule de Dan Carter avaient marqué le titre mondial. Les coups de reins, les coups de sang et le teint pâlot de Beauden Barrett ont incarné la campagne 2016. Wayne Smith, ancien ouvreur des All Blacks et ami intime de Pierre Villepreux, s’interroge : « Si je devrais résumer sa saison en trois images ? Humm, l’essai qu’il aplatit à Sydney après avoir déposé trois adversaires sur une accélération, celui marqué à Dublin après avoir pris Conor Murray de vitesse, l’interception du Stade de France, samedi soir. Beauden comprend tout plus vite que tout le monde. Et puisque ses jambes se mettent souvent au service de son cerveau… »

À 25 ans, Beauden Barrett a le monde à ses pieds. Enfant du sérail, môme de la terre, il passe pourtant l’essentiel de ses vacances à la ferme familiale, dans la région de Taranaki. À New Plymouth, son père Kevin (ancien deuxième ligne des Hurricanes) a ainsi racheté l’exploitation de Graham Mourie. Le domaine Barrett ? Trois cents vaches, du lait bio, huit enfants, dont trois rugbymen professionnels. Chez les Barrett, Beauden est donc employé des Hurricanes. Scott, également All Black, est ouvrier des Crusaders. Kane ? Il bosse à Auckland, chez les Blues. Suivent Jordie et Blake, à peine sortis de l’adolescence mais annoncés dans le Super Rugby dès l’an prochain. Le meneur de jeu des All Blacks poursuit : « Je me souviens de quelques matchs disputés dans la cour de derrière, avec papa et mes quatre frères. Sur le terrain, on ne laissait pas à l’autre le moindre centimètre. C’était âpre. On voulait tous être le préféré de notre père. Au mieux, on finissait en larmes. Au pire, en sang ! C’était épique ! Nous avons tous gardé de cette enfance un besoin de se mesurer à l’autre, un féroce instinct de compétiteur ».

À l’automne 2016, Eddie Jones n’a toujours pas succombé au délire Beauden Barrett et, contre ventes et marées, lui préfère encore le petit Ford. On a, de notre côté, une vague idée de ce que donnera leur prochain face-à-face, prévu le 24 juin à l’Eden Park. On en reparle ?

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