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[ Dossier FFR ] Et la Fédé a basculé…

Par Marc Duzan
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Publié le Mis à jour
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C’est tout le rugby français qui s’est réuni, samedi dernier à Marcoussis, pour sacrer Bernard Laporte. Récit d’une journée historique.

Le soleil pointe son bec. À Marcoussis, la bise gifle et les bises claquent. Alain Doucet tombe dans les bras de Michel Palmié, homme de base du précédent système. Bernard Laporte embrasse Fabien Pelous, colistier du président sortant. Pierre Camou fait de même avec son ancien secrétaire général, à qui il ne parle plus depuis des semaines. « C’est le bal des faux-culs ? », propose un témoin. C’est la courbette de circonstance, celle qui précède toute échéance électorale. On craignait la chienlit. On s’était trompé et, sous l’immense chapelle blanche spécialement dressée pour l’occasion, quelques notes de folk caressent la biosphère. Au cœur de ces remparts en dentelle, le poker menteur a débuté. Les colistiers de Pierre Camou, qui ont diligenté un sondage auprès des clubs via les présidents de comité, annoncent une victoire du Basque avec 54 % des suffrages. De son côté, Bernard Laporte assure compter sur 5 000 promesses d’engagement, soit une belle majorité. Passé une assemblée générale financière rythmée par la faconde numéraire du trésorier Christian Garnier, les électeurs sont appelés aux urnes. S’ensuit un bordel encadré, un foutoir bon enfant où, sitôt l’enveloppe glissée, on grille une clope et les courants de pensée s’entremêlent. Entre deux bourrades, « Laportistes », « Camouliens » et « Doucétistes » évoquent les aléas de la saison en cours, le souvenir d’un déplacement douloureux à Montmélian, celui d’un arbitrage maison à Lombez… À l’écart de la foule, un quidam prend à partie Pierre Camou et demande, sans malveillance : « J’imagine que vous avez déjà pensé à ce que vous ferez, si… » Le Basque, d’abord surpris, s’en tire par une pirouette. « Je dois du temps aux miens… » Il y a alors, pour le président sortant, des bonnes nouvelles : le budget vient d’être voté à l’unanimité et l’association du Stade montois, 17 voix tout de même, a finalement gagné son camp. Il y en a des moins bonnes, aussi : la faute à un retard de quatre minutes, le club d’Aix-en-Provence - qui lui était également favorable - n’a pu voter et derrière les grilles de Marcatraz, des manifestants Europe Écologie Les Verts distribuent maintenant des tracts anti Grand Stade. Chienne de vie… Foutue campagne…

Raz-de-marée électoral

Sous ce vaste tivoli de toile blanche, les secondes s’étirent, les bureaux de vote se ferment les uns les après les autres et, aux abords de midi, le dépouillement débute. Aussitôt, la tension monte d’un cran. Autour de nous, on suppute, on imagine, on colporte. Certains prêtent à Alain Doucet des velleités de rejoindre le camp Laporte si la liste Camou est élue sans obtenir la majorité des suffrages. Une telle alliance remettrait tout à plat et on pourrait se retrouver, très vite, avec un président de consensus tel Fabien Pelous. Assis contre l’estrade où il siégeait sans le savoir pour la dernière fois, Serge Blanco est fataliste : « Que voulez-vous… Il faut maintenant tuer le temps, prier, lâcher prise… »

De son côté, Bernard Laporte arbore un sourire entendu et, se fiant à son seul instinct, souffle à un collaborateur : « Crois-moi… Cela commence à sentir bon… » Il est 14 h 20 lorsque le Landais Jean-Marc Degos, grand manitou du protocole, fait résonner sa voix grave. « Messieurs, les résultats sont connus ! Veuillez vous asseoir ! » À 14 h 22, une jeune femme sans âge et sans nom, recrutée comme scrutatrice indépendante, monte alors sur scène et annonce d’une voix neutre : « Avec 52,56 %, la liste obtenant la majorité est celle de Monsieur Bernard Laporte. » La fin de sa phrase se perd dans l’indicible rugissement des partisans de Bernie, lesquels se lèvent d’un même élan. Applaudissements, hourras, éclats de voix. Dans le coin droit de la salle, Pierre Camou apprend qu’il échoue à 35 % des voix. Le sortant accuse le coup. Alain Doucet ? Il se hisse à 12 % et intègre le nouveau comité directeur. « Même en associant les deux, souffle le vice-président Battut, on est encore loin du compte… Quitte à perdre, autant perdre ainsi… » Le séisme n’épargne personne. D’un pas pressé, Michel Palmié fend la foule et s’extrait du tivoli. L’un après l’autre, les proches de Camou quittent eux aussi la salle. L’un d’entre eux confie : « Pour rassurer Pierre (Camou, N.D.L.R.), certains présidents de comité ont menti lors du sondage, la semaine dernière. Ce n’est pas possible, autrement… Ce sont des lâches… » La claque est immense. L’ironie, de circonstance. « Félicitations Bernard ! », lâche le camouïste Tony Marin (le président de l’Armagnac-Bigorre) au meilleur ami de Pierre Camou, un sexagénaire portant beau et s’appelant - ça ne s’invente pas - Bernard Laporte… Et Marin de poursuivre : « Que voulez-vous ? Les gens du rugby ont eux aussi sacrifié à la mode : « sortez les sortants ! », dit-elle actuellement… » Sonné, groggy, le clan Camou se dit trahi : trahi par ces présidents de comité lui ayant promis des voix qu’ils n’avaient pas ; trahi par une partie du rugby des villages qu’il jure avoir sillonné huit ans durant ; trahi par les associations des clubs pros ayant tourné le dos, dans l’isoloir, aux requêtes pourtant claires des patrons de leurs SAOS (les camouïstes parleraient de Brive, Bayonne, Toulouse et Béziers). Que n’ont-ils cru les consultations faites par Midi-Olympique et qui disaient pourtant juste ?

Pelous s’oppose à Laporte

Il est 18 heures lorsque Bernard Laporte investit, seul, l’immense estrade où présidaient, quelques heures plus tôt, les homems du camp d’en face. Au terme d’un vote express, le nouveau comité directeur vient donc de nommer Bernie président de la FFR. Florian Grill (numéro 4 de la liste Camou) et Camou lui-même se sont abstenus. Fabien Pelous a voté contre son ancien sélectionneur. Sandrine Agricole, Serge Blanco et Wanda Noury, autres camouïstes du nouveau com’dir’ont, quant à eux, choisi la voie de la raison. Au micro, Bernard Laporte prononce son premier discours. Habité par la noblesse de la fonction, il en appelle désormais au « rassemblement » et à l’« apaisement », remercie « Pierre (Camou) d’avoir donné huit ans de sa vie au rugby français » avant de saluer, en larmes, la mémoire de son mentor André Moga, l’ancien président béglais. On peut aimer ou détester le personnage. On ne pourra jamais lui reprocher de tricher, en de pareilles circonstances…

La nuit est tombée depuis près d’une heure lorsque le nouveau président, escorté de son équipe de campagne, improvise une troisième mi-temps au bar du CNR. À l’étage, Pierre Camou a regroupé ses proches dans les appartements qu’il occupe, jusqu’à lundi, à Marcatraz. Touché, meurtri, le Basque déroule une dernière fois auprès des siens le fil de sa campagne. Ça et là, la République qu’il s’était évertuée à construire part en lambeaux. En Bretagne, le président Jean-Paul Canaud vient de démissionner. Dans les Alpes, Yves Chenal attend de retrouver ses clubs avant de trancher. « Il va maintenant falloir prendre soin de Pierre », souffle un proche, avant de s’évanouir dans la pénombre, comme avalé par les ténèbres…

Camou siègera-t-il au comité directeur ?

Samedi après-midi, au crépuscule de sa défaite, le président sortant déclarait en conférence de presse : « Ce sont les aléas de la vie démocratique et je les respecte. Je souhaite le meilleur au rugby français. » Contacté par nos soins dimanche, Pierre Camou n’a pas souhaité en dire davantage. Après avoir libéré son bureau du CNR, le Basque s’est promené dans Paris, en famille, dimanche après-midi. Il n’a pas encore décidé s’il siégerait oui ou non au comité directeur de la FFR. Si Pierre Camou quittait le comité directeur, il ne serait pas remplacé au sein de celui-ci.

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