Penaud, de père en fils
Discret sur les débuts puis l’explosion de son fils, Alain Penaud se contente de vivre la carrière de Damian comme un père, pas comme un entraîneur personnel. Une posture aussi réclamée par le jeune Clermontois.
C’est l’histoire d’un match de rugby, vécu par un père. Sur le papier, ce n’est pas un père comme les autres. Alain Penaud connaît le rugby dans ses moindres éclats et ses vices, pour l’avoir vécu pendant vingt ans (1987-2007) et avoir expérimenté le passage de l’amateurisme total au professionnalisme dévorant. Il sait les codes et finesses de ce jeu, comme les déboires et les rebonds d’une carrière. Sauf que Penaud, le père, confie ne pas trouver ce recul lorsqu’il s’installe en tribunes et que, sur la pelouse, entre son fils Damian. « Les matchs, je les vis comme un papa. Donc pas très bien. » Pour ces confidences, nous l’avions d’abord sollicité avant la rencontre entre Clermont et Brive, il y a deux semaines à Marcel-Michelin. Nous avions finalement repoussé, face à la prééminence du résultat (surprise) de cette rencontre. Mais le témoignage valait d’être retranscrit.
« Il m’a demandé de me faire discret »
Alain Penaud avait d’abord hésité à accepter. Le transfert de son fils, de Brive vers Clermont en 2015, avait fait couler pas mal de venin entre les deux clubs du Massif central. Puis il a accepté, précisant qu’il n’apporterait pas de regard critique sur les performances de son fils. « Je suis son père, pas son entraîneur. Je ne cherche pas à analyser ses prestations. Ou alors, ça vient seul mais je le garde pour moi. Il n’y a pas d’interférence à avoir, ce serait la pire des choses. Damian est bien entouré, il a Franck Azéma et son staff qui bossent pour ça. C’est leur travail et de ce que j’en sais, ils le font très bien. La pression se suffit à elle-même, pas besoin d’en rajouter. Damian n’a jamais demandé que je sois son conseiller. Il n’a jamais désiré avoir de débrief d’après-match. Moi, je regarde la rencontre comme n’importe quel papa. » L’ancien ouvreur du CAB a appris cette rigueur au fil des années et des sélections de jeunes, dans lesquelles le nom de Penaud sonnait forcément différemment. Surtout à Brive. « Assez vite, il m’a fait comprendre qu’il appréciait que je ne sois pas trop près de la pelouse. Même chez les jeunes. Je l’ai compris et je l’ai respecté. C’était un jeune garçon, le nom qu’il portait comprenait certaines lourdeurs… Quand il est arrivé à Brive, il sentait que les rapports avec les autres jeunes étaient faussés. Il m’a demandé de m’écarter un peu, de me faire discret. »
« Les matchs, un moment douloureux »
C’est avec cette posture délicate qu’Alain Penaud vit aujourd’hui la carrière de son fils, surprenant détenteur de neuf feuilles de match (sept titularisations) lors des neuf derniers matchs. La blessure de Fofana a accéléré l’éclosion de l’ancien briviste, arraché il y a deux ans par les sirènes clermontoises. Mais l’habitude n’enlève rien à l’angoisse du père. Celle de la blessure et potentiellement plus, dans un sport de combat qui n’en finit plus de se densifier. « Les matchs, je ne les vis pas bien. Disons que je suis plus à l’aise à la fin de la rencontre qu’au début. C’est la vision d’un père, sur un rugby qui a beaucoup évolué. La violence que j’ai connue au début de ma carrière a disparu. Et c’est tant mieux. Mais ce sont de vrais athlètes qui s’affrontent désormais sur la pelouse. Les chocs sont extrêmement violents, je le sais pour les avoir connus à la fin de ma carrière. Je sais qu’il est bien suivi, qu’il a à sa disposition une cellule médicale, tout un travail de récupération qui n’existait pas à mon époque. Mais les matchs restent un moment un peu douloureux pour moi. Je me rassure en me disant qu’il est bien entouré. » Ce dimanche, Damian Penaud foulera pour la première fois la pelouse d’une demi-finale de Coupe d’Europe. Parce qu’il y a des blessés dans les rangs clermontois, bien sûr (Fofana et Nakaitaci). Aussi parce que Damian Penaud est bon, tout simplement, et qu’il continue de progresser. « C’est un garçon qui observe et qui écoute, ce qui lui permet de bien évoluer », apprécie Azéma. « Il est aussi bien entouré par « Roro » (Rougerie, N.D.L.R.) et Benson (Stanley) qui l’encouragent, le conseillent le rassurent ou le bousculent quand il en a besoin. »
Les résultants sont probants. À Grenoble la semaine dernière, il a encore cabossé du défenseur isérois et franchi à de nombreuses reprises le premier rideau défensif adverse. Dans un style féroce qui paraît bien loin de ce que proposait son père. « Mais je ne cherche pas de similitude et j’aimerais que personne n’en cherche, que Damian fasse son chemin », confie Alain. Il y a vingt ans, il soulevait avec Brive la première H Cup de l’Histoire, la seconde Coupe d’Europe après celle remportée par les Toulousains l’année précédente. Damian Penaud venait tout juste de naître. Il se retrouve aujourd’hui propulsé vers un destin qui lui est propre. Mais la filiation est belle.
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