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Priso : « Je veux rendre ma maman fière »

  • Dany Priso goûte avec plaisir cette préparation à la Coupe du monde même si celle-ci n’épargne personne et d’autant moins les «gros».
    Dany Priso goûte avec plaisir cette préparation à la Coupe du monde même si celle-ci n’épargne personne et d’autant moins les «gros». Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Pilier atypique fort d’un passé différent, le natif de Loum (Cameroun) n’en demeure pas moins d’une farouche détermination à l’heure de préparer sa première coupe du monde. Une échéance qu’il aborde toutefois sans grandes certitudes au sujet de l’affrontement en mêlée, sujet à un changement de règlement qu’il ne semble guère apprécier… Entretien sans filtre.

 

Midi Olympique : Comment vous sentez-vous, après plusieurs semaines de travail exténuantes ?

Dany Priso : C’est une période qui est toujours difficile à négocier… Quand on est rugbyman, on aime mieux jouer que faire des cent mètres. On n’est pas des coureurs… Mais bon, il faut en passer par là pour être les plus performants possible en Coupe du monde.

Justement, qu’est-ce que la Coupe du monde représente à vos yeux ?

D.P. : C’est une bonne question, ça… Si on m’avait dit il y a quelques années que je serais là, jamais je ne l’aurais cru. Je ne connaissais rien au rugby et justement, le peu que j’en avais vu à la télé, c’était les Coupes du monde… J’ai attaqué le rugby avec les copains au fin fond de la Corrèze, à Ussel, un jour où on m’avait juste proposé de venir. Ce jour-là, je m’étais dit : « essaie, on va bien voir ce que ça va donner ». Et aujourd’hui, je vis de ce sport, et je me retrouve là, à me préparer pour une Coupe du monde au Japon, le pays des mangas de mon enfance… J’en profite à chaque instant.

Vous sentez-vous différent du jeune homme que vous étiez alors ?

D.P. : Je ne pense pas avoir changé et si c’était le cas, je compte sur mes frères pour me le faire savoir. Je sais qu’eux me diront toujours la vérité. On n’est pas nés avec une cuiller en or dans la bouche, on sait d’où on vient, on sait à qui on le doit. Ce qu’on veut, tous, c’est rendre notre maman fière de nous. Je suis fier de mon parcours ainsi que de celui de mes grands frères mais ce n’est que le début. On a tous d’autres objectifs en tête.

Il n’est pas commun d’entendre un international dire qu’il veut simplement rendre fière sa maman…

D.P. : Pourtant tout part d’elle. Si j’en suis là, c’est grâce à elle, parce qu’elle s’est sacrifiée pour nous en venant travailler en France, alors qu’elle avait trois enfants. Sans elle, sans tout ce qu’elle a fait, je serais encore au village au Cameroun, à l’heure où je vous parle… Malheureusement, si mes frères ont prévu de venir au Japon, ça sera difficile d’emmener notre mère. Pour un voyage pareil, il aurait fallu des mois de négociation… (rires)

Les gens nous prédisent l’enfer au Japon ? Ce que disent les gens, je n’en ai rien à cirer. Ce que je vois, c’est qu’on travaille dur, tous les jours à partir de 7 heures du matin.

Cette force liée à ce passé différent vous aide-t-elle à vous accrocher, quand la préparation vous amène dans le dur ?

D.P. : On n’est pas tous les mêmes, on n’a pas tous la même façon de penser, de réagir. Je sais pourquoi je suis là, je sais ce que je veux et pour tous mes partenaires c’est la même chose. Les gens nous prédisent l’enfer au Japon ? Ce que disent les gens, je n’en ai rien à cirer. Ce que je vois, c’est qu’on travaille dur, tous les jours à partir de 7 heures du matin. Tout le monde se donne à fond, et on va se battre pour ce maillot. Si on nous bat, c’est que les autres équipes seront meilleures, mais quand je vois la qualité des gars autour de moi, je me dis qu’il y a moyen de faire quelque chose de bien…

En tant que pilier, vous êtes premier concerné par la nouvelle règle qui vient de tomber au sujet des entrées en mêlée. Que vous inspire-t-elle ?

D.P. : C’est un retour en arrière, à ce qui se faisait avant, avec plus d’impact. Lorsqu’il est venu à Marcoussis pour nous l’expliquer, Alain Rolland nous a dit que c’est pour notre sécurité. Je veux bien… Mais je pense plutôt que s’il y a impact, les mêlées peuvent avoir de nouveau tendance à plonger, ce qui n’est pas moins dangereux, car c’est la nuque qui est la première à être exposée. (Il marque une pause) C’est drôle : on a commencé avec des mêlées qui étaient à deux mètres l’une de l’autre, pour finir par se rapprocher jusqu’à se toucher épaule contre tête, et voilà qu’on change de nouveau complètement, et qu’il faut désormais prendre un peu de recul. Bon, on fera avec…

C’est-à-dire ?

D.P. : Déjà, il va falloir s’adapter en fonction des partenaires, trouver les bonnes postures. Si on « s’assoit » trop, on sera en danger au moment de l’impact, et si on se met trop en bascule, on risque de se faire pénaliser. Il faudra trouver un équilibre avec les deuxième ligne, le numéro huit. C’est tout un travail collectif qu’il s’agira de reprendre de zéro.

Les nations du Sud auront le Rugby Championship pour se confronter à ces nouvelles règles. Le XV de France, trois matchs de préparation, soit au mieux un match et demi par pilier… Craignez-vous de ne pas être sur un pied d’égalité lors de la Coupe du monde, notamment lors du match d’ouverture vis-à-vis des Argentins ?

D.P. : Je préfère ne pas m’exprimer là-dessus. On peut travailler entre nous, déjà, même si ce n’est pas la même adaptation qu’en match. La seule certitude c’est qu’avec cette règle, le plus lourd sera forcément un peu avantagé. Mais bon, je ne suis pas dur genre à me prendre la tête avec ce genre de truc. Si je recule, ça va me c… les c…, et je vais travailler à l’entraînement pour me corriger, mais ça s’arrête là. Et puis, la mêlée, c’est important, mais ce n’est pas tout le job d’un pilier. Si on peut « doubler », c’est bien. Mais après, une fois que le ballon est sorti, il faut y aller, sinon ce sont les trois-quarts qui seront obligés d’aller au soutien, et tous les systèmes de jeu vont se dérégler… Vous savez, même si ce secteur de jeu reste très important, une mêlée qui dure trois heures, ça fait ch… tout le monde !

De mémoire, vous êtes certainement le premier pilier international de notre connaissance à affirmer qu’une mêlée qui dure longtemps ennuie tout le monde…

D.P. : Ce que je veux dire, c’est que si on n’est pas soi-même rugbyman, on ne peut pas l’apprécier. Aujourd’hui, le spectateur lambda et même les pratiquants veulent voir un sport spectaculaire. Même à nous les piliers, on nous demande désormais de faire des steps (des appuis, N.D.L.R.) lorsqu’on a le ballon, alors que tout ce qu’on nous demandait avant c’était « tu vas tout droit, et tu enterres le mec ». Beaucoup de choses ont changé… 

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