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Le bal des schizos

Par Nicolas Zanardi
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Publié le Mis à jour
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D’un côté, des Auvergnats humiliés à Toulon, mais qui ont toujours su hausser leur niveau en Coupe d’Europe. De l’autre, un Racing 92 qui écrase tout mais refuse d’assumer un statut de favori. Impronosticable, vous dites? Oui, et c’est tant mieux !

C’est par un éclat de rire étouffé que répondit Franck Azéma, lorsqu’un confrère l’informa que son homologue du Racing Laurent Travers estimait que l’ASMCA était la favorite logique de ce quart de finale, étant donné son avantage de le recevoir. « Ouais… S’il dit ça parce qu’il pense s’ôter de la pression, qu’il le fasse. Le Racing roule sur tout le monde et vient de gagner à Lyon, tandis que nous sommes hors course en Top 14 et venons de prendre cinquante points à Clermont… L’an dernier, quand nous étions dans leur position sur les deux tableaux, lorsqu’on me posait la question, je ne disais pas que nous n’étions pas favoris… »

Certes. Sauf que les choses peuvent rapidement changer d’une saison à l’autre, ce que Franck Azéma est bien placé pour savoir. Tout comme elles peuvent aussi rapidement évoluer d’une semaine à l’autre, au gré d’un enjeu différent et d’un XV de départ lifté aux trois-quarts, par exemple… La saison de l’ASMCA en fut d’ailleurs le parfait exemple, dont la différence d’investissement entre l’ordinaire du championnat et les paillettes de la Champions Cup n’a jamais été camouflée, avec cette sorte de climax atteint à Mayol la semaine dernière, qui fit même sortir le président De Cromières de ses gonds, jusqu’à prendre la parole devant ses joueurs. « Certains ont des étoiles sur leur maillot. Nous, cette saison, on a des tâches… Entre La Rochelle, le Racing et Toulon cette année, cela commence à en faire beaucoup. Cela peut arriver de renverser la saucière, mais il vaut mieux que cela n’arrive pas trop souvent… Mais je n’ai pas trop insisté, non plus. Si la perspective de disputer un quart de finale européen à domicile ne suffit pas à motiver une équipe, ce n’est pas le discours d’un président qui y parviendra. » Et au vrai, celle-ci semble effectivement suffire. « Ça reste impressionnant de voir comment l’équipe change de comportement entre la préparation d’un match de Top 14 et un match de Coupe d’Europe », s’étonnait encore mercredi Rabah Slimani. « Peut-être que c’est en partie parce que le format de la compétition est plus nerveux, qui permet de cibler certains rendez-vous, s’interrogeait, de son côté, le capitaine Morgan Parra. C’est ce qui nous a permis de réaliser un bon coup aux Saracens. » Des propos complétés par Alexandre Lapandry : « Je pense qu’il y a effectivement eu un surplus de motivation à ce moment parce que nous voulions prendre une revanche sur eux, nous prouver que nous étions capables d’aller loin en Coupe d’Europe.» « Mais honnêtement, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi nous avons connu autant de hauts et de bas entre les deux compétitions, tranchait Parra. Si je le savais, je vous le dirais et surtout, nous aurions évité certaines choses. À commencer par le week-end dernier à Toulon… C’est le genre de match qui fait cogiter, pour lequel on se pose des questions. Des réponses ? J’en ai. Mais elles ne sortiront pas du groupe. »

Parra : « si on perd, ce sera définitivement une saison pourrie »

Et de toute façon, elles n’ont plus vraiment lieu d’être… Définitivement hors course en Top 14, les Auvergnats savent bien que leur salut ne passe plus que par la compétition européenne, sur laquelle ils ont rapidement basculé. « C’est notre dernier objectif, c’est clair, prolongeait Parra. Si tu perds ce week-end, tu n’as plus rien à jouer dès le début du mois d’avril et c’est définitivement une saison pourrie, c’est aussi simple que cela. D’autant plus pourrie que nous n’aurions pas de Coupe d’Europe à jouer l’année prochaine, et qu’il faudrait repasser au moins une saison par le Challenge. » Une perspective d’inoubliables déplacements en Sibérie ou en Roumanie pas vraiment enchanteresse, vous nous l’accorderez… Voilà pourquoi, à force de schizophrénie, les Clermontois se retrouvent face à leur miroir, à l’instar du héros du roman de Philip K. Dick, Louis Rosen. « Cette Coupe d’Europe, c’est notre dernière occasion d’atteindre un des objectifs que nous nous sommes fixé, synthétisait l’ailier Rémy Grosso. Désormais, on mise tout sur elle. Forcément que cela rajoute de la pression, mais Clermont est un club qui a l’habitude de ce genre de rendez-vous, avec des joueurs qui ont assez d’expérience pour transformer cette pression en ondes positives. » Un discours évidemment relayé par le manager Franck Azéma : « Nous allons affronter une grande équipe, mais nous n’en sommes pas une petite. Cette semaine, il faut bomber le torse, être fiers de nous et avoir confiance en nous. Si nous recevons en quart de finale, ce n’est pas par chance ou parce que nous l’avons gagné au loto. On est tout de même allé le chercher en gagnant chez les Ospreys puis en battant à deux reprises les Saracens, doubles tenants du titre… »

Des retours et des espoirs

Le hic ? C’est que ces succès ont justement été obtenus avec, sur la pelouse, des individualités nommées Parra, Lopez, Toeava, Raka et autres Fofana, qui ont cruellement manqué depuis et reviennent (pour certaines) tout juste à la compétition. Trop juste, à l’image d’un Lopez qui n’a rejoué que dix minutes à Toulon et déplorait certaines douleurs ? « Bien sûr que nous aurions aimé deux ou trois semaines de plus pour les intégrer, mais c’est comme ça, philosophait Azéma. Ce sont aussi des joueurs qui ont l’expérience de cette compétition, connaissent ses exigences et peuvent nous apporter. Concernant Camille, il n’était pas satisfait, car il est très exigeant. Quand tu as passé quatre mois à l’infirmerie, c’est normal de ne pas retrouver toutes ses sensations. Mais je l’ai vu aussi apporter de la vitesse et de la fluidité durant les dix minutes qu’il a passées sur le terrain, également se jeter dans les genoux de Bastareaud sur son premier plaquage… Son œil, sa vitesse d’exécution n’appartiennent qu’à lui, et c’est ce qu’on en attend. » « Dans l’état d’esprit, je pense qu’on répondra présent, concluait Parra. Après, au niveau du physique, on ne le saura que dimanche… Ça reste un match éliminatoire de 80 minutes. Le Racing a peut-être un peu plus de confiance que nous, mais nous aurons le soutien de notre public. Ces matchs-là, c’est toujours du 50-50. » Schizophrénie à part, bien sûr…

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