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Déserteur

Par Emmanuel Massicard
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Publié le Mis à jour
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Il y a dix-huit mois, Johan Goosen brisait un plafond de verre en quittant du jour au lendemain son club, le Racing. Ce n’était ni plus ni moins que le bras d’honneur d’un homme devenu déserteur qui déchirait un juteux contrat de travail pour aller en chercher un autre, encore plus rémunérateur. Le Sud-Africain, que nous avons rencontré la semaine dernière à Montpellier, effleure aujourd’hui le sujet sans gêne. Il parle de ce choix comme d’une erreur et revendique le fait de s’être senti étouffer au milieu du béton parisien… Il venait pourtant d’y prolonger l’aventure et profitait pleinement de la douceur du cadre de vie que Jacky Lorenzetti met à disposition de ses joueurs.

Même avec la meilleure volonté du monde, il nous est difficile d’imaginer que Goosen fut si subitement rattrapé par le mal du pays… Il faut sans doute comprendre que le titre de champion de France et le statut du meilleur joueur du Top 14 décrochés en 2016 ont tout changé dans sa réflexion et dans ses prétentions salariales, au point de mettre en péril une carrière présumée grandiose comme il vient de le faire. Dans quelques semaines, après ses premiers matchs, nous jugerons si Goosen n’a pas gâché son talent en jouant à la roulette russe. Et s’il est capable de répondre aux attentes de Mohed Altrad, qui a déboursé 1,5 million d’euros pour l’attirer à Montpellier, en l’extirpant de son impasse sud-africaine.

Quelque part contre son gré mais en faisant fi des valeurs collectives véhiculées par cette discipline, l’homme-que-les-stades-aimeront-siffler incarne un rugby qui a fait sienne les pratiques hier réservées au football : il s’est assis sur le projet d’un club pour valoriser son propre destin personnel. Quitte à « oublier » ses partenaires, quitte à renier sa parole. Avec lui, désormais, nous comprenons qu’un individu n’est pas moins fort qu’une équipe. 

Goosen n’est pas seul à transgresser ainsi les codes, évidemment. Fickou a quitté Toulouse avant la fin de son contrat, négociant avec le Stade français dans le dos de son président alors que les Rouge et Noir étaient en pleine phase finale… De son côté, Yoann Maestri, qui l’a rejoint cet été à Paris, n’a pas pris la direction de La Rochelle où il s’était pourtant engagé à rejoindre Patrice Collazo, lui-même parti vers Toulon… La puissance financière a des vertus qui échappent à la raison et l’on se perd parfois dans les méandres de considérations qui n’ont plus rien à voir avec le sportif. Tout cela est évidemment regrettable, à plus d’un titre. Parce que ces exemples viennent nourrir un sentiment d’individualisme qui suinte déjà trop fortement des vestiaires. à ce titre, l’image de Semi Radradra posant avec son futur maillot bordelais, alors qu’il n’avait pas terminé sa saison à Toulon, nous a laissés pantois.

Pour autant, ne vous méprenez pas : les joueurs ne sauraient être tenus pour seuls responsables de ces dérives quand les clubs eux-mêmes leur déroulent le tapis rouge à grands frais. Ou quand certains entraîneurs, agents, avocats et présidents les poussent à la rupture en ne tenant compte que de leur propre intérêt. On entend bien la petite musique que certains essayent de nous murmurer à l’oreille : « Les joueurs auraient tort de ne pas en profiter… » C’est probablement vrai à l’aune des seules considérations financières mais vous ne pourrez pas nous empêcher de penser que le rugby joue un drôle de jeu - dangereux - en laissant se déréguler le marché des transferts. Il ne faudra bientôt plus s’étonner de rien et, à ce rythme, Johan Goosen passera vite du statut de déserteur à celui d’éclaireur. Croisons quand même les doigts…

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