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Paul Goze : "Le président de la Ligue doit être fédérateur"

Par Emmanuel Massicard
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Le rendez-vous était fixé depuis les premiers jours de janvier et, malgré les affaires qui secouent la FFR, le patron du rugby pro a tenu parole. paul goze est ainsi sorti de sa réserve pour poser un regard mesuré et prudent sur l’actualité brûlante. Sur les bases établies depuis quelques semaines, il entend plus que jamais fédérer autour des clubs, et construire avec la fédération un projet d’avenir pour l’ensemble du rugby français. Pendant plus d’une heure, sans se dérober face aux questions, celui qui laissera le fauteuil de président de la Ligue en 2020 a aussi pris le temps de regarder tout le chemin parcouru.

Midi Olympique : Comment avez-vous reçu les affaires qui secouent le rugby français depuis plus d’un an avec, dernièrement, l’affaire Laporte/Altrad qui a donné lieu à de multiples perquisitions, mardi, alors que le XV de France démarrait sa préparation pour le Tournoi ? On ne peut pas faire pire, non ?

Paul Goze : Ne comptez pas sur moi pour polémiquer. Le rugby pro français est engagé dans une mutation importante au niveau de la formation des jeunes, la santé des joueurs ou l’évolution vers un rugby de mouvement, plus ouvert et davantage basé sur la vitesse. Pourtant, le climat actuel des affaires balaie tout, et plus rien ne compte dans notre monde aussi bien qu’à l’extérieur. La vérité est pourtant bien là, avec de nombreux progrès déjà réalisés : les clubs recrutent moins à l’étranger, des jeunes percent et le mode de jeu évolue fortement. On marque plus, avec une moyenne de 5,2 par match de Top 14, les temps de jeu sont en hausse et nous avons quatre représentants en quarts de finale de Champions Cup. Si les affaires qui nous secouent depuis dix mois laissent à voir que tout va mal et si le XV de France a subi des échecs, le rugby français n’est pas aussi mal portant que l’on veut bien nous le laisser croire.

Nous sommes dans une phase de profonde mutation et, si les choses évoluent, l’opposition institutionnelle Ligue/Fédération fut-elle une affaire d’hommes ou de contexte ?

Les deux, je pense. Nous sommes tombés dans une phase d’hypermédiatisation, avec des hommes portés par des approches et tempéraments différents. C’est tout.

« Le rugby n’est jamais qu’une seule entité : l’équipe de France, le rugby pro et amateur ne font qu’un. Voilà pourquoi je suis optimiste. »

Franchement, quelle est votre position vis-à-vis des affaires ?

J’ai d’abord essayé de ne pas surenchérir médiatiquement. La dernière élection fédérale a déclenché une forme de tsunami mais, une fois la vague passée, les flots sont devenus beaucoup plus calmes derrière ; nous avons pu commencer à travailler. Le rugby n’est jamais qu’une seule entité : l’équipe de France, le rugby pro et amateur ne font qu’un. Voilà pourquoi je suis optimiste.

Les différences ne sont-elles pas aussi fortes que certains l’ont laissé croire ?

Je l’ai toujours dit, la vision d’ensemble est partagée : il faut avoir un XV de France fort, porté par les jeunes joueurs qui sont préparés dans nos championnats, le tout avec un monde amateur qui soit largement soutenu pour se développer. Dans la future convention, la LNR est prête à s’engager avec la FFR dans la formation des jeunes talents : en proposant d’une part des indemnités de formation aux clubs amateurs qui forment les joueurs passant professionnels (RIF), et en contribuant d’autre part (à hauteur de 50 %) au programme de recrutement permettant de constituer le réseau des 200 cadres techniques. La différence dont vous parlez vient principalement de l’approche des uns et des autres. Sur le fond, je le répète, nous sommes assez proches.

Au point de signer prochainement la Convention FFR/LNR jusqu’en 2023 ?

Organiser les relations entre la fédération et la ligue par la convention, c’est une obligation légale qui permet de travailler ensemble autour de ces sujets communs. J’ai entendu dire récemment que la liste élite serait abandonnée mais c’est impossible. Cette liste est indispensable, même s’il faudra revoir son cadre et sa mise en place en intégrant le retour d’expérience des uns et des autres. Sans elle, le joueur international n’aura plus de statut spécifique et il ne pourra pas se préparer comme il se doit avec des conditions de préparation optimisées, notamment pendant l’intersaison.

Vous allez pousser à son maintien ?

Elle sera maintenue, il n’y a pas d’autre solution.

Revenons à la convention ? Êtes-vous confiant sur l’aboutissement des négociations ?

Il n’y a pas de raison. Il était convenu depuis l’an dernier, par une feuille de route validée par les deux comités directeurs, que la nouvelle convention serait négociée cette saison, jusqu’en 2023. C’est d’autant plus nécessaire que la France organisera le Mondial à cette date. Nous avons cinq ans pour nous y préparer.

L’ensemble du rugby français peut-il faire cause commune autour de cet objectif ?

Évidemment. Pour ce faire, il est urgent qu’un nouvel élan voit le jour. Nous en avons besoin, dès ce Tournoi. Ce sera l’objectif majeur avant le Mondial 2019. Il faudra y être performant pour être crédibles en vue de 2023. Par définition, je suis opposé aux objectifs lointains, sans objectifs intermédiaires… Dès le Tournoi qui va commencer samedi face à l’Irlande, il faut des résultats et que l’on prépare déjà la Coupe du monde 2019.

Vous semblez rejoindre Bernard Laporte sur ce point. Mais comment avez-vous vécu le licenciement de Guy Novès ?

J’ai pour lui le plus grand respect, de l’admiration et de l’amitié également. C’est un des plus grands entraîneurs français, avec un palmarès sans égal. J’aurais pensé, d’un point de vue strictement personnel, que son éviction se ferait autrement. Mais ce n’est pas moi qui décide…

 

Que dites-vous du souhait fédéral d’impliquer directement les entraîneurs de Top 14 dans la préparation et le suivi du XV de France ? Et, pourquoi pas, de faire tourner, selon les rendez-vous ?

Nous mettons en place aujourd’hui une collaboration renforcée entre les techniciens de clubs et l’équipe de France. C’est pour moi très important et cela doit s’inscrire dans la durée. Tout le monde en est bien conscient, c’est indispensable. Tout est une question de modalités d’applications, avec des avis permanents et des échanges permanents entre les staffs des clubs et celui de l’équipe de France. Cela passe par des réunions, comme nous en avons eu en début d’année, mais également par des visites du staff de l’équipe de France dans les clubs, pour traiter les problèmes individuellement et à la carte.

Vous laissez à penser que tout cela n’a jamais existé. Mais sous Saint-André ou Novès, les entraîneurs allaient déjà à la rencontre des clubs et des staffs. Ce n’est pas nouveau.

Je ne veux pas rentrer là-dedans. Novès et son staff avaient des échanges réguliers, bien entendu. Mais il faut davantage institutionnaliser les choses, qu’elles soient formalisées sur la durée. À titre d’exemple, la préparation estivale des internationaux doit être désormais préparée en lien étroit avec les clubs et les joueurs, selon leur ressenti. Quasiment à la carte et non plus au menu.

Selon vous, le Top 14 prépare-t-il correctement les joueurs au niveau international ?

Je vais me répéter : les résultats européens confirment notre niveau de performance, les jeunes joueurs parviennent désormais à percer et le jeu est en progression très nette. Les choses vont dans le bon sens et notre travail doit s’inscrire dans cette mutation, avec plus de vitesse, de mouvement et des temps de jeu supérieurs. Nous devrons sans doute être moins tournés vers l’affrontement et le combat ; ça c’est le chantier des staffs techniques, dans le sillage du XV de France.

C’est une véritable révolution culturelle…

Mais elle est déjà entamée depuis deux ans au moins, même si on ne la perçoit pas toujours en raison des affaires qui mobilisent l’actualité.

Sauf que si les jeunes français ne jouent pas davantage, l’équipe de France continuera d’être en difficultés.

Je suis parfaitement d’accord et c’est pourquoi nous allons renforcer le dispositif des « Jiff » (joueur issu de la filière de formation) dans les années futures. Savez-vous que la part des joueurs issus de fédérations étrangères a baissé de 10 % depuis deux ans en raison de l’intensification des « Jiff » ? Dès l’an prochain le barème des sanctions par points sera augmenté, en plus des sanctions financières et d’un système de plus en plus contraignant. La saison prochaine, phases finales comprises, on passera à 15 « Jiff » (pour percevoir les bonifications financières) ; dès 2019, et pour deux saisons, il faudra 16 « Jiff » sur la feuille de match, puis 17 en 2021. Si les clubs ne sont pas unanimes, ils sont très majoritairement favorables. À noter qu’en Pro D2, ces critères sont déjà presque respectés.

Comment éviter que les clubs aillent recruter très tôt de jeunes joueurs à l’étranger, déracinés dans les centres de formation pour qu’ils deviennent « JIFF » ?

C’est une question que je regarde de près. Il faut encore plus d’exigence pour que les centres de formation soient plus performants à tous les niveaux, sportifs, scolaires et professionnels…

Le Salary Cap fait toujours autant débat, même chez les présidents. Certains laissent entendre qu’il est régulièrement contourné, notamment avec des paiements à l’étranger.

Si vous avez des exemples, je suis preneur. Clairement, on ne peut pas tolérer de telles dérives. Un nouveau dispositif de contrôle extrêmement renforcé va être voté lors du comité directeur de février pour qu’il y ait le maximum de confiance et d’équité. Ce n’est pas de la délation que de demander aux joueurs ou aux agents de déclarer ce qu’ils touchent. À partir d’un moment, c’est aussi une question d’éthique et de morale… S’il n’y a pas de dispositif sans faille, celui qui sera mis en place va nous permettre d’avancer.

Un mot sur les commotions cérébrales. Les derniers K.-O., concernant Ezeala ou Isa, ont fortement marqué les esprits…

On a pris le problème à bras-le-corps. Il ne doit pas y avoir de joueur qui reste sur le terrain après une commotion. Pour ce qui est du retour à la compétition, il faut faire confiance aux médecins et aux neurologues qui suivent les joueurs. Ce n’est pas moi qui vais me substituer à ces spécialistes… Le Grenelle de la santé que nous avons lancé se poursuit, en collaboration avec la FFR, au sein de l’Observatoire médical et des réunions se succèdent pour nous apporter, en avril, des propositions nouvelles à mettre en place la saison prochaine. Les choses avancent dans le bon sens.

« la Ligue compte 30 clubs, parfois très différents quant à leurs moyens et leurs ambitions. On a maintenu le cap malgré les tentations, toujours très fortes chez certains, de tirer la couverture à eux. »

Venons-en à la Ligue, que vous présidez depuis 2012. Quels sont, selon vous, les principaux progrès effectués ces dernières années ?

Dans la droite ligne de mes prédécesseurs, Serge Blanco et Pierre-Yves Revol, j’ai œuvré au développement et à la professionnalisation de l’institution, en conservant des systèmes de redistributions vertueux tout en restant solidaires et en renforçant nos mécanismes de régulation. C’est une fierté parce que la Ligue compte 30 clubs, parfois très différents quant à leurs moyens et leurs ambitions. On a maintenu le cap malgré les tentations, toujours très fortes chez certains, de tirer la couverture à eux.

D’un point de vue personnel, quelle est votre fierté ?

La finale à Barcelone, en 2016. Le Top 14 a montré qu’il était capable d’organiser la plus grande fête du rugby, même hors de nos frontières, en établissant un record du monde d’affluence pour un match de clubs. C’est extrêmement important en termes de notoriété et de médiatisation puisqu’on a parlé du championnat de France jusqu’au Japon ou aux Etats-Unis. En termes de fierté, je citerai également la hausse des droits télévisuels qui a permis à la Ligue de passer d’un budget de 78 millions d’euros (en 2014) à 137 aujourd’hui et 160 en 2019. La LNR et ses 40 employés peuvent être fiers de cette progression, et de tout ce qui a été mis en place.

Quels sont vos projets ?

Nous nous sommes dotés d’un plan stratégique à propos duquel je tiens à dire, sans polémiquer, que ce fut un travail collectif, mobilisant une centaine de personnes autour de nombreuses réunions et séminaires. En aucun cas il ne peut être considéré comme le « bébé » d’untel ou untel (Sans le citer, Paul Goze répond à Mohed Altrad qui a affirmé récemment dans Midi-Olympique avoir écrit le plan stratégique). Cela me paraît inconvenant et irrespectueux de prétendre une telle chose. C’est même surréaliste ! Mais bon, passons… Ce projet doit structurer le rugby français et l’aider à progresser en favorisant le jeu et le XV de France, en renforçant la formation, en préservant la santé des joueurs et en développant l’économie de notre sport.

Y aura-t-il une suite à cette finale de Barcelone ?

Ce n’est pas impossible.

À Bruxelles ou Londres ?

Bruxelles, non. Il faut un stade de très grande capacité. C’est une réflexion mais il n’y a rien de prévu à ce jour. Nous sommes ambitieux et déterminés, ce plan stratégique le montre bien.

L’avenir passera-t-il par la mise en place d’une vraie troisième division semi-professionnelle ?

Cela fait partie des possibilités évoquées dans le plan stratégique mais rien n’est mis en route sur ce point puisque cela dépend de la collaboration avec la fédération. Nous étions à l’origine de la poule d’accession qui a été mise en place entre la Fédérale 1 et la ProD2, et nous pourrions travailler à la création d’une nouvelle divisionqui resterait dans le giron de la fédération. Cela pourrait être une marche facilitant l’accession vers le monde professionnel, et aidant au développement territorial même si ce n’est pas facile à mettre en place. Cela suscite un certain nombre de réticences.

Que voulez-vous dire ?

Le nombre de clubs par division n’est pas extensible et si certains arrivent, d’autres devront laisser leur place. Quand j’étais président de Perpignan, il y a sept ou huit ans, nous luttions en Top 14 avec des équipes comme Auch, Albi, Mont-de-Marsan ou Montauban. C’était une autre époque, il n’y avait pas le Racing, Bordeaux, Lyon ou Toulon.Les choses évoluent, vous savez… Avec la Fédération, nous devons donc préparer l’avenir sans précipiter les choses.

Vous avez voté contre le contrat de partenariat Altrad, qui a été validé par la FFR. Que pensez-vous des garde-fous qui ont été discutés avec la Fédération ?

Cela concerne la désignation des arbitres et la Commission d’appel. Ces dispositifs ont été votés en Bureau au niveau de la Ligue et de la Fédération, il appartient désormais au comité d’éthique de se prononcer. On verra… Dans la droite ligne de toutes les démarches entreprises par la Ligue depuis des mois, il faut parvenir à un apaisement. Ceci dit, nous resterons quand même extrêmement vigilants au respect de l’éthique et de l’équité dans les compétitions. C’est la base de tout.

Mohed Altrad n’est pas toujours présent aux réunions de la Ligue. Il se dit exclu, a l’impression d’être stigmatisé…

(Il coupe) Tous les présidents sont invités à chacune de nos réunions et manifestations. Il n’y a jamais d’ostracisme envers qui que ce soit. Au contraire, les réunions sont des lieux d’échange pour travailler ensemble.

Serez-vous candidat à votre succession, en 2020 ?

Non, pour des raisons statutaires. Le président de la Ligue ne peut pas faire plus de deux mandats. Je ne dérogerai pas à cette règle et je laisserai donc ma place.

Qui ferait un bon président ?

Celui qui sera élu, puisque la majorité des clubs aura voulu qu’il le soit.

Quelles sont les qualités requises, selon vous ?

Il faut être fédérateur et, aussi, rester calme, serein, en toutes circonstances. Je le répète, la Ligue est composée de trente clubs, avec trente modèles économiques différents et trente présidents aux personnalités variées. Avec quatorze équipes qui veulent le Brennus et seize, en Pro D2, qui rêvent aussi d’un titre. Il faut mettre tout ça en musique, impulser de nouveaux projets en veillant à ne laisser personne sur le bord du chemin.

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