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Laurent Marti : « Écœuré par les phases finales »

Par Nicolas Augot
  • Laurent Marti : « Écœuré  par les phases finales »
    Laurent Marti : « Écœuré par les phases finales »
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Le patron de l'UBB fait le point sur la situation du club avant la reprise de son équipe programmée mardi prochain mais il s'inquiète aussi de l'évolution de ce sport notamment en raison du spectacle proposé lors de la phase finale du Top 14. 

L’Union Bordeaux-Bègles reprend l’entraînement mardi prochain. Après une saison 2016-2017 terminée à la onzième place, êtes-vous impatient de repartir au combat ?

Je ne suis pas impatient. Après une année difficile, je pense que l’on a tous besoin de se changer les idées. Malheureusement, le travail d’un président ne s’arrête pas en même temps que la saison sportive. Elle se prolonge avec le renouvellement des partenariats, qui sont en augmentation et c’est une belle preuve de confiance après notre saison mais ils ont compris que c’était dur. Ils ont su aussi que nous nous battions. Il faut également préparer l’exercice à venir. Ce n’est pas une tâche facile. Non, je ne suis pas particulièrement impatient. Il me faudra encore un petit peu de temps pour avoir envie à fond de revivre ça, je parle de quelques semaines, mais avec bien évidemment une farouche volonté de faire mieux.

 

La déception de cette onzième place est-elle complètement évacuée aujourd’hui ?

Oui, totalement. Je l’explique depuis quelques mois maintenant. Comment peut-on dire que l’UBB devrait finir sixième ? Que c’est un échec quand elle ne termine pas dans les six premières places avec notre masse salariale ? Je n’ai pas le droit de dire ça. Je ne cesse de l’expliquer. Il y a des exceptions comme Oyonnax il y a deux ans, ou La Rochelle cette saison. Nous essayons de nous glisser dans les exceptions mais quand on n’y est pas, on ne peut pas crier au scandale ou affirmer que c’est un échec. On peut simplement être frustrés car nous aimerions connaître les phases finales nous aussi. Il existe une différence entre frustration et échec.

 

Votre club progressait chaque année depuis son arrivée en Top 14 et vous êtes confrontés pour la première fois à une régression…

C’est vrai, c’est une régression au classement. Vous avez raison. Nous avons construit notre club pierre par pierre pendant dix ans. Deux fois, nous avons échoué de très peu et, la saison dernière, c’était d’un peu plus. Mais c’est lié au Top 14 dont le niveau monte chaque année. Prenez la dernière journée : Jusqu’à la soixantième minute de jeu, nous menons 22 à 3 sur la pelouse du Racing. Nous sommes alors à un essai de la sixième place. C’est hallucinant. Vingt minutes plus tard, on perd le match et nous terminons à la onzième place. Cela prouve que ça se joue à pas grand-chose. Je crois qu’il vaut mieux monter son budget sans parler de qualification. Le plus grave dans l’histoire est que, mis à part les quatre ou cinq très gros, personne n’est à l’abri d’un accident industriel et chacun peut se retrouver treizième à la fin du championnat. On l’a déjà vu par le passé.

 

Cette onzième place ne va-t-elle pas permettre un changement de cap nécessaire ?

On voit ce qui marche dans le Top 14 : c’est l’agression physique et heureusement que Clermont a gagné la finale car c’est une équipe qui joue au rugby. Sinon, cela aurait donné raison à ceux qui basent leur rugby sur le physico-physique. Ce n’est pas du tout une critique, je ne peux pas me permettre. C’est juste un constat et l’UBB est un club un peu plus romantique par rapport à cette réalité. Nous avons clairement réalisé qu’il fallait devenir un peu plus dur sur le plan physique et plus stratège. Cela fait partie de la maturité que nous devons acquérir pour espérer mieux.Moi, je veux bien que l’on reste un club sympathique, je veux que l’on continue à pratiquer un rugby offensif mais nous devons aussi faire preuve d’adaptation. Il faut savoir s’accommoder aux évolutions de ce sport, tout en conservant notre ADN. On ne se prendra jamais pour d’autres, on fera toujours en sorte de rester un club sympa, tourné vers l’offensive mais nous devons saupoudrer tout ça d’un peu plus de dureté. Ce constat, nous le partageons avec Jacques Brunel. Il a bien vu en découvrant ce club que nous devions monter le cursus de la rigueur et de la détermination. Jacques a une grande expérience. Il est curieux, intéressant et ouvert à tout mais c’est surtout quelqu’un de très pragmatique.

 

Vous ne semblez pas avoir apprécié les phases finales du Top 14, avec notamment les nombreuses commotions cérébrales…

J’ai été plus qu’effrayé, j’ai été écœuré. C’est mon goût personnel, mais à part un ou deux matchs, si l’on n’est pas passionné de rugby, on ne peut pas apprécier. On ne peut pas se satisfaire de l’évolution de ce sport. On ne va pas se mentir. J’ai l’impression que ce sont des gladiateurs que l’on envoie à la mort. Surtout, nous n’avions pas vu ça pendant la saison. Des équipes ont fait des parcours fabuleux, dont je suis admiratif, mais, me semble-t-il, en étant plus ambitieuses dans le jeu. La pression des phases finales a durci et surtout fermé le jeu. C’était une recherche, même pas de l’affrontement, mais de l’agression physique quasi-permanente. Donc je ne vais pas pratiquer la langue de bois en vous disant que j’ai apprécié. Non, je n’ai pas apprécié, j’ai même été écœuré. C’est affolant le nombre de commotions cérébrales. Je me demande si l’on a encore le droit d’organiser ça. On a des jeunes joueurs qui ont une vie de rêve, qui font un sport magnifique, qui gagnent énormément d’argent et on leur répète souvent, mais, pour autant, on n’a pas le droit de les envoyer à la boucherie. C’est la responsabilité des présidents et des entraîneurs d’essayer de pratiquer un rugby un peu différent. C’est ce qui se fait ailleurs dans le monde donc c’est possible.

 

Pour revenir à l’UBB, comprenez-vous les interrogations sur votre recrutement basé essentiellement sur des jeunes joueurs qui arrivent pour beaucoup de Pro D2 ?

Je crois qu’à l’UBB, nous savons dénicher des talents inconnus ou en devenir et nous l’avons déjà prouvé. Nous sommes peut-être moins pertinents quand il s’agit d’aller chercher des stars. Nous sommes donc revenus à ce que nous savons faire depuis le début. Je suis très content du recrutement car il est ciblé et très complémentaire du groupe qui était en place. Avec les retours des joueurs blessés, comme Darly Domvo, et des jeunes joueurs qui vont avoir leur chance, nous serons aussi nombreux que l’année dernière. J’ai même tendance à penser que nous serons plus performants. Les joueurs qui arrivent vont apporter un vrai plus. Lors de la dernière intersaison, j’ai entendu que notre recrutement était bizarre. On peut parler de Ian Madigan avec qui ça n’a pas marché, mais on peut aussi parler de Vadim Cobilas et Luke Jones qui ont figuré parmi les meilleurs joueurs du championnat. Donc, on ne recrute pas par hasard. Nous avons fait un vrai travail de fond pour obtenir les signatures des joueurs qui nous rejoignent.

 

Le principal recrutement de l’UBB n’a-t-il pas été de conserver ses internationaux ?

C’est tout le paradoxe. Des gens me disent : « Tu dois avoir une masse salariale en baisse avec les départs de Madigan et Ashley-Cooper. » Mais non, la masse salariale est en hausse car notre plus beau recrutement, c’est d’avoir pu conserver tous nos internationaux : Loann Goujon, Julien Rey, Jefferson Poirot, Clément Maynadier, Baptiste Serin, Marco Tauleigne. Tous nos joueurs déjà sélectionnés ou susceptibles de l’être ont été prolongés. Bien évidemment, quand ces joueurs-là explosent au plus haut niveau, il faut les payer. C’est certainement notre plus gros recrutement car nos stars sont là.

 

Miser sur les jeunes est néanmoins contraire à la logique du Top 14…

L’année prochaine, nous serons certainement le club qui va fournir le plus de jeunes internationaux et nous avons aussi cinq joueurs dans la liste des 45. Le plus bel exemple, c’est Nans Ducuing que nous sommes allés chercher à Perpignan quand il était un illustre inconnu. Aujourd’hui, il est en tournée avec l’équipe de France.

Qui a choisi les nouveaux entraîneurs, vous ou Jacques Brunel ?

Nous l’avons fait ensemble, en partageant nos idées, en recevant les postulants puis nous les avons sélectionnés ensemble. C’est vrai que c’est un staff atypique car il y a un Irlandais, Jeremy Davidson, mais qui connaît très bien la France avec six belles années à Aurillac, un Anglais Rory Teague qui a à peine 33 ans, mais il figurait dans le staff d’Eddie Jones. Nous avons aussi un nouveau préparateur physique, spécialiste de la musculation. Nous avons renouvelé le staff et c’était important. Ils arrivent d’horizons divers mais ils ont un point commun : une très grande disponibilité et une immense passion pour ce sport. C’est ce qui nous a séduits avec Jacques.

 

Depuis la fin de la saison, vous parlez d’un nouveau cycle qui va débuter à l’UBB. N’est-ce pas paradoxal alors de choisir un manager de 63 ans, sans remettre en cause les compétences et le palmarès de Jacques Brunel ?

Je comprends la question mais il n’y a pas plus jeune, plus dynamique et plus passionné que Jacques Brunel. Il connaît tout du rugby et j’ai pu le découvrir l’an dernier. C’est un homme curieux de tout, supérieurement intelligent et pragmatique. Surtout, il a le rugby dans le sang, il le vit. En tant que président, je suis très heureux d’avoir la chance que Jacques Brunel soit le manager de l’UBB. Je vous le dis avec mon cœur, ce n’est pas du cinéma.

 

Que peut-on souhaiter à l’UBB à l’heure de la reprise ?

Que l’UBB continue de prendre autant de plaisir avec ses supporters dans des stades souvent remplis. Sur le plan sportif, que l’on arrive à faire une meilleure saison que l’année dernière. Après, se fixer des objectifs vu la concurrence en place, c’est quasiment impossible. Sur le papier, notre place se situe entre la septième et la douzième position. À nous de faire en sorte d’être plus proche de la septième. Si c’est le cas, sur un coup de dé, on peut basculer sur la sixième place comme c’est arrivé pour d’autres équipes qui s’y attendaient moins.

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