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Le Bus a changé de cylindrées

Par Vincent Bissonnet
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    Le Bus a changé de cylindrées
Publié le Mis à jour
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Un an après avoir raccroché les crampons, Nicolas Mas a obtenu, début juillet, son CAP de mécanique automobile. Le Catalan a fait de sa passion des voitures de collection une reconversion. Tout en portant un regard lucide sur sa carrière et sur l’actualité ovale.

Tout le monde l’appelait « Le Bus ». Au fil de dix-huit saisons passées sur les terrains, Nicolas Mas s’était vu attribuer ce drôle de surnom en raison de sa capacité à avancer en permanence dans l’exercice de la mêlée fermée. Depuis un an, le Catalan a serré le frein à main mais il n’a pas, pour autant, coupé le contact. Ironie de l’histoire, le Bus s’est reconverti dans l’automobile. Le 5 juillet dernier, le pilier le plus capé de l’histoire du rugby tricolore - 85 sélections - a décroché son CAP de mécanique. Un rêve de longue date enfin devenu réalité : « J’en avais envie depuis ma jeunesse, savoure l’intéressé. Cet amour est né quand j’ai eu ma première voiture, une Coccinelle. Je l’ai encore, d’ailleurs. Dès que j’ai mis un terme à ma carrière, j’ai entamé les démarches auprès du CFA de Perpignan pour passer le diplôme et pouvoir vivre de ma deuxième passion. J’ai toujours aimé bricoler et j’avais déjà un CAP maçonnerie. »

Amoureux des voitures de collection, Nicolas Mas a suivi cette formation, entre salles de cours et stages en entreprise, au centre Prestige automobile de Perpignan : « Je dois admettre que c’était un peu stressant de revenir à l’école. Il n’y avait que des jeunes autour. La plupart ne me connaissaient même pas. Mais au CFA, j’ai retrouvé un ancien coéquipier devenu pion et un de mes professeurs avait été mon entraîneur lors de mes années à Argeles. » Ce rebond immédiat a assuré, au jeune retraité de 37 ans, une douce transition entre la frénésie d’une carrière de sportif professionnel et le retour à un quotidien plus ordinaire : « J’ai basculé d’une passion à une autre. Je n’ai donc pas eu de contrecoup. Heureusement que j’avais ce projet car l’arrêt d’une carrière n’est pas évident à gérer. » Nicolas Mas évoque le sujet avec sagesse et recul : « En tant que joueurs professionnels, sommes tous des ados, dorlotés, chouchoutés, jusqu’à 37 ans. Tout est cadré. Ne plus suivre ce rythme fait un petit choc. Je ne dirais pas que tu dois réapprendre à vivre. Mais disons que tu n’es plus sur ton petit nuage. »

« J’étais saturé, je ne m’y retrouvais plus »

Un an après, le champion de France 2009 ne regrette rien, ou presque : « Le jeu en lui-même ne me manque pas. J’étais saturé. J’avais envie de couper. Certains copains me manquent. La vie de groupe et certains à-côtés, aussi. Mais quand je vois les matchs à la télé, je me dis que je suis mieux sur le canapé. Je suis stupéfait par la violence des chocs. » Même les plus belles histoires doivent avoir une fin. Celle de Nicolas Mas lui convient : « C’était clair dans ma tête : j’avais signé trois ans à Montpellier et c’était terminé. Je ne me suis jamais dit que je ferai un an de plus. C’était acté, je voulais me consacrer à mes enfants, à ma femme, à mes projets… J’ai pensé à moi pendant tant d’années. Puis franchement, j’avais envie de laisser une bonne image, de partir sur une bonne note. Je ne voulais pas que les gens disent : « Regarde-le sur le terrain, il n’arrive plus à courir. » C’est dur de dire « je m’arrête » mais quand tu vois les jeunes, plus rapides, plus costauds, qui arrivent, tu sais que c’est le moment… C’est bien car ça s’est passé en douceur, ça n’a pas été brutal. Quand je vois ceux qui sont poussés vers la sortie… »

Autres temps, autres mœurs : « Nous reparlons souvent avec mes anciens coéquipiers de l’époque où il fallait s’entraîner entre midi et deux heures car il y avait le travail en parallèle. Ce milieu a tellement évolué par rapport à la période où j’ai commencé à l’Usap. J’ai connu toutes les phases de son développement et je ne me retrouvais plus trop dans ce rugby. » Si Nicolas Mas a souhaité quitter le milieu, il garde un œil sur son actualité : « Souvent, ce sont mes gosses qui allument la télé pour voir les matchs. Du coup, je les regarde. Je suis surtout les performances de mes amis, Guilhem Guirado, Mickaël Ivaldi, Charles Géli… » Uniquement des talonneurs, donc. Le témoignage d’une passion refoulée ? « C’est drôle d’ailleurs car, à l’Usap, Olivier Saïsset voulait me faire passer talonneur. Mais ça n’a pas été une réussite. Vraiment pas. Je vous rassure, j’ai aussi gardé contact avec des piliers, comme Loïc Ducalcon avec qui je m’entends très bien. »

« Guilhem mérite vraiment ce qui lui arrive »

L’ancien papa du pack tricolore se montre tout particulièrement fier du parcours de son protégé et successeur, Guilhem Guirado : « Je ne doutais pas qu’il ferait une telle carrière. Il s’est vraiment épanoui à Toulon mais il était déjà comme ça à l’Usap. Ce n’était qu’une étape de son évolution, il ne s’est pas transformé d’un seul coup. Il mérite vraiment ce qui lui arrive. Enfin, je ne suis pas objectif, c’est comme un frère à mes yeux. » Nicolas Mas porte un regard empreint d’une même tendresse sur le XV de France : « Je sais à quel point les tournées d’été sont dures à aborder et à gérer. La sélection est dans une dynamique difficile mais avec le temps et la nouvelle convention, je pense que tout le travail entrepris finira par payer. » À l’heure où le rugby français pique sa crise et va entamer sa rénovation, Nicolas Mas compte poursuivre dans sa voie de garage : « Je vais partir sur une formation un peu plus poussée, complémentaire de celle que je viens d’effectuer. Je veux encore gagner en expérience. » Et après ? « J’ouvrirais peut-être mon établissement. J’ai des idées en tête mais il faut que ce soit viable. »

Son retour au jeu reste hypothétique. Un possible projet à moyen terme : « J’ai eu besoin de couper, dans les premiers temps. Peut-être que je reviendrai dans le circuit. Je n’en ai pas envie pour le moment. Je veux trouver ma voie professionnelle et personnelle. Si je me stabilise, je verrai. Peut-être que je m’occuperai de jeunes… » Son savoir profiterait sans nul doute à la nouvelle génération. Cette vocation n’est pour autant pas encore apparue comme une évidence : « Ce n’est pas donné à tout le monde d’entraîner et de transmettre ce que tu sais. Mon mentor, Didier Sanchez, a ça en lui. Il te prouve par A + B que ce qu’il dit est exact. Quand il te donne un conseil, c’est toujours juste. Je ne sais pas si je serai capable de ça. Puis, au haut niveau, il faut avoir les reins solides pour durer car il y a une telle pression du résultat. » Pour vivre heureux, Nicolas Mas entend pour l’heure rester caché. Dans l’intimité d’un garage et le nez dans le capot.

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