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[DOSSIER ANGLETERRE] L’héritage d’une révolution

Par Jérôme Prévot
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    [DOSSIER ANGLETERRE] L’héritage d’une révolution
Publié le Mis à jour
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Le rugby anglais a toujours su faire preuve de pragmatisme pour mettre ses joueurs, ses clubs et sa sélection nationale dans les meilleures conditions possibles. La puissance financière de la fédération anglaise y est évidemment pour beaucoup.

En Angleterre, on sait prendre le taureau par les cornes. En 2007, le XV de la Rose venait d’atteindre la finale de la Coupe du monde, cache-misère d’un cycle de quatre ans chaotique. Le titre de 2003 avait été très lourd à digérer. Dans la foulée de la finale perdue face aux Springboks, la RFU annonça une mesure spectaculaire, décisive et très onéreuse. Avec l’ancien ouvreur Rob Andrew à la manœuvre, la fédération se lançait dans un plan d’investissement de 102 millions de livres sur huit ans, fruit d’un accord pesé au trébuchet avec ses clubs d’élite.

Au terme de ces huit ans, en juillet 2016, la RFU en remit une couche avec un nouveau plan de huit ans, mais riche de 225 millions de livres cette fois (et peut-être même plus en fonction de la part variable des contrats télévisuels). Rob Andrew était encore à la manœuvre avant de quitter la RFU, en avril dernier.

Les termes de ces accords stratégiques tournent autour d’un donnant-donnant : plus d’argent pour les clubs en échange d’une disponibilité accrue de leurs joueurs envers l’équipe nationale. En gros, ils sont libérés pour deux semaines de stage avant les fenêtres internationales. La préparation de la sélection est plus soignée et surtout, les talents les plus précieux du pays peuvent s’économiser sur le plan physique et faire face aux échéances dans un état de forme optimal. Dans ce domaine, l’Angleterre a eu dix ans d’avance sur la France.

Les internationaux préservés dès 2007

Mais pour chaque club, le montant de la généreuse manne fédérale est basé sur un système de bonus accordé aux équipes qui font jouer le plus de joueurs éligibles pour le XV de la Rose. L’accord comprend aussi un système de financement des académies de chaque club professionnel. La saison passée, cinq clubs anglais ont aligné au moins 70 pour cent de joueurs anglais en championnat : Northampton, les Wasps, Bath, Exeter et les Harlequins. Si l’on compare avec les clubs français, la différence est palpable. L’an passé, aucun club du Top 14 n’a franchi cette barre des 70 pour cent et seuls trois d’entre eux ont atteint les 60 pour cent (Toulouse, Clermont et le Stade français). Les jeunes talents d’outre-manche ont davantage de chances d’exposer leur talent. Ces deux accords ne sont sûrement pas parfaits, ils n’évitent pas au rugby anglais certaines déconvenues (le dernier Mondial par exemple). Mais ils garantissent un terreau favorable à l’éclosion d’un jeu de qualité.

Ils témoignent aussi d’une capacité impressionnante du rugby anglais à faire face à ses problèmes via un sens du pragmatisme qui fait parfois défaut au rugby français. Les Anglais en ont été récompensés par l’année 2016 exceptionnelle du XV de la Rose, par la victoire des Saracens en Coupe d’Europe mais aussi par les titres de leur sélection des moins de vingt ans. Remarquons aussi que sous l’ère Lancaster, le XV de la Rose n’a jamais terminé en deçà de la deuxième place du Tournoi.

La puissance financière de la RFU

Les raisons qui ont permis à ces accords de voir le jour sont connues. Elles tiennent surtout à la richesse de la RFU qui s’appuie sur une énorme tirelire nommée Twickenham. La fédération anglaise est propriétaire de son stade depuis 1910, elle l’a modernisé au fils des décennies pour en faire une redoutable machine à cash. Sa puissance financière est deux fois plus importante que celle de la FFR (209 millions d’euros contre 100 millions d’euros de produit d’exploitation en 2015). Elle lui a permis de surmonter les désaccords qui l’ont longtemps opposée aux présidents des clubs de l’élite à la charnière des deux siècles. Ce ne fut pas sans heurts, mais force est de constater que les deux parties ont su s’asseoir à une table bien avant leurs homologues français, dont l’organisation est finalement assez comparable.

Les caisses pleines de la RFU lui ont aussi permis de recruter en deux temps, trois mouvements, un entraîneur de très haut niveau, Eddie Jones, garant d’un jeu ambitieux pour faire oublier l’accident industriel de 2015. Il faut rappeler que Jones s’était déjà engagé avec la franchise des Stormers en Afrique du Sud. L’argent est évidemment à la base de cette culture du pragmatisme. Mais on se souvient quand même qu’en 1987-1988, l’Angleterre avait surpris en créant un championnat d’élite à douze clubs : une véritable révolution copernicienne pour un rugby englué jusqu’alors dans un amateurisme poussif qui méprisait la notion même de championnat. Cela déboucha sur un double Grand Chelem (1991, 1992) et une place en finale de la Coupe du monde (1991). Puis, elle fit en sorte qu’il n’y ait qu’une seule descente, histoire de libérer les esprits. Si ce n’est pas prendre les problèmes à bras-le-corps...

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