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Grands cœurs malades

Par midi olympique
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Publié le Mis à jour
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Plombés par quelques balles perdues, le BRC n’en a pas moins livré une superbe prestation face à la redoutable sélection des Emerging Springboks, en ne s’inclinant que d’un souffle 36-28 en fin de match. 

Les années passent, les hommes aussi. Mais l’état d’esprit des Barbarians demeure. Cette magie ? Elle ne s’explique pas, au vrai. Elle veut seulement que, quoi qu’il arrive, un cocktail détonnant de jeunes espoirs, de valeurs sûres du championnat et de vieux soutiers de l’élite parviennent, après des semaines moins chargées en entraînement qu’en whisky-coca, à se dépasser une dernière fois aux confins de leur saison, pour rivaliser avec des sélections nationales autrement préparées. Alors certes, vous nous rétorquerez que les Baa-Baas se sont finalement inclinés, 36-28. Mais après avoir proposé en moins d’un quart d’heure davantage de jeu que le XV de France durant 80 minutes la semaine dernière, sans jamais se prendre au sérieux. Au milieu d’un cercle dans l’intimité des vestiaires, après la visite de Guy Novès et son staff pour prendre des nouvelles des blessés, il fallait ainsi voir Gilles Panzani, le truculent soigneur toulonnais, se lancer dans une série d’imitations allant de Daniel Herrero à Mohed Altrad, sa dernière création. Et il fallait voir les regards embués, les sourires et les mains tendues, pour comprendre que l’esprit Baa-Bas n’est pas encore mort. « Il faut se rendre à l’évidence, nous avons quand même beaucoup souffert en deuxième mi-temps, commentait Denis Charvet. Mais les garçons ont déployé une énergie immense pour retarder l’inéluctable, et je suis simplement très fier de leur comportement. Comme dirait Jean-Pierre Rives, on n’a peut-être pas gagné au score, mais on a gagné au rugby. On perd sur des petits riens, des touches qui nous échappent, des ballons qui tombent. Peut-être aussi sur cette pénalité juste avant la mi-temps qui aurait pu être tentée… » Une action gâchée par une petite incompréhension entre Malik Hamadache et Arnaud Mela dont se désolait le Palois, mais parfaitement assumée par Michalak. « Cela aurait été à la 80e, je ne dis pas. Mais là… On est Baa-Baas, ou pas ? »

 

Michalak, capitaine exemplaire

Oh si, bien sûr que si. Inspiré et en verve, à l’image de son essai personnel ou des deux offerts du pied au jeune Anthony Belleau, le capitaine a donné l’exemple de bout en bout, au grand plaisir de son sélectionneur. « Fred a été plus qu’à la hauteur comme capitaine, appuyait Charvet. Je suis fier qu’il ait accepté cette mission, fier de la manière dont il l’a menée. Avant le match, dans ma chambre, les trois-quarts ont effectué une petite réunion. Avec Clément, Fred s’est rappelé ses débuts à l’école de rugby du Stade. L’émotion était belle, là encore. C’est pour cela que les Barbarians existent. La remise des maillots a elle aussi été magnifique. Généralement, elle est effectuée par plusieurs personnes. Cette fois, nous avions décidé de changer… La veille de la rencontre, j’ai pris Heini Adams à part, et je lui ai demandé s’il pouvait s’en charger. Parce qu’il a été capitaine de cette équipe lors de notre dernière tournée en Argentine, que nous étions chez lui en Afrique du Sud, et que cela me semblait normal… Lorsqu’il s’est levé, il y a eu un applaudissement spontané. Et il a tenu un discours très touchant et original, en référence aux animaux d’Afrique. Celle-là fait partie des plus belles remises de maillot à laquelle j’ai pu assister. Peut-être juste un des plus beaux moments que j’aie vécu dans un vestiaire. »

 

Le bestiaire de Heini Adams

Et l’intéressé, son éternel sourire en bandoulière, de la raconter. « Denis m’a fait un énorme honneur. On était ici chez moi, dans mon pays, pour affronter une équipe dont j’ai souvent porté le maillot… Ce que je voulais, c’était rappeler à chacun son rôle, tout en ouvrant une fenêtre sur l’Afrique. Au 5 de devant, j’ai dit qu’ils devaient être des éléphants. Parce qu’ils ont la peau dure, qu’ils incarnent la puissance, qu’ils vivent en troupe et ne se séparent jamais. Aux troisième ligne, j’ai dit qu’ils devaient être des rhinocéros. Le rhinocéros est quasiment aveugle, il ne voit pas à plus de cinq mètres. C’est pourquoi dès qu’il est en danger, il charge tout ce qui bouge. C’était ce qu’on attendait d’eux… Les demis, c’étaient les lions. Parce que les lions sont les rois des animaux, chassent le springbok, et élaborent des stratégies pour les attraper. Quant aux trois-quarts, ils devaient être des guépards, vifs, légers, rapides, opportunistes. Après, c’est le cœur qui a parlé… Pour moi, le petit Sud-Africain, jouer le premier match de rugby dans ce stade Moses-Mabhida, un des plus grands combattants anti-apartheid de ce pays, c’était un symbole énorme. Je voulais que les joueurs prennent conscience de la chance qu’ils ont de jouer ensemble, en toute liberté. » 

Que Heini Adams se rassure, c’était bien le cas. De quoi faire naître l’espoir d’une victoire pour le deuxième test ? Et pourquoi pas, après tout… « Lolo Pardo va râler, mais après avoir récupéré, on va bien travailler les touches cette semaine, assurait à ses joueurs l’entraîneur des avants Jacques Delmas. Et je vous promets que nous allons gagner le deuxième test. » Quelque chose nous susurre qu’en entendant cela, assis sur un coin de nuage, un certain Serge Kampf dont les initiales ornent désormais le col des Baa-Baas a certainement souri… 

par Nicolas Zanardi

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