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Fusion parisienne : Les raisons d’une volte-face

Par midi olympique
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    Fusion parisienne : Les raisons d’une volte-face
Publié le Mis à jour
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Dimanche midi, le président du Stade français Thomas Savare et le président du Racing 92 Jacky Lorenzetti annonçaient de concert que le projet de fusion était abandonné. Voici pourquoi.

Le projet n’aura donc pas survécu à l’onde de choc que l’annonce du 13 mars 2017 avait provoqué dans le petit monde du rugby. Moins d’une semaine après avoir soumis l’idée d’une fusion entre le Stade français et le Racing 92, Thomas Savare et Jacky Lorenzetti ont ainsi fait machine arrière. C’est vendredi soir, au terme d’une journée houleuse passée au siège de la Ligue puis à Jean Bouin et enfin à la Mairie de Paris que le président du Stade français a pris sa décision. Après avoir obtenu l’accord des joueurs et proposé à ceux-ci un planning d’entretiens individuels réalisés tout au long du week-end, Savare se heurtait alors au veto de Pascal Papé, le deuxième ligne international ayant visiblement retourné un à un ses coéquipiers. Dépourvu de solutions, incapable de renouer le dialogue avec ses employés, le président du Stade français faisait alors volte-face et appelait dimanche matin son homologue du Racing afin d’enterrer la fusion… De fait, les deux hommes ont très mal vécu la vague d’indignation ayant largement dépassé les frontières du rugby. La manifestation spontanée des supporters du Stade français, la grève illimitée votée par les Soldats roses, l’oukaze de la Fédération française de rugby, l’inquiétude de la mairie de Paris, la surprise du Conseil Général des Hauts-de-Seine et les coups de gueule de la « grande famille » ont eu raison de l’ébauche qu’avait secrètement dessinée Savare, Lorenzetti et leur directeur général Pierre Arnald. « La révélation du projet a été beaucoup trop légère, confie Franck Mesnel, champion de France avec le Racing en 1990. On n’a pas pris conscience de l’ampleur que prendrait cette histoire. Tout ça n’a pas été mesuré à sa juste valeur. Vous remarquerez d’ailleurs que l’annonce du retrait du projet a fait l’ouverture de beaucoup de JT… En somme, c’est une belle erreur de communication. » En coulisses, certains s’étonnent également de la nécessité de cette fusion avortée : si un rapprochement entre Biarritz et Bayonne, dans un bassin économique restreint, aurait pu être envisageable, d’aucuns s’interrogent encore sur la nécessité d’une association entre le Racing et le Stade français, seules entités à se partager le territoire parisien.

Un imbroglio juridique

Par ailleurs, plusieurs barrages juridiques ont semble-t-il dissuadé les deux présidents. Pour réaliser un tel rapprochement, Savare et Lorenzetti avaient en effet besoin de l’aval des deux associations supports (les secteurs amateurs). Si l’association du Racing s’était prononcée en faveur du projet, celle du Stade français avait en revanche opposé une fin de non-recevoir à l’idée d’un grand club francilien. Samedi soir, on apprenait ainsi que la convention passée entre le secteur associatif et la structure pro du Stade français, émise tous les quatre ans par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, arrivait à expiration en juin prochain et n’aurait pas été renouvelée en cas de fusion par les amateurs du club parisien. En cas d’absorption de la structure professionnelle du Stade français, Jacky Lorenzetti se serait alors retrouvé avec, sur les bras, une coquille vide, un nom inutilisable (la marque Stade français appartient au secteur associatif) et des joueurs dans l’incapacité d’exercer leur métier puisque privés de numéro de licence !

Panser les plaies

Comment est-il possible d’envisager sereinement la suite ? Alors que les premières tractations entre dirigeants se déroulaient, le cas de Sergio Parisse avait par exemple été largement évoqué par les deux Laurent (Travers et Labit) et leurs patrons respectifs : afin de respecter les délimitations du salary cap (12 millions d’euros) et coller au désir de fonder une équipe « 100 % française » (Lorenzetti), la libération du numéro 8 italien était fortement pressentie et Montpellier avait déjà pris des renseignements. Dès lors, dans quelles conditions psychologiques le plus gros contrat du Stade français terminera-t-il la saison ? La question se pose, tout comme elle se posera pour son bras droit. Des mots durs ont ainsi été échangés entre Savare et Papé, porte-drapeau de la rébellion : « Tu es en train de tuer un club, Thomas. Vu que tu es un grand donneur de leçon, je vais te dire : il y a onze ans que je suis au club et les mecs me suivront. » Banco. De l’autre côté du périph’, l’ambiance est moins électrique mais le groupe francilien portera longtemps les stigmates de la dissension, certains joueurs s’étant montrés hostiles au projet. D’abord, les relations entre Jacky Lorenzetti et son trois-quarts centre Henry Chavancy doivent être mises à plat. Particulièrement choqué par l’annonce du 13 mars 2017, l’international avait refusé, en début de semaine, de répondre aux appels téléphoniques de son président. Dimanche après-midi, Chavancy postait même ceci sur les réseaux sociaux : « Tellement heureux de me dire que j’aurai l’occasion de jouer plein d’autres derbys en ciel et blanc ! » Ambiance… Dimitri Szarzewski, pointé du doigt par certains de ses coéquipiers pour avoir applaudi le discours de son président lundi matin, s’était depuis excusé auprès de ses partenaires, coupant court à tout embryon de polémique. Au sein du staff francilien, une mise au point a également été faite vendredi entre les deux Laurent et le maître ès défense, Ronan O’Gara. Lundi midi, peu après que Jacky Lorenzetti eut exposé son projet, l’entraîneur irlandais s’était en effet montré furieux de n’avoir pas été averti par Travers et Labit, eux mis au parfum.

L’hypothèse du dépôt de bilan

Pour l’instant, le Racing 92 et le Stade français poursuivent donc leur route chacun de leur côté. Si les soubresauts de la vraie-fausse fusion ne devraient pas affecter plus que ça les champions de France, on est en droit de s’interroger sur l’avenir à moyen terme du club de la Porte d’Auteuil. Il y a quelques mois, Thomas Savare avait émis l’idée d’une solution alternative, un projet assis sur un budget plus modeste et au gré duquel le Stade français s’appuierait sur la formation et le développement de jeunes. Un projet qui n’avait pas eu l’écho espéré. Trouver un repreneur ? Savare s’y est attelé depuis déjà presque un an mais n’a jamais abouti. Plusieurs anciens joueurs ont travaillé cette semaine à l’ébauche d’un projet de reprise, mobilisés autour de Guazzini. Poursuivront-ils avec l’arrêt de la fusion ? À voir... Le ticket d’entrée serait supérieur à sept millions d’euros. D’autres pistes faisaient même état ce week-end d’une mise minimale de 10 millions d’euros : 5 pour combler le déficit actuel et 5 pour recapitaliser... Mais, pour le Stade français, la pire des occurrences serait incarnée par un dépôt de bilan pur et simple. Si cela se produisait, le treizième du Top 14 (Grenoble ou Bayonne) serait sauvé, les joueurs et les coachs sous contrat avec le Stade français se retrouveraient alors tous au chômage, percevraient 75 000 euros d’indemnités et une mensualité de 7 000 euros bruts pendant un an. Mais ceux-ci pourraient également faire le bonheur de nombreux clubs français ou anglais. Quant au directeur général du Stade français Pierre Arnald, qui était censé devenir le DG de la nouvelle entité, il envisagerait aujourd’hui son avenir hors du milieu rugby. Dans les locaux d’Oberthür Fiduciaire comme il se murmure, en effet…

 

Par Marc Duzan et Arnaud Beurdeley

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