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Jeu dangereux

Par Léo Faure
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Voilà huit mois, Agustin Pichot lançait le grand chantier de la Ligue mondiale : une compétition annuelle, d’envergure mondiale et censée redonner du piment à ces tournées d’été souvent fades. Pichot a d’abord sondé un premier cercle de décideurs dans le secret de réunions confidentielles, à San Francisco, en marge de la Coupe du monde à 7. Puis, devant des cercles élargis, lors de réunions costards-cravates dans les différentes antennes de World Rugby à travers le monde.

Le projet n’a rien de nouveau, son évocation dans les médias non plus. Ce qui a fait exploser la bulle, cette semaine, tient plutôt dans la version qu’en a présentée le New Zealand Herald : sans les nations du Pacifique ou la Géorgie, donc, qui frappent pourtant à la porte des nations historiques mais qui sont bien peu de chose, économiquement, face aux puissants marchés américains et japonais qui leur seraient préférés. L’augure fait peur, il faut le dire. Le signal serait franchement mauvais, pour un sport qui répète à l’envi son projet d’ouverture.

Devant le tollé qu’a soulevé l’annonce, Agustin Pichot (encore) est monté au créneau. L’ancien capitaine des Pumas est un politique d’une envergure redoutable. Pichot, à propos duquel Max Guazzini dit un jour qu’il avait "le talent pour devenir Premier ministre de l’Argentine, à la seule condition qu’il le souhaite", a immédiatement éteint l’incendie : tant qu’il sera aux manettes, il n’y aura pas de Ligue mondiale réservée aux seules nations de grande puissance financière. Encore heureux. Le sport n’est pas (encore) une entreprise comme les autres. En coulisses, la partie qui se joue est pourtant de première importance. Le rugby doit évoluer, c’est une évidence, et trouver de nouveaux leviers de développement. Sans pour autant se dénaturer.

Le point d’équilibre est aussi délicat à trouver que nécessaire. Car le rugby, disons-le franchement, vit aujourd’hui au-dessus de ses moyens. La FFR accusait l’an dernier près de 10 millions d’euros de perte. Elle n’est pas seule. En Angleterre, l’immense manne financière que génère chaque année la RFU ne suffit plus à couvrir ses dépenses et, là encore, le déficit cumulé sur 2018 serait immense. Ailleurs, les nations du Tier 2, qu’il convient de protéger et d’accompagner dans leur développement, vivent sous perfusion de World Rugby. Et l’institution mondiale, aujourd’hui, tire 90 % de ses revenus des Coupes du monde.

Créer une nouvelle compétition, annuelle et d’ampleur planétaire, ce serait donc générer de nouveaux revenus, notamment grâce aux droits télévisuels espérés. En ce sens, l’intégration des marchés américains et japonais prend du sens. Dans un monde idéal, cette ressource nouvelle permettrait d’accroître l’aide apportée au développement des nations émergentes, pour élargir le spectre du rugby mondial.

Mais cette évolution ne pourra jamais se faire au détriment immédiat de ces mêmes nations émergentes, du Pacifique ou d’ailleurs, dont la méritocratie sportive est indiscutable. Tout le sel de l’équation réside en ce point d’antagonisme. Que World Rugby trouve la solution, et vite, en n’oubliant personne sur le bord de la route. Un rugby qui exclurait ses partisans les plus fragiles, au nom du seul intérêt financier, se serait définitivement détourné de tout ce qu’on a pu aimer en lui

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