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Novès : "Je peine à passer au-delà de la rancœur"

Par Léo Faure
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    Novès : "Je peine à passer au-delà de la rancœur"
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L'ancien sélectionneur du XV de France nous a reçus chez lui deux jours après son passage devant le conseil de Prud’hommes. Guy Novès ne lâche rien, sa rancœur est toujours là, immense. Troisième et dernier volet de l'entretien exclusif ce mercredi. Focus aujourd'hui sur le quotidien et l'avenir d'un homme encore fortement marqué par son licenciement.

Depuis quatorze mois que vous n’êtes plus sélectionneur, avez-vous eu des contacts directs avec la présidence de la FFR, autrement que par avocats interposés ?

Non, aucun. Enfin, si, indirectement. Début juin, il y a eu une fête à Paris pour célébrer les 20 ans du titre de 1998 du Stade français. Une soirée à laquelle tous les anciens joueurs étaient conviés, où Serge Simon et Bernard Laporte étaient également présents. Vous souvenez-vous de ça ?

Une soirée durant laquelle il aurait fallu séparer Serge Simon et Marc Lièvremont, avant qu’ils n’en viennent aux mains…

Oui, j’ai entendu la même chose.

Et donc ?

Pendant la nuit, à 4h30, j’ai reçu un appel. Je n’ai pas décroché. Le matin, j’avais un message en attente. Un ancien international français me faisait « l’honneur » de m’insulter : « Novès, t’es un enculé… T’es un escroc, une merde. À chaque fois qu’on venait à Toulouse, on te mettait la fessée… T’es une pipe. » Sur le message, on entendait plusieurs voix : celui qui m’insultait mais aussi d’autres, derrière, qui lui soufflaient. Voilà le genre de choses auxquelles j’ai eu droit. Et pour ceux qui douteraient de mon histoire, sachez que j’ai pris soin de garder l’enregistrement. Je le tiens à disposition.

Pourquoi ne pas révéler l’identité du joueur ?

Je ne veux pas le jeter en pâture. Dans les jours qui ont suivi, il m’a envoyé un message pour s’excuser, me disant même qu’il ne se souvenait pas de ce qu’il avait dit. Je n’ai pas répondu. Quand je le croiserai, on s’expliquera à ce sujet. Il a fait une connerie, c’est minable. Mais ce n’est pas contre lui que je me bats.

Durant cette période de quatorze mois, vous êtes aussi retourné au Stade de France…

J’y suis allé trois fois, oui. Pour les matchs face à l’Afrique du sud, face aux Fidji et face au pays de Galles. J’avais passé énormément de temps cloîtré chez moi. Je promenais mon chien tous les jours et c’est tout, pour croiser le moins de monde possible. J’ai eu du mal à relever la tête, je ne m’en sortais pas. Un de mes gendres m’a dit qu’il avait des contacts avec une entreprise au Stade de France, qu’elle serait intéressée par mes interventions pendant les matchs. Ma famille m’a poussé à y aller. Ils m’ont un peu forcé (il sourit). Ils me voyaient mourir à petit feu. Il fallait que je croise à nouveau le regard des gens.

Cela a-t-il marché ?

On appelle ça une thérapie. C’est pour cela qu’on m’a poussé à y aller, pour ressentir que je gardais le respect des gens, des supporters. Oui, ça m’a fait du bien.

 

Parvenez-vous à avoir un regard froid sur cette équipe de France ?

Non, il y a de la rancœur. Absolument pas contre les joueurs. Je sais dans quel contexte ils évoluent et ceux qui sont à leur tête. Il y a de la rancœur et je peine à passer au-delà.

Cette équipe de France ne gagne plus du tout. Tout de même, cela génère-t-il chez vous une forme de compassion ?

Non, aucune. Je n’ai toujours pas eu l’honneur d’avoir Jacques Brunel au téléphone. Jean-Baptiste Elissalde m’a appelé, lui. « Jean-Ba », c’est un de mes enfants professionnels. Il y a aussi, dans le staff, des gens avec qui je travaillais et qui sont restés. Je sais leur valeur et leur compétence. Pour ces gens-là, bien sûr que j’ai de la peine. Pour les autres, je n’ai que de la rancœur.

Tant pis pour eux ?

Non, je n’ai pas cette méchanceté-là. Quand j’interviens sur les matchs, je m’efforce d’être objectif dans mon propos. Je m’en tiens à l’analyse de ce qu’il se passe sur le terrain et je pense être objectif. Je reconnais sans mal leurs mérites, quand il y en a. Mais il n’y a pas d’émotion.

Le verdict est fixé au 8 avril. Êtes-vous confiant ?

Être confiant en m’avançant vers un match, ça n’a jamais été ma nature. La confiance mène surtout à de la naïveté. En sortant de l’audience, jeudi, une personne m’a dit : « Maintenant, il n’y a plus qu’à croiser les doigts. » Ça me gonfle. Je suis un cartésien. Je ne sais qu’une chose : les personnes autour de moi ont donné le meilleur. J’ai été merveilleusement entouré durant ce combat, que ce soit par Maître Nougarolis ou ma famille, mes proches. Tous me disent qu’il faut avoir confiance, qu’on s’appuie sur un dossier solide, qu’il sera jugé par des gens compétents. Mais la vie est tellement particulière, pleine de surprises énormes, que je me préserve de cet excès de confiance.

Vous êtes-vous fixé une somme limite à partir de laquelle vous ne ferez pas appel ?

Je ne peux pas encore répondre à cette question. J’attends le résultat, en restant le plus serein possible. Il n’y a qu’une fois que le verdict sera donné que je pourrai réfléchir à cette question. Une chose est sûre : je suis préparé à continuer le combat, si besoin.

Cet épisode prud’homal s’arrêtera bien un jour. Que fera alors Guy Novès ?

(il se crispe) C’est difficile de se projeter. 

Avez-vous encore envie d’entraîner ?

Entraîner, être sur le terrain, je ne crois pas. Travailler dans un staff, pourquoi pas. Faire autre chose, c’est aussi une possibilité. Mais ce genre de défis, on ne peut pas les aborder correctement avec le poids que j’ai actuellement sur les épaules. Pour l’instant, j’ai du mal à me projeter. Je ne sais pas trop ce que je ferai après.

On sait que plusieurs clubs vous ont contacté pour vous faire venir, dont le Stade français. Votre cote reste élevée…

Ma cote, elle a quand même pris un sacré coup avec cette affaire ! Le président de la FFR m’a coupé les jambes. Désormais, pour aller parler à des gens en totale liberté et se sentir crédible, ce n’est pas facile ! Quand le président du Stade français Monsieur Patricot m’a contacté, et je l’en remercie, je venais de me faire virer. J’ai refusé, ne serait-ce que par respect pour eux. Je n’avais absolument pas la tête à entraîner, j’étais trop mal. Et puis, j’aurais retrouvé à Paris des joueurs que j’avais eu en équipe de France. Quelle image auraient-ils eue de moi ? Je ne pouvais vraiment pas.

Et demain ?

Si mon honneur est lavé par une victoire aux prud’hommes, je pourrai peut-être exprimer à nouveau mon véritable potentiel.

Votre nom revient régulièrement dans l’opposition qui se structure contre l’actuelle présidence de la FFR, dans l’optique des prochaines élections (2020). On y trouve Fabien Pelous, Marc Lièvremont, Florian Grill, Jean-Claude Skrela ou Serge Blanco. Et Guy Novès ?

Toujours la même réponse : j’ai un problème personnel à régler en premier lieu. Ensuite, je regarderai si ce type d’aventure me motive. Pour l’instant, je suis un grand soutien de ces gens-là. Je suis leur premier soutien. S’ils se lancent dans l’aventure, je les soutiendrai encore face à ceux qui m’ont tué.

La finalité de la rivalité Laporte-Novès pourrait-elle être un affrontement au sommet lors des prochaines élections fédérales en 2020 ?

Aujourd’hui, je ne me situe pas là. Pour l’instant, si Laporte va à gauche, j’irai à droite. Et inversement. Idem pour Serge Simon. Ces gens-là, je veux surtout les éviter. Pourtant, je reconnais que certaines de leurs idées sont intéressantes. Mais leur mentalité ne me correspond pas du tout. Je connais trop leur capacité à mentir, je l’ai subie pendant un an. Ils ont bien monté leur coup pour me filer un coup de matraque, par-derrière. Désormais, j’ai surtout envie de les éviter. Mais, effectivement, je soutiendrai de toutes mes forces ceux qui s’opposeront à eux. 

Ne laissez-vous aucune place pour un éventuel pardon ?

Non, aucune. (Il se ferme) J’ai déjà du mal à rester les mains croisées en attendant le verdict. Ces mecs m’ont conduit vers une fin de vie de merde. Il n’y aura jamais de pardon.

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