Abonnés

Demba Bamba en haut

Par Emilie Dudon
  • Demba Bamba en haut
    Demba Bamba en haut
Publié le Mis à jour
Partager :

A tout juste 20 ans et cinq saisons après avoir débuté le rugby, Demba Bamba est appelé en équipe de France. Alors que le pilier de Brive a fait le choix de jouer en Pro D2 un an encore pour grandir avant de rejoindre Lyon. Itinéraire d’un enfant doué.

Vendredi à Massy, Demba Bamba était un peu à domicile. Originaire de Saint-Denis, le pilier briviste a joué devant ses amis et sa famille. Ses frères, ses sœurs, ses nièces et ses neveux étaient là. Tout le monde, sauf sa mère, qui a regardé son petit à la télé. "Elle n’est jamais venue voir un match et m’a seulement découvert à la télé pendant la Coupe du monde, sourit le colosse. Elle trouve que le rugby est trop dangereux." Une maman reste une maman, même quand son fiston affiche 1,85 m sous la toise, 124 kg sur la balance et dézingue toutes les défenses du Pro D2 semaine après semaine. À Massy donc, le jeune champion du monde a aussi vu son pote Hassane Kolingar.

Il connaît le joueur du Racing, avec qui il faisait chambre commune durant le Mondial des Moins de 20 ans, depuis l’âge de quinze ans et les sélections Ile-de-France. Demba Bamba revient souvent chez lui, en région parisienne. Très proche des siens, il va voir ses parents, qu’il a au téléphone "tous les deux jours", et le reste de sa grande famille. Il a deux frères et cinq sœurs. L’une d’elles joue en cadettes à Bobigny, en numéro 8. Le rugby n’est pourtant pas une histoire de famille chez les Bamba. "On faisait du hand parce que le gymnase était à côté de chez nous, explique le joueur. J’ai fait du judo également." Sport dans lequel il a été sacré champion de France à 14 ans. Déjà colossal.

Demba Bamba aurait pu faire carrière sur les tatamis. En hand aussi, puisque Tremblay, qui évoluait en première division, avait essayé de l’enrôler. C’est finalement le rugby qu’il a choisi, par ces hasards qui n’en sont pas. "J’ai commencé au collège grâce à un ami qui m’a amené à l’entraînement à Saint-Denis." Très vite, ses qualités sont remarquées. Il est rapidement retenu avec la sélection Ile-de-France : "On était quatre ou cinq un peu costauds mais il l’était encore plus que les autres", se souvient Hassane Kolingar.

Un autre coup de pouce du destin intervient : ses entraîneurs à Saint-Denis parlent de lui à Pierre-Etienne Coudert, un ancien du club devenu responsable du centre de formation de Brive. Coudert raconte: "J’étais allé superviser un jeune d’Alsace-Lorraine et je les ai revus à cette occasion. Ils m’ont parlé de deux joueurs, dont Demba. Je suis allé le voir deux fois. Même à 15 ans, il avait un truc en plus. Il était déjà costaud, fort grâce au judo mais aussi habile balle en main grâce au hand. Son potentiel tapait dans l’œil, clairement." Ainsi, il étudie la possibilité de le recruter au centre de formation du CAB avec Jean-Marie Soubira, alors directeur sportif de la formation au sein du club corrézien. "L’idée était séduisante mais on s’est dit que c’était un peu tôt, à 15 ans, pour déraciner un jeune loin de chez lui."

Cette fois, Demba Bamba force les choses : "Il a su que j’étais venu le voir et quelques jours plus tard, nous avons reçu un courrier de son professeur d’EPS nous louant ses qualités sportives et nous disant que son frère vivait à Brive. Là, nous n’avons pas hésité à le faire venir." Ce frère, c’est Seyre. De huit ans son aîné, il vit dans la cité corrézienne, où il joue au handball à un niveau national. Bourgoin, aussi, s’était renseigné mais c’est Brive où la famille envoie son petit. "Ma mère n’aurait jamais accepté de me laisser partir s’il n’y avait pas eu mon frère." 

Ce dernier, qui l’héberge durant deux ans (ils sont de nouveau colocataires cette année), a un rôle prépondérant : "Seyre a été très important pour Demba, narre Pierre-Etienne Coudert. Il l’a canalisé, il lui rappelait aussi constamment la chance qu’il avait d’être là. Il lui a mis des coups de pied aux fesses quand il le fallait." "Ça a été un peu compliqué au début, reconnaît son aîné. Quand il est arrivé, pour sa première année de lycée, Demba était le plus costaud. Il était un peu turbulent, comme un jeune de cet âge… Il a fait quelques petites conneries à l’école et les profs m’appelaient de temps en temps."

Son frère, qui ne s’était jamais intéressé au rugby, l’accompagne à tous les matchs. Il le pousse et l’encourage. Le voit évoluer, aussi : "Je l’ai vu énormément changer, témoigne-t-il. à 15 ans, Demba était plus "bouboule" que costaud, malgré une vraie force naturelle. Il est arrivé à ce niveau parce qu’il a une grande confiance en lui et à force de travail." Jusqu’à ce titre avec les Moins de 20 ans acquis en juin dernier qui a "choqué" toute la famille. "Je n’aurais jamais imaginé que mon petit frère deviendrait un jour champion du monde. Nous sommes très fiers de lui." "Demba occupe une place centrale dans sa famille, reprend Pierre-Etienne Coudert, qui s’avoue étonné de la réussite, si tôt, de son ancien protégé. Je suis vraiment impressionné. Même si je savais son potentiel, je le voyais plutôt à maturité tardive. De par son poste mais aussi le fait qu’il ait commencé le rugby sur le tard." 

Il aura finalement fait ses débuts en équipe première du CAB en décembre 2017, à 19 ans seulement. "Il était assez mûr pour ça, explique Nicolas Godignon, manager de Brive à l’époque. Il s’entraînait avec nous depuis un moment et était un peu brouillon. Il a fallu l’aiguiller mais il a beaucoup bossé avec Didier Casadéi et Pierre Capdevielle. Au début, on l’a fait jouer plutôt à gauche pour lui faciliter les choses mais on a vite constaté qu’il était capable de passer à droite."

Un bon petit

Puis le Tournoi des 6 Nations et la Coupe du monde des Moins de 20 ans, surtout, ont tout changé : "Il a clairement pris une autre dimension, témoigne le manager des champions du monde tricolores, Sébastien Piqueronnies, qui l’entraîne depuis les Moins de 18 ans. Demba avait un potentiel mais il l’a mis à profit très rapidement grâce à sa grande détermination. C’est un très gros travailleur, un vrai sportif, exigeant avec lui-même et surtout très à l’écoute. Il vient de la banlieue, n’a pas commencé le rugby tout gamin et n’entre pas dans le carcan des rugbymen tel qu’on l’entend mais si on y réfléchit, il incarne justement très bien les fameuses valeurs qui sont la source même de notre sport : l’humilité, un respect énorme, l’engagement, le partage, la sociabilité.Il s’est pleinement inséré dans la culture briviste qui est pourtant complètement différente de celle de Paris. Avec ces jeunes de banlieue, il y a un vrai patage. Ils amènent leur insouciance et une vraie simplicité."

C’est ce qui marque les gens qui côtoient Demba Bamba, sa "gentillesse et sa simplicité". "Quand il rentre à Paris, il passe toujours au club de Saint-Denis, raconte Pierre-Etienne Coudert. J’ai beau être parti de Brive, j’ai toujours un texto de temps en temps." Demba Bamba sait d’où il vient et ne l’oublie pas. Il a tenu à offrir son maillot de champion du monde à la famille de Jean-Marie Soubira : "C’était naturel. C’est lui qui m’a accueilli au club et m’a donné ma chance." Malgré son physique hors-norme, il est aussi "très timide. On a l’impression qu’il a une grosse carapace mais c’est un vrai rigolo quand on le connaît. Il a un très bon sens de l’humour", dresse Hassane Kolingar.

Un portrait que les Brivistes découvrent peu à peu, alors que le joueur de 20 ans, auréolé de son titre de champion du monde, explose actuellement sur les terrains de Pro D2 et enchaîne les titularisations à droite de la mêlée du CAB : "Il est de plus en plus épanoui dans le groupe, s’est fait sa place dans le vestiaire et commence même à nous taquiner. C’est un bon petit, sourit son capitaine, Saïd Hirèche. Demba a toujours le sourire, il ne se pose pas de questions. Il est juste content d’être là. Il est très rafraîchissant." Le troisième ligne ne lui voit qu’un seul problème : "Ses vêtements ! Je ne sais pas s’il fait exprès de les prendre aussi serrés ou s’il n’y a pas sa taille en magasin…

Redevenu sérieux, Saïd Hirèche convient que, pour sa dernière année au CAB, Demba Bamba fait un bien fou : "C’est un vrai moteur pour nous. Je suis très heureux qu’il soit resté en Pro D2. C’est bien pour nous et pour lui. Je lui en avais glissé un mot, il ne fallait pas qu’il brûle les étapes. L’an passé, il ne mesurait pas les exigences du professionnalisme. Cette saison va lui permettre d’acquérir l’expérience nécessaire avant d’arriver à Lyon." Où il a signé cinq ans. C’est assez rare pour être noté : "Ils me font confiance, il faut que je leur rende", explique le joueur d’origine mauritanienne, qui déménagera avec son frère l’an prochain. Un choix mûrement réfléchi : "Il voulait partir au départ mais avec les entraîneurs de Brive et ses agents, nous l’avons convaincu de rester pour s’aguerrir, livre son frère. Cette année, nous avions fixé pour objectif de terminer parmi les trois meilleurs piliers du Pro D2 afin d’arriver avec un statut à Lyon. Nous visions aussi les Barbarians."

Demba Bamba fera, déjà, mieux que ça : il sera appelé avec le groupe France pour préparer les tests de novembre. Pierre-Etienne Coudert conclut : "J’ai parié avec ma femme et mis un billet sur le fait qu’il fera la Coupe du monde". On tient le pari, nous aussi.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?