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Maro Itoje, le Roi Lion

Par Marc Duzan
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    Maro Itoje, le Roi Lion
Publié le Mis à jour
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À Wellington, les All Blacks n’ont vu que lui. Qui est Maro Itoje, la nouvelle bombe du rugby international? Un début de réponse...

De mémoire, on recense cinq grands champions ayant un jour inspiré à leurs fans les quelques notes d’une ritournelle : Eric Cantona, Diego Maradona, Magic Johnson, Johnny Rep et Louison Bobet. Cette année, le club des cinq a ouvert sa porte à un sixième hominidé. Alors, la chansonnette qu’ont dédiée les supporters des Lions à Maro Itoje n’a rien d’un chef-d’œuvre. Mais elle a au moins le mérite de vous pénétrer le cortex et, dès lors qu’elle y est confortablement installée, de ne plus jamais le quitter. En Fa dièse et «La» mineur, sur l’air du tube de Sevens Nations Army, le résultat donne à peu près ça : « Oooh, Oooh, Maro Itooojeeee ! Oooh, Oooh, Maro Itooojeeee ! » à l’écrit, ça ne rend pas grand-chose et vous êtes déjà en train de vous demander où diable veut-on en venir et pourquoi vient-on de consacrer cinq lignes à quelque chose n’en méritant même pas le quart. Mais il faut imaginer, messieurs dames, ces deux punch line hurlées quatre-vingts minutes durant par 30 000 gonzes bourrés comme des huîtres pour bien comprendre la portée du phénomène, en Nouvelle-Zélande.

A 22 ans, Maro Itoje est donc la nouvelle bombe du rugby mondial et a déjà remporté deux Premiership, un Grand Chelem, deux Coupes d’Europe et le Mondial des moins de 20 ans, en 2014. élu « homme du match » du dernier test par nos confrères britanniques, auteur de deux franchissements et de quinze plaquages à Wellington, le deuxième ligne des Saracens (1,95 m et 118 kg) s’est aujourd’hui fait un nom chez les maîtres du jeu.

A ce sujet, Clive Woodward écrivait dimanche matin : « Maro a été immense du début à la fin de ce second test. Il porte en lui ce sentiment d’invincibilité propre aux très grands champions, tels Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi. Dans son esprit, les All Blacks n’ont jamais été invincibles et ne le seront jamais. Il les considère et les défie comme des semblables. »

Comparé au basketteur américain LeBron James pour avoir directement été propulsé du lycée au sport professionnel, le grand Itoje est un ovni dans le ciel du rugby moderne et, au Royaume-Uni, il n’y a bien qu’Eddie Jones pour ne pas succomber à la « Maromania ». « Je le protège, nous avouait-il le week-end dernier. Je ne veux pas que Maro fasse les gros titres avant d’en être un. Parce qu’au vu de son extraordinaire potentiel, il n’a encore rien fait. Vous m’entendez ? Rien. »

Puissant, adroit, agressif et très bon dans les airs, Maro Itoje n’a pourtant plus grand-chose à apprendre de la chose rugbystique. « Un jour à l’entraînement, confie le deuxième ligne écossais Jim Hamilton, Mark McCall (le patron des Sarries) est venu me voir en me disant : « Jim, fais travailler les touches au petit, c’est ton domaine ». Je lui ai aussitôt répondu : « Mais que veux-tu que je lui apprenne ? Il a une détente deux fois supérieure à la mienne et une agilité que je n’aurai jamais ! » Après réflexion, je crois que le coach était plutôt d’accord avec moi… »

 

Maro Itoje : «Je ne suis pas un barde!»

À l’écart des terrains et de la vie publique, le bébé-éprouvette du rugby anglais cultive une autre facette de son personnage. Plus surprenante, celle-là. «Oh non, sourit-il aussitôt. Vous n’allez pas encore me parler de ça, si ? » Féru de littérature, le joueur des Saracens écrit donc des poèmes, lorsque son agenda de ministre lui en laisse le temps. « à vous entendre, je suis le nouveau William Shakespeare !, se marre-t-il maintenant. Soyons clairs : je n’ai écrit que cinq poèmes dans ma vie et, si je l’ai fait, c’est avant tout parce que la vie d’un rugbyman professionnel est parfois un peu longue en déplacement. Mais je ne suis pas un barde, hein ! Et arrêtez de croire que tous les rugbymen ne sont bons qu’à jouer à la Playstation ! Aux Saracens, nous avons plein de discussions passionnantes sur des dizaines de sujets politiques ou culturels. Je ne suis pas tout seul !» Surnommé « la perle » par le vestiaire des Lions pour ses manières quelque peu «précieuses », Maro Itoje prépare actuellement un Master en sciences politiques, dont le thème gravite autour de la République sécessionniste du Biafra.

Peu disert lorsqu’il s’agit de parler rugby, le deuxième ligne s’anime soudain lorsqu’une consœur britannique l’interroge sur la notion de « féminisme libéral », qu’il a récemment abordée entre les murs de la prestigieuse Ecole Londonienne des Etudes Orientales et Africaines : « Nous vivons encore dans un système hautement patriarcal, argumente-t-il. La société a placé des restrictions injustes sur les droits des femmes, leur accès à l’emploi et leur valorisation salariale. En 2017, le temps est largement venu de rétablir un juste équilibre. » Très peu porté sur la bringue, Maro Itoje lit en moyenne deux livres par semaine et n’est jamais descendu au-dessous de 16/20 à l’école. Il conclut : «Mon père, Efe, a quitté le Nigeria en 1992 pour aspirer à une vie meilleure. À force de travail et d’abnégation, il a réussi sa vie professionnelle (il travaille pour la compagnie pétrolière Mobil) et me déclarerait la guerre si jamais je saccageais ce qu’il est parvenu à construire. Alors, je bosse. »

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