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Génération 2023

Par Nicolas Zanardi
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    Génération 2023
Publié le Mis à jour
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Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont champions d’Europe et du monde, et constituent fatalement la génération sur laquelle doit s’appuyer le rugby français dans sa politique de reconstruction en vue de «sa » Coupe du monde 2023. En espérant que d’ici là, l’impitoyable système du rugby professionnel n’aura pas la mauvaise idée de les broyer, comme il l’a si souvent fait avec ses pépites…

C’est toujours lorsque le soleil disparaît qu’un phare s’allume, et inversement. Il est à ce titre amusant de constater que c’est au moment où la promotion «Jean-Pierre Rives» (celle des Guirado, Médard, Beauxis, championne du monde des moins de 21 ans en 2006 à Clermont) brûle ses derniers feux qu’une autre commence à briller sous la lumière des projecteurs. Son nom ? La promotion «André Peytavin», la dernière de l’histoire du CNR, qui vit éclore les Azagoh, Barassi, Boniface, Coville, Geraci, Kolingar, Lamothe, Laporte, Marty, Ntamack, Seguret et autres Woki. Un véritable chant du cygne pour l’institution fédérale, sacrifiée sur l’autel de la décentralisation décrétée par Bernard Laporte au moment de sa prise de fonction.

L’éclosion définitive de cette génération, parallèle à son retour dans les structures des clubs, ayant évidemment été aussi rapidement saluée que récupérée par l’habile politique que demeure le président de la FFR. «Je tiens à remercier les clubs professionnels et la LNR, qu’il faut associer à cette réussite, se félicitait Laporte dans nos colonnes après la probante victoire face aux Blacks en demi-finale. Les moins de 20 ans ne sont plus bloqués à Marcoussis et s’entraînent en semaine dans leurs clubs. Comme les entraîneurs les connaissent et les voient au quotidien, ils n’ont plus peur de les tester, et cela est bénéfique pour toute le monde."

Le symbole du poste d’ouvreur

La vérité? Elle est certainement à nuancer, sachant qu’un pur talent comme Jordan Joseph n’a jamais évolué qu’en Crabos avec Massy cette saison. Au vrai, il est certainement plus sensé de saluer une fantastique génération spontanée, à l’éclosion d’autant plus remarquable qu’elle constitue un parfait compromis entre la tradition du terroir incarnée par les «fils de» (Ntamack, Carbonel, Geraci, Gimbert, Brennan, et on en passe…) et les potentiels bruts issus des «nouveaux territoires» de la grande banlieue parisienne. Le meilleur exemple quant à la richesse de ce potentiel se matérialisant au travers du sensible poste d’ouvreur, maillon faible traditionnel du rugby français, pour lequel les Bleuets peuvent compter sur des talents comme Louis Carbonel et Romain Ntamack, sans oublier le Girondin Mathieu Jalibert, issu de la même génération. Une abondance de biens qui a d’ailleurs conduit les entraîneurs tricolores à tourner le dos à la tradition française pour procéder à l’anglo-saxonne, en associant deux cinq-huitièmes (Carbonel et Ntamack) pour les matchs décisifs. Pas si anecdotique que cela, comme nous le signalait un inspiré collègue, sachant que les petites pépites au poste d’ouvreur avaient plutôt tendance à être repositionnés ces dernières saisons au poste de demi de mêlée. Comme quoi, une révolution culturelle est peut-être bien en marche...

Un «effet Jiff» bénéfique...

Il faut dire, également, que la génération 98-99 est la première à bénéficier d’un contexte hyper favorable, à savoir le durcissement des quotas de Jiff sur les feuilles de match dont ils sont les premiers bénéficiaires. La preuve, 18 des 23 Bleuets inscrits sur la feuille de match en finale avaient déjà disputé des matchs en Pro. Tout sauf anodin dans leur progression, évidemment. «L’an dernier déjà, l’équipe de France était celle qui comptait le plus de joueurs ayant évolué avec les pros, même si c’était passé beaucoup plus inaperçu, soufflait le DTN Didier Retière. Cette année, le mouvement s’est encore amplifié. L’effet Jiff se fait clairement ressentir. Et puisque nous n’avons plus les joueurs in situ toute l’année, ce sont les entraîneurs fédéraux qui se rendent dans les clubs. On peut parler de connivence entre techniciens, puisque cela fonctionne.» ...

Mais dont les excès restent à maîtriser

De quoi augurer pour cette génération un temps de jeu assuré et un avenir radieux, qu’il s’agit de construire en vue de la Coupe du monde 2023? À l’évidence. Sauf que pour les tous frais champions du monde, le plus dur commence, à savoir la confrontation avec de tous nouveaux avantages matériels. Lesquels impliquent le danger de se perdre en chemin... L’exemple de Jordan Joseph, encore mineur et recruté à prix d’or par le Racing, a ainsi de quoi laisser songeur... «Le rugby français n’a pas à se plaindre : il a de bons joueurs en réservoir, nous prophétisait récemment Frédéric Michalak. Mais il ne faut surtout pas les brûler... Si on leur dit qu’ils sont les meilleurs du monde et si on les paie comme s’ils étaient les meilleurs du monde, il ne faut pas qu’on s’étonne s’ils finissent par le penser… Pour prendre l’exemple de ce que j’ai vécu à Lyon avec Baptiste Couilloud, je lui dit toujours: «à force d’entendre que vous êtes les meilleurs, vous finissez par le croire. Il faut bien que quelqu’un soit là pour vous dire quand vous êtes mauvais». Et ça, c’est le boulot des anciens. Mais au-delà du sportif, les présidents ont aussi leurs responsabilités. C’est le système qui incite les joueurs à se croire plus forts qu’ils le sont, et c’est ce système qu’il faut changer.» Un système à qui il revient désormais d’entretenir pendant (au moins)cinq ans la flamme née du parcours de cette remarquable génération, et non pas de l’éteindre. 

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