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La France progresse-t-elle ?

Par Emmanuel Massicard
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    La France progresse-t-elle ?
Publié le Mis à jour
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Mi-figue mi-raisin, Les Bleus ont réalisé l’essentiel sur le front romain, mais restent loin des standards internationaux aperçus à Londres et à Cardiff ce même week-end sur le plan de l’intensité et du rythme.

Le XV de France a battu l’Italie (40-18). Bravo. Il jouera samedi, au Stade de France, pour décrocher la deuxième place du Tournoi et, plus encore, s’assurer la huitième place au classement World Rugby pour figurer parmi les privilégiés lors du tirage au sort de la prochaine Coupe du monde. Banco. N’empêche, les Bleus jouent encore avec nos sentiments. La bienveillance n’exclut en rien la lucidité. Cette équipe, aussi sympathique soit-elle, a tendance à jouer avec nos nerfs en manquant de discernement pour conduire son rugby et d’efficacité pour conclure ses mouvements dominants. En manquant, enfin, de constance d’un match à l’autre (entame réussie face à l’Irlande puis totalement ratée en Italie) même si elle a de quoi exaspérer le plus fervent de ses supporters en répétant les mêmes fautes, qui produisent les mêmes effets. D’où la question, cette équipe progresse-t-elle depuis cet automne ? Oui si l’on en croit Guy Novès, qui pose des limites : « Il y a quinze jours, je disais qu’on faisait du surplace. Je dirais qu’on a cette fois avancé, un petit peu. On a fait un pas un en-avant. Attention à ne pas en faire deux en arrière, dans une semaine face au pays de Galles. » Et le sélectionneur de détailler : « Toute la rencontre (face aux Italiens), on a retrouvé des lacunes qui maintiennent cet écart entre quelques grandes équipes et nous. Des ballons lâchés avec trop de facilité, un manque de patience sur des choses finalement simples. J’espère qu’on trouvera un jour une équipe un peu plus froide, capable de tenir le ballon le temps nécessaire pour marquer des essais. »

Le temps presse pour les Bleus qui jonglent avec le crédit accordé aux nouveaux projets. Les bénéfices s’épuisent et la pression va monter d’un cran samedi contre le pays de Galles. Un rendez-vous qui doit concrétiser les promesses affichées depuis plus d’un an. Voilà le premier juge de paix, abordé avec prudence par Novès : « On a regardé Galles-Irlande et on a pu constater l’intensité mise par les deux équipes. Les Gallois ont su résister plusieurs fois à quinze ou vingt temps de jeu irlandais. Quand je vois, de l’autre côté, à quelle vitesse nous nous débarrassons du ballon… Si on joue avec autant de laxisme, si on laisse autant de ballons aux Gallois, on n’existera pas chez nous, au Stade de France. Le vrai challenge, c’est de garder les pieds sur terre par rapport à ce match en Italie. Et de se rendre compte qu’on est encore très loin de ce qu’ont montré les Gallois hier soir. » S’il n’est pas favori, le XV de France doit désormais effectuer un grand saut en avant sur le chemin de sa progression.

OUI LA FRANCE EST EN PROGRESSION

 

Les jeunes ont saisi leur temps

À chaque sélectionneur sa génération. Poirot, Baille, Jedrasiak, Chat, Sanconnie, Vakatawa, Iturria, Serin ou Dupont sont les premières trouvailles du trio Novès-Bru-Dubois qui a également lancé Danty et Bézy, testés avec plus ou moins de succès. Ils rejoignent Ollivon, Tolofua et Fickou nés à l’international sous l’ère Saint-André. Au total, c’est une quinzaine de joueurs qui présente des garanties pour l’avenir et incarne par la force des choses le manque d’expérience général des Bleus au sein d’une équipe qui ne maîtrise pas son rugby. Mais, malgré les défaites accumulées depuis novembre, ces jeunes ont pris de la bouteille, saisi les exigences du très haut niveau pour devenir légitimes (Baille), prouvé qu’ils étaient en phase de progrès (Serin), parfois su s’imposer d’emblée (Ollivon, Poirot…). Pour eux, le temps présent n’a rien de perdu même si, à l’image de Vakatawa, tous les paris ne sont pas systématiquement gagnants.

La France rivalise dans le combat

C’est l’élément de base du rugby, sans quoi rien n’est possible : l’engagement dans le combat et les points d’impact. Coupables dans ce secteur dans le dernier Tournoi mais aussi en Argentine (premier test-match) et en novembre, face à l’Australie, les Bleus ont rectifié le tir sur l’ensemble des quatre rencontres du Tournoi. Ce qui leur a permis de rivaliser sans être brillants. Les deux défaites, en Irlande et en Angleterre, ne l’ont été par de petites marges que par les bienfaits du combat. « Deux rencontres où il y a eu des lacunes, c’est une évidence, mais où il ne me semble pas qu’on se soit sortis », juge Novès. La victoire face à l’Écosse, pauvre dans le contenu, n’a été arrachée qu’à la force des convictions. Une base qui ne peut se suffire à elle-même, certes, mais nécessaire et désormais présente

Une hiérarchie s’est dessinée

Parmi les objectifs d’une première moitié de mandat, il y a le choix des hommes qui doit s’affiner, au fil des matchs, pour se stabiliser. Guy Novès estime devoir compter sur un groupe de base d’une cinquantaine de joueurs dans lequel il peut puiser, au gré des formes et des blessures. Ce processus est enclenché et, peu ou prou, abouti. On connaît aujourd’hui les première ligne (Baille, Ben Arous, Poirot, Guirado, Chat, Tolofua, Slimani, Atonio), les seconde ligne (Ledevedec, Maestri, Vahaamahina, Jedrasiak) et le numéro 8 (Picamoles). Gourdon devient une évidence en troisième ligne aile, accompagné par Chouly, Goujon, Ollivon et, si besoin, de joueurs d’appuis (Sanconnie, Lakafia, Le Roux). Derrière, le temps est aussi à la stabilité. La charnière se partagera entre quatre hommes (Serin, Machenaud, Lopez, Trinh-Duc), le centre entre trois autres (Fickou, Lamerat, Fofana) et le triangle arrière entre les cinq habituels (Nakaitaci, Vakatawa, Huget, Spedding, Dulin). Des éléments de base qui commencent à être nombreux, complétés au cas par cas par des éléments « suppléementaires » (Camara, Chavancy, Danty, Bastareaud, Doussain, Dupont…) en cas de blessures en cascade. La France rivalise dans le combat C’est l’élément de base du rugby, sans quoi rien n’est possible : l’engagement dans le combat et les points d’impact. Coupables dans ce secteur dans le dernier Tournoi mais aussi en Argentine (premier test-match) et en novembre, face à l’Australie, les Bleus ont rectifié le tir sur l’ensemble des quatre rencontres du Tournoi. Ce qui leur a permis de rivaliser sans être brillants. Les deux défaites, en Irlande et en Angleterre, ne l’ont été par de petites marges que par les bienfaits du combat. « Deux rencontres où il y a eu des lacunes, c’est une évidence, mais où il ne me semble pas qu’on se soit sortis », juge Novès. La victoire face à l’Écosse, pauvre dans le contenu, n’a été arrachée qu’à la force des convictions. Une base qui ne peut se suffire à elle-même, certes, mais nécessaire et désormais présente

MAIS LE DOUTE EST PERMIS

La charnière doit confirmer

 En France, on change de charnière. Souvent. Et quand on ne le fait pas, prônant la stabilité comme Guy Novès le fait actuellement avec Baptiste Serin et Camille Lopez, on critique. Puis on encense, avant de critiquer à nouveau. « Ça fait partie du job, que ce soit pour le demi de mêlée ou l’ouvreur. On est dans la lumière, on le sait. Si on se plaint, il faut peut-être chercher un autre métier », répondait Camille Lopez, soumis aux critiques en Irlande. Après la déception de Dublin, le duo a donc été bon en Italie. Voire très bon. Le doute, qui demeure, vient plutôt de la faiblesse de l’adversité, quand il est toujours plus facile d’imposer son rythme à une défense qui rate un plaquage sur deux (lire en page 6, les statistiques de la rencontre). Cette performance positive, les deux joueurs devront donc la répéter face à l’étouffante pression défensive galloise. Deux divisions plus haut. Le test reste à passer.

Des facteurs X irréguliers

La prestation de Virimi Vakatawa à Rome est désarmante. Comme souvent lors de ses dernières titularisations en Bleu, l’ailier fidjien est capable de soulever les foules mais aussi de faire s’arracher quelques cheveux aux supporters. Le « fauve », comme le surnomme le staff de France 7 est capable de faire des différences exceptionnelles mais il commet toujours les mêmes erreurs depuis son retour à XV en lâchant des ballons au petit bonheur la chance (aucune passe après contact n’a trouvé de partenaire à Rome, rendant ainsi quatre ballons aux Italiens). Vakatawa est désarmant, capable d’inscrire un essai sans l’aide de personne mais pouvant mettre en péril le collectif par moments. Les matchs se suivent et se ressemblent pour ce joueur pourtant hors norme. Ce sont les mêmes reproches que l’on peut faire à Louis Picamoles. L’ancien toulousain est certainement le joueur français qui « casse » le plus de plaquages permettant aux Bleus de jouer dans l’avancée. Néanmoins, le troisième ligne centre commet souvent les mêmes erreurs, en se coupant du soutien (poussé deux fois en touche à Rome par une défense en supériorité numérique) le contraignant à tenter des passes impossibles ou perdant le ballon au sol. En gommant ces petites erreurs, il deviendrait le fer de lance du jeu tricolore. Enfin, Rémi Lamerat, étincelant au mois de novembre, a perdu en efficacité depuis le début du Tournoi. Comme Vakatawa et Picamoles, c’est le joueur qui fait avancer les Bleus grâce à son impact physique sur la défense adverse. En revanche, il peine à transformer cet impact en coup gagnant comme à la 64e minute face à l’Italie où il transperce la défense transalpine mais il n’arrive pas à trouver la solution pour offrir de la continuité à son action. Ces trois joueurs, qui sont les Français qui ont éliminé le plus de défenseurs adverses à Rome (21 à eux trois), doivent encore progresser pour offrir plus de liant aux Bleus qui n’arrivent toujours pas à imposer de longues séquences de jeu à leurs adversaires.

 

Par Emmanuel Massicard, Léo Faure, Nicolas Augot et Pierre-Laurent Gou.

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