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[DOSSIER EQUIPE NATIONALE] Le Top 14 nuit-il aux Bleus ?

Par midi olympique
Publié le Mis à jour
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En dépit d’une volonté manifeste de faire évoluer son jeu, l’équipe de France peine encore à se hisser au niveau d’exigence internationale. Au-delà du niveau des joueurs, c’est surtout la question de leur manque de pratique à haute intensité qui se pose. Rendu étriqué et calculateur de par une multitude de facteurs, le rugby du Top 14 ne prépare plus au très haut niveau, ainsi qu’en attestent les récents résultats des clubs français en Coupe d’Europe. Un problème culturel, et donc insoluble ?

45 minutes de temps de jeu effectif. Voilà le chiffre, pharaonique, atteint par le pays de Galles et l’Angleterre lors du sublime match (16-21) qui a opposé les deux nations samedi dernier. Un chiffre d’autant plus remarquable que la rencontre s’est disputée à un niveau d’intensité rare dans les impacts, avec un déchet technique minimal, servi en outre par l’arbitrage merveilleux (cocorico !) de Jérôme Garcès, plus que jamais au service du jeu. Une rencontre qui a ravivé, une fois de plus, cette obsédante question : pourquoi les rencontres entre équipes étrangères semblent-elles de meilleure qualité que celles du XV de France ? Question d’autant plus légitime que, lorsque lesdits étrangers affrontent les Bleus, ceux-ci semblent baisser de régime... « Il y a plusieurs explications à cela, nous confiait l’entraineur irlandais de Grenoble, Bernard Jackman. D’abord, il y a le fait que les équipes étrangères, en particulier les Celtes, craignent la puissance du XV de France et évoluent différemment, en utilisant notamment beaucoup plus le jeu au pied. Mais il y a aussi le fait que le Top 14 ne prépare pas vraiment les joueurs français au niveau international. Comme les rencontres de très haute intensité sont rares en Top 14, l’équipe de France est pénalisée car ses joueurs ne sont pas habitués à évluer à ce niveau d’exigence. » Chose qui se vérifie notamment sur les séquences longues, souvent polluées par l’impatience de joueurs français désireux de forcer la décision par des gestes impossibles, alors que les étrangers sont capables de conserver leur sang-froid sans jamais perdre le fil. L’exemple du premier essai anglais face au pays de Galles, signé Youngs, constituant un modèle du genre...

Un mal palpable dès la coupe d’europe

En effet, alors que les championnats anglais ou celtes regorgent de séquences très longues susceptibles d’habituer les joueurs à se mettre dans le rouge, celles-ci demeurent trop rares en France, surtout lors des matchs de haut de tableau. Pour un Toulouse-Clermont à 39 minutes de temps de jeu effectif, la plupart des rencontres entre «cadors» accouchent le plus souvent de souris, dont certaines peinent parfois à dépasser la demi-heure d’efforts, prime étant donnée aux phases de conquête et à l’occupation. Des chiffres qui, au-delà du niveau international, se retrouvent ne serait-ce qu’en Coupe d’Europe... De fait, Clermont (au jeu volontairement calqué sur les standards du niveau international) semble aujourd’hui la seule formation hexagonale capable d’exister au plus haut niveau européen, tandis que Toulouse et Toulon ont souffert mille morts pour se qualifier.

Quadrature du cercle

Comment s’étonner, dès lors, que les maux des clubs français se transmettent à l’équipe de France ? Ce serait, pour tout dire, invraisemblablement faux-cul. La faute, d’abord, à un règlement inique qui privilégie le calcul à la prise de risque et l’aventure. Entre le bonus offensif à trois essais d’écart plutôt qu’à quatre tout court, l’absurdité du bonus défensif à cinq points d’écart (au lieu de sept), rien n’incite les clubs tricolores à jouer les fils prodigues plutôt que les épiciers. Alors, ajoutez à cela que les gros clubs ont désormais (du fait du salary cap, tant bien que mal respecté) des forces de frappe équivalentes et que les mentalités franchouillardes inclinent d’abord à empêcher le voisin de jouer plutôt que de s’occuper de son propre rugby, on en obtient un éternel cocu : le XV de France... La vérité?C’est que dès que les Bleus cherchent à produire un rugby conforme aux standards internationaux, ils finissent par perdre... Les exemples de l’Angleterre en 2015 et 2017, comme de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande en 2016, sont là pour le prouver... Faute de l’habitude nécessaire pour évoluer à haut niveau d’intensité, les Bleus finissent par être contrés. De quoi les inciter, logiquement, à un rugby moins flamboyant lorsque l’urgence de résultat s’en mêle, à l’image de ce qui s’est produit contre l’Écosse. Le hic ? C’est que ce n’est pas en jouant ce rugby-là que le XV de France pourra espérer, de nouveau, se hisser au niveau des meilleurs. Une quadrature du cercle dont le Flop 14 n’est pas la moindre des origines. 

Remember 2011...

Posons-le d’emblée : ce Top 14 est de loin le plus anxiogène du monde. Avec ses deux descentes par saison et ses phases finales élargies avec des barrages, joueurs et les staffs comptent les respirations d’une saison sur les doigts d’une main. Ailleurs, les compétitions sont moins tendues : le Super Rugby ? Championnat fermé. La Ligue celte ? Idem. Le Premiership ? Une seule descente, et des demi-finales directes. Mais nous, bons Gaulois, adorons nos phases finales. Nombre de dirigeants ont essayé de s’y attaquer. L’un des plus remarquables n’est autre que l’actuel président de la FFR, Bernard Laporte, à l’été 2014 dans nos colonnes. En vain. Les phases finales sont dans nos gènes. Mieux, elles subliment les joueurs français. Comment ne pas citer l’exemple de la Coupe du monde 2011, où l’équipe de France n’était jamais passée aussi près du sacre mondial après lequel elle court désespérément depuis 1987. Défaits 9-8 par des Blacks qu’ils ont poussé dans leurs derniers retranchements, les Bleus méritaient le titre malgré un parcours quasi désastreux en phase de poule avec ces humiliations infligées par la Nouvelle-Zélande (37-17) et le Tonga (14-19). En quarts, ils avaient pourtant sorti l’Angleterre, leader de la poule B. En demie, ils s’étaient imposés d’un souffle contre des Gallois pourtant réduits à 14 par le carton rouge donné à leur capitaine Sam Warburton pour un plaquage dangereux sur Vincent Clerc. Difficile de trouver situation plus stressante… Et que dire de cette finale disputée face au pays hôte, dans un contexte ultra-hostile alors que les Bleus étaient pourtant en autogestion depuis de longues semaines à la suite de la fracture avec le sélectionneur Marc Lièvremont ? Les Bleus ne sont jamais aussi performants que quand ils sont dos au mur, et sous pression. Et le championnat irrespirable dans lequel ils ont l’habitude d’évoluer n’est sûrement pas étranger à cet instinct de survie.

 

Par Nicolas Zanardi et Simon Valzer

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