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De l’art de s’auto-dénigrer

Par Jacques Verdier
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    De l’art de s’auto-dénigrer
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Les entraîneurs français ne se doutaient probablement pas, en incitant leurs présidents à recruter à tout-va des joueurs étrangers, qu’ils étaient en train de creuser leur tombe. Le pli était pris d’ancrer dans l’imaginaire collectif que le talent se trouvait loin de nos frontières. C’est l’histoire du boomerang qui vous revient en pleine poire.

Ce n’est pas la seule explication, bien sûr, à même de comprendre l’hégémonie actuelle des coachs étrangers sur le championnat de France. J’en vois au moins une autre, plus pernicieuse, qui relève d’un phénomène sociétal. La France, écrasée par le camion fou de la mondialisation, en finit par douter d’elle-même. C’est notre maladie nationale de l’autodénigrement, elle-même liée à notre pessimisme endémique, à notre morosité, à la manie de nous plaindre, à la détestation du passé, au mépris de notre culture, à notre culte de la repentance. Aucun pays à ma connaissance ne s’auto-flagelle comme le nôtre. Le paradoxe, c’est que cette haine de soi, si perceptible dans les commentaires, dans la jalousie des uns à l’égard des autres, se complique singulièrement d’arrogance. Une victoire et nous sommes champions du Monde. Une défaite et nous sommes bons à jeter aux orties. Nous cumulons depuis des années une vanité sans pareille liée au passé glorieux de la France, à l’idée que l’on continue de se faire de notre pays, et un manque de confiance en nous-mêmes qui est le symptôme des cultures en déclin.

Cette disposition d’esprit dépasse naturellement le cadre étroit de notre jeu, mais comme celui-ci n’échappe pas aux canons de sa société, il en reproduit les effets. De là cette aptitude à imaginer que tout ce qui vient de l’étranger est naturellement meilleur que ce que nous produisons nous-mêmes. Cela vaut pour les joueurs comme pour les entraîneurs. Je n’exonère pas les entraîneurs français de toute responsabilité pour autant. Pour leur propension, je l’ai dit, à recruter ailleurs avec les conséquences que l’on voit. Pour leur prédisposition aussi à trop souvent s’effacer devant les oukases présidentiels. Ils étaient, de 1970 à l’an 2000, les patrons des clubs, leurs têtes-pensantes, ils sont trop souvent devenus depuis de simples salariés, frileux, attentistes, paralysés par l’enjeu. Depuis quand ne font-ils plus école ? Depuis quand les coachs étrangers ne viennent-ils plus en France pour apprendre? Le phénomène s’est même inversé et ne doit pas manquer de nous interroger. Il est par ailleurs cocasse de constater que leurs mérites dépendent aussi indirectement des résultats du XV de France. Celui-ci figure l’image même du rugby français et, partant, la force ou la faiblesse de tous ses techniciens. D’où l’intérêt, pour leur image aussi, d’avoir une équipe nationale forte… Reste qu’un patriotisme mieux tempéré serait le bienvenu. Je ne sache pas que les Novès, Azema, Brunel, Collazo, Galthié et compagnie aient grand-chose à envier à qui que ce soit. La France a toujours la possibilité de faire entendre une voix singulière, de redevenir cet aiguillon créatif qui fit son charme. Il lui faut simplement bannir ces deux extrêmes que sont la suffisance et le dénigrement, en se souvenant, le cas échéant, que ce pays à une culture de ce jeu, un passé et qu’il faut croire de toutes nos forces à sa renaissance, sans trop se soucier des autres…

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