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Son héritage

Par Emmanuel Massicard
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On a dit tant de choses sur Pierre Camou, et sans doute presque tout de l’homme brillant qu’il était : cultivé, drôle, curieux ; amoureux de l’Histoire, de voyages, de littérature et des mots ; curieux et profondément humain avec ses coups de gueule et son franc-parler qui l’embarquaient souvent dans de vastes débats, parfois jusqu’à très tard dans la nuit.

Il faut pourtant avoir eu la chance de l’y suivre et de batailler sur le front des idées pour mesurer toute la richesse et la force de ce Basque devenu président de la FFR en 2008, certainement sans l’avoir jamais rêvé auparavant. Ce n’est pas le moindre des paradoxes, vous en conviendrez, pour un homme dès lors plongé en pleine lumière. Combien de fois nous a-t-il ainsi répété, quand Midol venait à sa rencontre : "Mais pourquoi voulez-vous que je parle ? Je n’ai rien à dire, je préfère agir." Derrière ce discours de façade, ses entretiens étaient souvent riches et profonds, même s’ils étaient parfois difficiles à décrypter pour ceux qui survolaient les sujets et attendaient une déclaration tonitruante, pour pimenter à l’actualité…

Il n’ira jamais sur ce terrain-là, fidèle en ses hommes et respectueux par-dessus tout de la séparation des pouvoirs. "Le président de la FFR n’a pas vocation à remplacer le sélectionneur", nous avait-il lancé, dans un sourire, alors que nous le sollicitions un énième soir de défaite des Bleus de Saint-André. Il venait de tout résumer : PSA ne serait pas remercié et il garderait les commandes du XV de France.

C’est ici que Pierre Camou a cassé les codes en vigueur avec la plus haute fonction fédérale. Et c’est sans doute ici, encore, qu’il a perdu sa dernière bataille pour la présidence de la FFR, en décembre 2016. En restant trop longtemps silencieux après le cuisant échec du Mondial 2015 et en laissant ses adversaires dessiner, au cœur de la campagne, les traits - grossiers - d’un homme d’un autre temps, celui du passé, en opposition directe avec Bernard Laporte qui construisait sa réussite électorale sur les bases d’une hyper-médiatisation. Presque deux ans plus tard, Camou s’est éteint le mercredi 15 août. Le jour où les bruits de couloir de la future rentrée télévisuelle annonçaient Laporte comme futur consultant chez Cyril Hanouna, sur C8.

Pour autant, ne vous y trompez pas, l’ancien banquier restera parmi les grands présidents de la FFR, dans la droite ligne de ses successeurs, Lapasset et Ferrasse. Ses deux mandats (2008-2016) ont permis au rugby français de changer d’ère, de se professionnaliser et de surfer sur la vague de la Coupe du monde 2007. Il a porté certains dossiers (entre autres les contrats fédéraux pour le rugby à VII, réforme de la gouvernance fédérale et instauration de la décentralisation, Mondial 2023). Il prit aussi le risque de l’impopularité (poussée en mêlée, limite d’âge, réforme des compétitions) pour mieux assurer l’avenir de son sport et la sécurité de ses pratiquants.

Alors que le rugby se trouve aujourd’hui face à un danger majuscule avec la multiplication des commotions cérébrales, nous y verrons forcément un ultime message adressé à tous ses héritiers. Et à ceux qui dirigent aujourd’hui, Paul Goze et Bernard Laporte en tête, de trouver l’inspiration dans cette force toute basque, pour mieux affronter le défi qui se présente à eux : entamer une révolution culturelle et forcément réglementaire de notre discipline pour assurer son avenir et la sécurité des pratiquants. Ils ont ce devoir - ultime - de ne surtout pas attendre les doigts croisés que des gamins ne meurent plus sur les terrains. Ce n’est pas en comptant leurs mots, en essayant d’atténuer la réalité, qu’ils porteront un message rassurant et fédérateur pour les pratiquants et leurs parents. Il n’y a plus à calculer, il est simplement urgent d’agir. C’est la mission d’un président et, face à l’histoire, c’est ce qui fera toute sa grandeur.

Agur, président !

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