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Arnaud Mela : « Le corps a dit stop »

Par Léo Faure
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    Arnaud Mela : « Le corps a dit stop »
Publié le Mis à jour
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Deuxième ligne des Barbarians, Arnaud Mela dispute ses derniers matchs en Afrique du Sud avec les Barbarians. Ensuite, il prendra sa retraite de joueur et ira entraîner Albi la saison prochaine.

Que retenez-vous de ce match : la déception de la défaite ou la fierté du comportement de votre équipe ?

C’est une déception, clairement. On leur a donné le match. Chacun à notre tour, nous avons fait quelques passes improbables, ce qui leur offert des contres sur lesquels ils nous ont fait très mal. Nous n’avons pas non plus été bons en touche. Nous n’avons pas réussi à nous sortir de leur système défensif à deux blocs. Au final on doit perdre six ou sept ballons dans ce secteur. C’est évidemment trop. Le cumul, ça donne un constat amer. Tout le monde est un peu dégoûté et il y a du travail pour rectifier tout cela. La touche, par exemple, c’est quelque chose de facile à corriger. Malgré tout, je reste heureux de l’état d’esprit des mecs. En lâchant, on en aurait pris cinquante mais tout le monde s’est accroché. Il y a du courage dans cette équipe.

Vous vous êtes même livrés à quelques séquences de défense solides…

Oui, on s’est envoyé en défense. Mais il y a eu trop d’erreurs, je le répète. Moi le premier, j’ai loupé quelques plaquages décisifs. Il y a eu trop d’approximations pour espérer mieux. Ce sont des questions d’automatismes. L’état d’esprit peut se créer en une semaine mais les automatismes… (il grimace) Ce serait trop facile. Ce n’est pas pour rien qu’il faut six ou huit mois pour y parvenir dans un club. Pour le faire en huit jours, c’est difficile. On s’est donc battu avec nos armes : de l’envie, des jeunes qui avaient des pattes derrière et un Fred Michalak qui a orchestré tout ça de main de maître. Ce mec est un magicien.

Il paraît fait pour ce jeu…

Quand il y a cette philosophie, cette envie de se faire des passes, il est tellement facile… C’est vraiment un grand joueur. C’est dommage que le rugby de club qu’on connaît ne soit pas vraiment fait pour lui. Aujourd’hui, tout est programmé à l’avance sur plusieurs temps de jeu, on cherche en premier à cartonner l’adversaire. Fred, c’est un joueur d’instinct fabuleux. Avec le ballon il est capable de faire n’importe quoi. Il lui reste un an à jouer mais ensuite, le rugby français perdra un grand joueur.

Traditionnellement, les deuxièmes semaines sont plus dures que les premières pour les Baa-baas. Avez-vous cette crainte ?

Mais d’habitude, les Barbarians gagnent le premier match ! Et souvent, c’est vrai, le second est plus compliqué. Cette fois, on vient de perdre le premier. J’espère que nous allons monter d’un cran. On connaît nos erreurs. Ce n’est pas grand-chose à rectifier : revoir la touche et trouver plus de patience, ne pas s’emballer à vouloir faire la passe dans le dos sans regarder, celle qui vous met en difficulté. On a voulu honorer cet esprit Baa-Baas, c’est chouette. Mais avec un peu plus de patience, ça aurait pu passer.

La quête de l’équilibre entre le plaisir du jeu et l’envie de résultat, n’est-ce pas le véritable péril des Barbarians ?

Bien sûr que si, cet équilibre est dur à trouver. On a tous envie de se marrer, de faire des choses interdites en club. Mais en face, il faut comprendre qu’on tombe sur des équipes sérieuses, qui ont besoin de gagner. Les Sud-Africains nous ont envoyé les « panzers » tout le match. Ça complique la tâche pour se lâcher dans du hourra rugby. On a vraiment essayé. Il y a eu de belles séquences, avec de la vitesse. On s’est un peu occis tout seul (il sourit). Ce n’est pas passé loin. On aurait aussi pu finir à un point, ce qui n’aurait pas été immérité.

Était-ce votre dernier match, ce vendredi ?

Je ne sais pas encore. On va en discuter avec les coachs pour le deuxième test. Je suis un peu carbonisé mais s’il faut faire vingt minutes de plus, au deuxième test pour aider l’équipe, je les ferai.

Votre fin de carrière était prévue de longue date. Malgré tout, est-on prêt à connaître ce moment ?

C’est toujours dur… (il marque une pause, ému) C’est très dur, franchement. Ça fait deux ans que je me prépare, que je savais que je n’irai pas au-delà de ce contrat. Ça fait deux ans que je savoure chaque match comme le dernier. Cette saison, c’était encore pire. Chaque match à l’extérieur, je me disais : « tiens, ici, je ne viendrai plus jamais y jouer ». C’est dur mais ça fait partie du sport. Aujourd’hui, le corps a dit stop. La tête apprécie encore les bons côtés de notre sport mais l’envie de s’entraîner est moindre. Place aux jeunes. Ils ont besoin qu’on leur laisse de la place, pour qu’ils puissent eux aussi vivre les fabuleux moments que j’ai vécus tout au long de ma carrière.

Finir avec les Barbarians, était-ce pour vous la plus belle des sorties ?

Bien sûr que c’est énorme. Ce n’est peut-être pas l’équipe de France mais nous sommes tout de même une trentaine de privilégiés. Beaucoup de mecs rêveraient d’être avec nous. Je suis fier d’avoir fait partie de cette famille. J’en remercie tous ceux qui me l’ont permis. Je leur en serai reconnaissant toute ma vie parce que c’était un rêve et qu’ils m’ont permis de le réaliser, pour la première fois il y a deux ans en Argentine. Ici en Afrique du Sud, il y a des mecs à qui j’ai cassé les couilles, sur le terrain, pendant cinq ou dix ans. Aujourd’hui, nous bataillons pour la même cause. Finir avec eux, j’en suis très fier.

En serez-vous nostalgique ?

Tous ces jeunes ne s’en rendent pas compte, justement parce qu’ils sont jeunes. Quand ils auront passé une dizaine d’années dans le rugby pro, ils comprendront que ces instants avec les Barbarians sont exceptionnels. On a trouvé plein de solutions sur le terrain sans aucun combinaison préparée. Juste à l’instinct et sur la qualité des joueurs. C’est une jolie bulle dans une carrière.

Propos recueillis par Léo Faure

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