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Samuel Cherouk : On veut aller au bout

Par Arnaud Beurdeley
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    Samuel Cherouk : On veut aller au bout
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Entraîneur de l'équipe de France, il livre son sentiment sur la préparation de ses joueuses et fixe le cap à tenir pour réussir une grande coupe du monde, avec un titre au bout de l’aventure.

Globalement, quel bilan faites-vous de votre préparation ?

Nous avions ciblé trois objectifs importants lors des six premiers stages. D’abord, tout ce qui concerne la circulation offensive dans le mouvement général, notre capacité à défendre sur des séquences longues et la préparation physique. Ce dernier point est capital. Lors de la dernière rencontre entre la Nouvelle-Zélande et le Canada, nous avons relevé quarante et une minutes de temps de jeu effectif. C’est incroyable. Il faut qu’on soit capable, non pas de rivaliser, mais d’être au-dessus de ça. C’est pourquoi nos stages ont eu pour principale thématique la douleur. On ne conçoit pas qu’on puisse être bon sans souffrir. En revanche, nous n’avons fait aucune séance de physique pure sur une piste d’athlétisme. Les filles n’ont pas approché les wattbike, elles ont juste besoin de jouer au rugby. Dans notre état d’esprit, l’équipe championne du monde, ce sera celle qui jouera le mieux et le plus au rugby.

Durant cette préparation, les joueuses ont bénéficié de plusieurs périodes « off ». Pourquoi ?

Parce que les filles ont beaucoup travaillé, beaucoup souffert. Les corps et les têtes avaient besoin de souffler, de se régénérer. Une équipe performante, c’est une équipe qui est fraîche mentalement et physiquement. Très franchement, les filles ont un capital fraîcheur assez énorme par rapport à des garçons. Ce capital, on n’a pas voulu le griller. Leur laisser des plages de régénération - non pas de récupération car elles ont quand même eu durant ces périodes un travail de prévention - c’était pour nous une évidence.

Vous avez communiqué la liste des 28 joueuses retenues pour le Mondial le 12 juin dernier. Est-ce que cette date a marqué un moment charnière dans votre préparation ?

Obligatoirement, c’est un moment charnière. Jusque-là, les filles étaient au nombre de 36 ou 37. Toutes attendaient ce moment avec impatience et un peu d’anxiété. Toutes voulaient être dans les 28, ce qui crée des frustrations, de l’agacement. L’objectif, c’était vraiment de l’annoncer très tôt pour évacuer tout ça. Et, effectivement, les filles conservées ont très vite basculé sur l’objectif principal après cette annonce.

N’y a-t-il pas eu un peu de relâchement ?

Très sincèrement, je n’a rien vu. Elles ont une telle détermination qu’elles sont passées tout de suite à autre chose. Je vous livre une anecdote. Le premier jour où nous sommes arrivés en Corse (en janvier dernier, N.D.L.R.), nous venions d’être nommés avec Olivier (Lièvremont), elles sont venues nous voir pour nous dire : « On a un seul objectif : être championnes du monde. »

Elles vous ont ainsi mis la pression, non ?

C’est une excellente pression (rires).

Vous allez affronter en phase de poule successivement le Japon, l’Australie et l’Irlande. Avez-vous le sentiment que cet enchaînement vous est favorable ?

On n’a pas raisonné ainsi. Nous avons surtout bien visionné la vidéo du dernier match entre le Japon et le pays de Galles, qui nous a bluffés. Les Japonaises se sont imposées très largement (10-52). Ensuite, elles n’ont perdu que d’un point contre les Irlandaises, nous avons aussi perdu en Irlande pendant le Tournoi en étant vraiment catastrophiques. Conséquence : nous n’avons ciblé aucun des trois matchs en se disant, celui-là sera plus facile qu’un autre. Ce serait très prétentieux de notre part.

Quelles sont les caractéristiques techniques de chacun de vos adversaires ?

Le Japon, c’est ultra-scolaire, ultra-discipliné et très engagé. L’Australie, c’est une équipe très pragmatique, sûre d’elle et talentueuse car les filles du VII ont été intégrées. Même si elles ont fini dernière de la Nations Cup, les Australiennes ont montré de belles choses face à l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Un plateau très relevé. Enfin, l’Irlande, c’est un max de « fighting spirit ». Ces Irlandaises vont nous casser les pieds sur toutes les zones de ruck. Je suis sûr qu’elles vont espérer de la pluie et du vent pour bien nous ennuyer.

Ce troisième match contre l’Irlande, pays hôte de la compétition, est-ce celui que vous craigniez le plus ?

Je crains chaque match, mais je suis toujours optimiste. En Coupe du monde, il n’y a pas de note artistique. Gagner d’un point, c’est une victoire, tout simplement. Si on doit faire quinze ballons portés pour gagner, on les fera.

Allez-vous vous adapter aux forces et faiblesses de vos adversaires plutôt que d’imposer une identité française ?

On a créé une identité, on veut aller jusqu’au bout. Mais une équipe intelligente, c’est une équipe qui sait s’adapter à l’adversaire. Pour autant, on ne passera pas des nuits entières à la vidéo pour étudier le style de jeu des équipes. Notre volonté, c’est quand même de rester sur ce qu’on sait faire. L’objectif sera d’utiliser nos forces et de cacher nos faiblesses.

Entre la fin du Tournoi où l’équipe n’a pas été aussi performante que par le passé et son niveau aujourd’hui, avez-vous senti une équipe différente ?

C’est la même équipe mais on sort d’une préparation effectuée dans la souffrance. Les attitudes ont donc un peu changé, les comportements aussi. On dit que les matchs de haut niveau se gagnent sur des détails, je crois que leur approche a évolué ces derniers mois. Franchement, l’état d’esprit est irréprochable. On travaille beaucoup sur le langage du corps qui, pour nous, est très important. La joie de vivre, la joie d’être ensemble, la joie de passé du temps sur le terrain, la joie d’être bien arbitré, tout ça, c’est essentiel.

Justement, vous avez aussi travaillé avec Marie Lematte, seule arbitre française du panel World Rugby. Pourquoi ?

C’est une demande des filles qui ont l’envie d’être ultras pointues. Elles veulent vraiment aller plus loin. L’idée, par-delà le règlement, c’était aussi de savoir comment parler, comment échanger avec l’arbitre. Nous sommes français et malheureusement nous renvoyons une image de tricheur et de râleur. Ça, je ne le supporte pas. Je n’ai pas envie que notre équipe donne cette image. J’ai envie que l’équipe de France soit joyeuse, optimiste, enthousiaste. Que les filles chantent avant et après les matchs. Le rugby reste un sport et une fête.

La dernière Coupe du monde féminine organisée en France a suscité beaucoup d’enthousiasme, d’engouement populaire et médiatique. Est-ce une pression supplémentaire ?

Notre responsabilité, c’est de représenter le rugby français, le sport français. Gagner la Coupe du monde, c’est une mission très égoïste. Notre devoir, c’est de donner envie à des milliers de gamines de jouer au rugby.

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