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La folie de phases finales

Par Marc Duzan
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Avec l’arrivée du printemps sonne l’heure des phases finales, cette sublime obsolescence propre au rugby et dont le monde ovale est si fier. Alors délectez-vous, messieurs dames !

Les pisse-vinaigre de tout bord, les apôtres du nouveau monde et les défenseurs de la grande bourse au mérite se rejoignent tous sur le fait que les phases finales, grande exception culturelle du rugby français, sont au mieux une obsolescence, au pire une aberration. à leurs yeux, le joyeux barouf du printemps ajoute d’abord trois dates à un calendrier déjà surchargé, marche ensuite sur le territoire des tournées d’été et décrédibilise enfin la phase régulière, ce long tunnel de vingt-six journées qui devrait selon eux élire le champion de France. De notre côté, on rétorquera à tous ceux qui souhaiteraient changer que le modèle régissant le rugby professionnel depuis plus de vingt ans a pour lui le mérite de maintenir un suspense démentiel jusqu’à la dernière seconde du championnat, quand en Ligue 1 de football, le Paris Saint-Germain était sacré champion un mois et demi avant que ne soit disputée la dernière journée du calendrier. Car une fois le roi connu, à quoi bon continuer ? Se passionne-t-on vraiment pour la lutte des condamnés ou le combat des sans-grade aux places qualificatives à la Ligue des Champions? Poser la question, c’est y répondre…

En Top 14, le printemps arrive et, avec lui, le doux parfum des phases finales. Les squads bombent les torses, bandent les muscles. Les coachs jouent l’intox, les compos d’équipe deviennent une énigme, la convalescence de Dan Carter un secret d’État. Les arbitres ? Ils se battent eux aussi pour toucher des doigts le Graal, un trophée cette saison dédié à Jérome Garces, qui officiera au Stade de France devant des millions de téléspectateurs. Chez les supporters, on ressort des placards les cornes de brume, les drapeaux, les tifos, les costumes et, lorsque le temps s’y prête, barbecues et planchas. S’en suit alors l’immense transhumance de tous les rugbyphiles de l’Hexagone, en bus, en train, en voiture ou en avion. à terre, le voyage laisse alors place au fracas, à la liesse et, à Toulouse, on parle par exemple encore des 14 000 Catalans ayant dernièrement débarqué à Ernest-Wallon pour soutenir l’Usap, au jour de la finale d’accession à l’élite. Franchement, qui voudrait mettre un terme à une telle folie, un tel déchaînement de passions ? Qui serait prêt à militer pour le changement brutal d’une formule qui a toujours prouvé son efficacité ces vingt dernières années ? Certainement pas les trésoriers des clubs recevant en barrages, ni les diffuseurs télés, d’ailleurs, qui réalisent à ce moment-là leurs meilleures audiences. La Ligue ? Elle casse la banque, ma bonne dame, sur le week-end des demi-finales, probablement l’une des meilleures idées de ces dix dernières années. De fait, en regroupant les deux demies au cœur d’une même ville (Lyon, cette année), la LNR a ainsi offert au mundillo du rugby français une exceptionnelle communion de trois jours. En réalité, le week-end des demi-finales est une telle réussite qu’on en viendrait presque à regretter qu’il ait enlevé un peu de son charme à la finale elle-même. Cette date, qui devrait être le pinacle de la saison, souffre aujourd’hui de la comparaison avec le fabuleux week-end l’ayant précédé. La faute à qui ? À la force de l’habitude, peut-être ? Et très certainement aussià la plaine du Stade de France, moins glamour que beaucoup d’autres enceintes du territoire. Il y a de tout cela et, à la lumière de ce que le Top 14 avait vécu au soir de la délocalisation de la finale 2016 au Camp Nou de Barcelone, on en conclut qu’il reste quelque chose à parfaire.

Quand La logique vole en éclats

De fait, la France du rugby aime ses phases finales et, au printemps 2018, il semble irréel qu’un modèle qui fonctionne soit un jour supplanté par un autre. Un bémol, peut-être ? Oui. Il concerne non pas l’intérêt des matchs eux-mêmes, par nature bouffis de suspens et d’émotion mais de la qualité propre des spectacles proposés. Alors que le football européen a récemment prouvé que la qualité des rencontres de la Ligue des Champions allait crescendo au fur et à mesure que le siphon se resserrait, les phases finales de rugby accouchent rarement d’un spectacle abouti : la dernière finale du championnat entre Clermont et Toulon ou la récente défaite du Racing 92 contre le Leinster à Bilbao en sont des exemples parmi d’autres. Malgré tout, les cinq derniers matchs de la saison de Top 14 offrent une telle dramaturgie que même la récurrence des rencontres constipées ne saurait vraiment écorner leur image. Et puis, le simple fait que la logique de toute une saison puisse être anéantie d’un coup de dés, d’un coup du sort, est une raison suffisante, année après année, de les attendre. Et de s’en repaître…

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