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Lhermet : « Il est temps de passer aux actes »

  • Jean-Marc Lhermet
    Jean-Marc Lhermet Icon Sport
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D’abord dans l’ombre des premiers noms qui ont circulé dans l’entourage de Florian Grill (Novès, Lièvremont, Magne…), Jean-Marc Lhermet était bien celui qui s’est assis à la droite du candidat de l’opposition à la FFR, le 25 juin lors de son intronisation officielle. Réputé homme de dossier bien plus que de média, le Clermontois hausse pourtant le ton, dans ce premier long entretien d’une campagne que le camp Grill a lancé ce week-end à Issoire. La bataille pour la FFR 2020 s’annonce saignante.

Midi Olympique : Comment vous êtes-vous retrouvé embarqué dans la campagne fédérale ?

J-M. L. : C’est venu en deux phases. Tout d’abord, une réflexion personnelle. J’étais très triste de voir notre rugby s’enfoncer depuis plusieurs années, le voir creuser son propre échec. Clairement, je ne suis pas en phase avec ce qui se fait actuellement à la Fédération. La deuxième phase, c’est le lien réalisé avec le groupe de travail constitué autour de Florian Grill. Le courant est très vite passé avec lui. Nous avons pu constater nos convergences d’idées pour le rugby français.

Comment s’est faite la rencontre ?

J-M. L. : Par hasard. Florian, hormis par son statut de président de la Ligue Ile-de-France, je ne le connaissais pas. Comme d’autres, paraît-il ! (rires) À l’époque, je m’intéressais aux enjeux de la FFR, j’essayais de comprendre son fonctionnement interne actuel. Je cherchais notamment des comptes rendus de comités directeurs et je ne trouvais rien sur le site de la Fédération. Un jour, par hasard sur Facebook, j’ai vu que Florian Grill réalisait ses propres comptes rendus des comités directeurs auxquels il assiste, pour l’opposition, au même titre que Serge Blanco ou Fabien Pelous. Il sollicitait aussi des réactions. Je lui ai répondu quelques fois, le premier contact s’est fait ainsi. On a échangé par mail, puis on s’est appelé. Tout a alors démarré.

Immédiatement au travail ?

J-M. L. : J’ai d’abord demandé à assister aux réunions, comme simple observateur. Ma crainte, c’était d’intégrer un groupe ayant pour seul projet de prendre sa revanche sur la dernière élection. Ça, ça ne m’intéressait pas. Je voulais un groupe qui porte une nouvelle vision. Au début, je suis donc resté discret, à l’écoute. Assez vite, j’ai constaté que ces échanges me correspondaient bien. Puis Florian m’a sollicité de plus en plus, sur des dossiers qui me concernent et que je maîtrise le mieux.

Quels sont-ils ?

J-M. L. : Tout ce qui touche aux relations entre la FFR et la LNR, que j’ai déjà expérimentées du côté de la Ligue. Donc aux équipes de France, qui en sont au cœur, et plus globalement toute l’approche du haut niveau.

Gardez-vous vos fonctions à Clermont ?

J-M. L. : Jusqu’à présent, mon engagement s’est fait en parallèle de mes activités à Clermont. Éric de Cromières a été concerté dès le départ. Je ne voulais pas que mon engagement gêne le club. Mais j’y ai conservé mon rôle. Demain, il faudra que je dégage du temps.

Comment ?

J-M. L. : Mon engagement était lié à Florian, il était le pivot de ma démarche. Maintenant que sa candidature est validée, je m’engage à fond derrière lui. Nous voulons une campagne de terrain, à la rencontre et à l’écoute des clubs pour bien comprendre leurs problématiques. Cela demande du temps. Avec l’accord d’Éric de Cromières, j’ai donc décidé de réduire mon activité à l’ASM à un temps partiel, à 60 %. Le reste sera consacré à la campagne fédérale. Je vais aussi abandonner mon rôle d’administrateur et de vice-président de l’ASM, puisque ce rôle pourrait interférer avec ma nouvelle bataille.

Y a-t-il une hiérarchie de dessinée derrière Florian Grill ?

J-M. L. : (il hésite) Non, il n’y a pas de hiérarchie particulièrement établie. Chacun travaille dans son domaine de compétences (lire l’encadré).

Des noms médiatiques comme Guy Novès, Olivier Magne ou Marc Lièvremont ont un temps été annoncés… Pourquoi ne vous ont-ils pas rejoints ?

J-M. L. : Reprenons dans l’ordre. Vous parlez de Guy Novès. Or, il n’a jamais été dans le groupe de travail.

Il a été approché, au moins…

J-M. L. : J’ai eu Guy personnellement au téléphone, à ce sujet. Il a toujours été très clair : il nous soutient dans notre démarche, il l’a dit et répété. Mais il n’a jamais souhaité s’engager concrètement à nos côtés. Guy a visiblement d’autres projets.

Les autres ?

J-M. L. : Olivier Magne a été dans notre groupe, c’est vrai. Avec une implication qu’on qualifiera de mesurée. Par exemple, je ne l’ai jamais vu physiquement à une de nos réunions. Il fonctionnait surtout par téléphone. Il a finalement fait le choix de répondre favorablement à une autre proposition de travail, qui émane justement de Bernard Laporte. Ça le regarde.

N’est-ce pas une belle illustration des maux du rugby français ?

J-M. L. : Attention à ne pas généraliser. Ce type de comportement, je ne le constate pas tous les jours dans notre monde du rugby. Le changement d’Olivier a été étonnant, pour le moins. Je ne le jugerai pas plus amplement.

Et Marc Lièvremont ?

J-M. L. : Lui était très impliqué, c’est vrai. Il faisait partie des trois ou quatre personnes dont le nom était évoqué pour prendre la tête du projet. Il a fait le choix, personnel, de prendre du recul. Il faut le respecter. S’il devait un jour revoir sa position, j’en serais très heureux car c’est quelqu’un qui partage vraiment nos idées, et qui nous soutient.

Son choix était lié à son inimitié, pour le dire poliment, avec Serge Blanco…

J-M. L. : (il marque une pause) C’est ce qu’ils en disent…

Que pensez-vous de leur passe d’armes, immédiatement après le lancement de votre campagne ?

J-M. L. : Je la regrette, c’est évident. C’est une affaire personnelle, qui n’avait rien à faire sur la place publique. Il y a d’autres terrains que celui du médiatique pour se parler.

Florian Grill a été intronisé le 25 juin. Votre campagne est-elle donc officiellement lancée ?

J-M. L. : Il y a eu la phase de construction du programme, en amont du lancement. Bien que discret, c’est un temps important dans une campagne. Elle débute vraiment quand un chef de file est nommé. C’est fait. Désormais, oui, la campagne est lancée. Toute une équipe sera bientôt sur le terrain, à la rencontre des clubs et de tous les acteurs du rugby français.

Quel est votre calendrier ?

J-M. L. : Une première réunion aura lieu à Issoire, ce week-end à l’occasion du Challenge d’Auvergne. Ensuite, dès fin août, nous allons accélérer. Nous avons construit un réseau de 300 correspondants, sur le terrain, que nous appelons nos "relais locaux". Ils ont la mission d’organiser des réunions dans leur secteur pour présenter notre projet mais aussi écouter ce que les présidents ont à nous dire. Notre projet est tracé dans les grandes lignes mais c’est un document vivant, qui appartient à tous ceux qui voudront le nourrir et le faire évoluer.

Qu’est-ce qui vous penser que votre équipe et votre projet pourrait gagner cette élection, en 2020 ?

J-M. L. : C’est d’abord une conviction personnelle. J’ai foi en mon sport, en la façon dont il s’est construit, son ADN et sa capacité à sortir de ses difficultés actuelles. Ensuite, il y a les retours du terrain. Les gens à la base de ce sport, donc les présidents de club de tous les niveaux, me semblent conscients du danger qui nous guette. Le rugby français est malade, il a perdu de sa force. Tous les présidents que je rencontre me semblent aujourd’hui conscients que quatre années supplémentaires de la gouvernance actuelle seraient catastrophiques. On leur propose un autre projet, une autre vision du rugby que je pense bien meilleure. Je me battrai jusqu’au bout pour la défendre.

Que reprochez-vous exactement à la gouvernance en place ?

J-M. L. : Tellement de choses… L’état de l’équipe de France, déjà. Ses résultats me chagrinent profondément. Ils ne sont pas en phase avec nos moyens, nos joueurs, notre nombre de licenciés. Ces résultats et le jeu proposé, depuis deux ans, sont à des années-lumière de ce qu’on est en droit d’attendre.

Ce délitement était déjà réel bien avant l’élection de Laporte, sous une gouvernance qui comprenait Serge Blanco, par exemple, aujourd’hui au sein de votre projet…

J-M. L. : Il y a longtemps que notre rugby est sur une pente descendante, c’est vrai. Je ne dis pas que c’était mieux avant. Je dis seulement que cela peut être mieux après. Et que la gouvernance actuelle n’a résolu aucun des problèmes du XV de France. Je pense même qu’elle a aggravé sa situation.

Ensuite ?

J-M. L. : Je leur reproche aussi la dégradation de l’image de notre sport. Quand un président de Fédération se fait siffler dès qu’il apparaît sur l’écran géant du Stade de France, ce n’est tout de même pas un signe de bonne santé pour son sport. Cette image, il la doit à plein de choses. À commencer par un management brutal, comme lors du licenciement du Guy Novès.

Fallait-il maintenir Guy Novès en poste ?

J-M. L. : Sur le fond, on peut avoir le débat et Laporte est le président : la décision lui appartenait. Sur la forme, en revanche, ce fut tout de même très petit. Que fait-on du respect des hommes ? On parle de Guy Novès, on peut aussi parler de Jacques Brunel. La façon dont on lui a imposé les modifications dans son staff, au printemps, c’est au minimum un manque d’élégance. Je pense aussi à Mathieu Bastareaud. Le débat de fond, celui de sa présence ou non à la Coupe du monde, appartient au sélectionneur. Mais sur la forme, comment peut-on traiter avec autant de mépris un joueur qui a tant apporté à cette équipe de France, qui en était le capitaine il y a peu encore ? Est-ce normal que Bastareaud apprenne son éviction par la presse, qu’il n’y ait même pas eu l’élégance d’un coup de fil ? Voilà le genre de management qui me gène et qui pèse sur l’image de notre sport.

Quoi d’autre ?

J-M. L. : Le manque de transparence sur l’intégralité des dossiers menés, les affaires internes qui vont jusqu’à des issues judiciaires… Tellement de choses ! La conséquence de tout ça, c’est -24 % de licenciés dans les écoles de Rugby, la baisse importante des affluences dans les stades pour voir jouer le XV de France, les baisses d’audience télé jusqu’à -25 %, les 7,5 millions d’euros de déficit lors du précédent exercice budgétaire. Voilà le bilan. Tous ces voyants sont au rouge. Cela m’attriste mais visiblement, ça n’attriste pas tout le monde puisque le président de la Fédération, Bernard Laporte, déclarait récemment à la radio que "le rugby français ne s’est jamais aussi bien porté". Sérieusement ? Ce décalage avec la réalité me fout en colère et renforce mon engagement.

N’y a-t-il aucun point sur lequel vous leur reconnaissez des mérites ?

J-M. L. : J’aurais bien du mal à en trouver… Il y a bien quelques jolis arbres, mais ils cachent toujours une forêt de choses négatives. Le mal du rugby français, c’est de ne toujours parler que du bel arbre, jamais de la forêt. La victoire contre les All Blacks en 2007, la finale au Mondial 2011… En ce moment, ce sont les titres mondiaux chez les moins de 20 ans. On ne parle que de ça, cela évite d’évoquer la situation globale du rugby français qui est désastreuse.

Ils n’ont de cesse de mettre en avant leur préoccupation pour le rugby amateur…

J-M. L. : (il coupe) Ça aussi, c’est en tel décalage avec les discours qui nous remontent du terrain ! J’ai rencontré la grande majorité des présidents de clubs de mon territoire, l’Auvergne. Presque tous me parlent de leur sentiment d’abandon face à leurs difficultés du quotidien. Leur premier problème ? La perte des licenciés. Ils y sont confrontés directement. Dans le même temps, Bernard Laporte dit à la radio qu’il n’y a "aucun problème lié au nombre de licenciés dans le rugby français". Ce message est une blague, une façade. Il est totalement déconnecté de la réalité du terrain ! Une chose, pourtant, qu’il ne faudrait pas oublier : tous les joueurs du XV de France ont débuté le rugby dans ces petits clubs. Si on délaisse la base de la pyramide, le sommet va en souffrir.

Jusqu’ici, on a vu passer beaucoup de développements philosophiques sur la campagne que vous portez. Le triptyque "la passion de la compétition, les valeurs éducatives, l’engagement citoyen", par exemple. Mais peu de concret. Comment cela se matérialise-t-il dans l’action ?

J-M. L. : La compétition, c’est celle de tous les clubs, quel que soit le niveau, mais aussi tout ce qui a attrait au haut niveau. Donc aux équipes de France. Toutes se doivent de figurer dans les cinq meilleures nations mondiales. C’est un minimum.

Personne ne vous contredira là-dessus, c’est évident. Mais que proposez-vous de concret pour y parvenir, là où les autres ont échoué ?

J-M. L. : Rien de révolutionnaire, si ce n’est de mettre des actes sur les paroles. C’est déjà énorme ! Depuis dix ans, tous les programmes d’élection s’accordent, toutes les réflexions aboutissent au même constat : il faut revoir le système de formation ; il faut faire de la place à nos meilleurs jeunes pour les faire émerger au plus haut niveau ; il faut mettre plus d’expertise autour du XV de France. Voilà pour les discours. En France, nous sommes très forts pour avoir des idées et en faire des discours. Nous sommes beaucoup moins bons quand il s’agit de les mettre en œuvre. Il faut que cela change. Notre projet, c’est de bosser, enfin, pour mettre toutes ces réflexions en œuvre.

Et donc ?

J-M. L. : Travailler de manière positive avec la Ligue, pour commencer. La solution ne sera jamais de se tirer dessus. Les meilleurs joueurs, ceux de l’équipe de France, sont dans les clubs. Si on est incapable de travailler de façon positive avec ces clubs, on est déjà en difficulté et c’est l’équipe de France qui en pâtit.

À l’inverse, l’équipe Laporte nouvellement élue était très vite partie en guerre contre la LNR. N’était-ce pas un passage obligé, pour rééquilibrer les forces LNR-FFR qui penchent souvent en faveur des clubs ?

J-M. L. : Au contraire, je crois que c’était une grosse erreur. La preuve : cette guerre, la FFR l’a globalement perdue. Notre rugby a besoin de rassemblement. C’est un de nos axes forts de travail. La LNR, comme la FFR, a intérêt à retrouver une équipe de France qui gagne. C’est notre vitrine et quand elle se fissure, c’est tout notre sport qui se trouve en danger. Tout le monde s’accorde sur ce point. Pourquoi est-ce qu’on n’avance pas ? Jusqu’ici, l’intérêt supérieur du rugby français, c’est un discours qui fait rire tout le monde. Il est temps de passer aux actes. Que tout le monde se mette autour d’une table et laisse son intérêt personnel de côté pour réfléchir à cet intérêt supérieur du rugby français. Il y aura des tensions, des divergences, des engueulades. C’est le prix à payer pour avancer, enfin.

Ensuite ?

J-M. L. : Nous militons pour la mise en place d’un projet de jeu commun à toutes nos équipes de France. Pour les garçons, c’est notamment vrai pour la passerelle entre les moins de 20 ans et le XV de France.

N’est-ce pas le cas, actuellement ?

J-M. L. : Bien sûr que non. J’entends et je lis les interviews de Sébastien Piqueronies, l’entraîneur des moins de 20 ans. Il fait visiblement un excellent travail. Il travaille sur un projet positif, y compris sur les notions de culture du maillot et d’appartenance. Mais il fait tout cela seul, dans son coin, dans sa bulle des moins de 20 ans. Si, demain, il y a une identité commune de jeu et de comportement à toutes les équipes, on va faciliter le passage de nos meilleurs jeunes vers le haut niveau.

Le sélectionneur, alors, devrait-il aussi endosser les fonctions de DTN ?

J-M. L. : La DTN est au centre de tout. C’est elle qui doit traduire et formaliser l’alignement du projet de jeu "France" entre les académies, les sélections de jeunes, les moins de 20 ans et l’équipe de France. Que le DTN et le sélectionneur ne soient qu’une seule et même personne ? Ce n’est pas une nécessité, dès lors qu’on choisit un sélectionneur en phase avec le projet de jeu établi globalement. Il est le dernier étage de la fusée et il faut qu’il soit en cohérence avec ce qui est prôné dans les étages inférieurs. Cette cohérence, aujourd’hui, elle n’existe pas. Ce qu’il faut construire, c’est toutes ces passerelles qui existent chez les autres grandes nations. Pas chez nous. En fait, à tous les étages de notre fusée, il manque l’exigence de l’excellence.

Vraiment ?

J-M. L. : Au travers de mes missions avec l’ASM, j’ai eu la chance de passer une semaine avec le pays de Galles, pendant le Tournoi des 6 nations. De par notre passé commun, j’ai aussi pu beaucoup échanger avec Joe Schmidt. Le niveau d’exigence pour leur sélection nationale est immense, très supérieur au nôtre. Chez eux, tout est réfléchi. Ils ne travaillent pas comme nous, comme il y a dix ans en prenant seulement en compte le triptyque physique-technique-tactique. Ils travaillent sur tout, sur la nutrition, le sommeil, la vision et tellement d’autres choses. Tout est précis, individualisé et hyper-spécialisé pour préparer au mieux les joueurs. L’excellence, c’est cela. Nous ne sommes pas à leur hauteur, nous en sommes même très loin.

Le rugby français est-il si largué ?

J-M. L. : Pas le rugby français mais l’équipe de France. Nos clubs, eux, travaillent de manière rigoureuse et avec un souci immense du détail. C’est d’ailleurs le plus déplorable : les compétences, nous les avons dans les clubs. Mais parce qu’on ne sait pas travailler en bonne entente avec eux, nous n’en profitons pas. Au final, nous sommes dans une situation où l’équipe de France travaille moins bien que les clubs. C’est aberrant ! Quand je discute avec des managers du Top 14, le cadre de travail en équipe de France les ferait pleurer. Le summum de l’exigence devrait pourtant être à Marcoussis. Aujourd’hui, il n’y a aucun suivi des joueurs. Combien de fois Jacques Brunel est-il dans les clubs, pendant la saison ? Et les membres de son staff ? Chez les Anglais, les clubs de Premiership sont visités chaque semaine par un membre du staff du XV de la Rose. Le suivi est quotidien, multifactoriel et douze mois par an. Mais chez les Anglais, pourtant construits sur un modèle proche du nôtre avec deux institutions, Ligue et Fédération, l’équipe nationale impose un niveau d’exigence supérieur à tout ce qui se fait dans les clubs. Chez nous, c’est l’inverse.

Pourquoi n’y parvenons-nous pas ?

J-M. L. : On se cache derrière des excuses. "Il y a trop d’étrangers" ou "les joueurs jouent trop". Bien sûr que ces données sont problématiques mais, pendant qu’on s’en sert d’excuse pour masquer nos lacunes et justifier les mauvais résultats des Bleus, on ne se pose pas la question du niveau des compétences qui encadrent le XV de France. Les Anglais l’ont fait. Eddie Jones est allé chercher partout dans le monde ce qui se fait de mieux, à chaque poste de son staff.

Ce staff anglais, très élargi et hyper-spécialisé, représente une masse salariale colossale. La FFR peut-elle se le permettre ?

J-M. L. : C’est une question de priorités dans la gestion financière. La masse salariale de la FFR a augmenté de 65 % en trois ans, soit plus de 10 millions d’euros sous la gouvernance de Bernard Laporte : où va cet argent ? Quand la question leur est posée, on nous répond par la revalorisation du contrat des féminines. Si les filles ont réussi à négocier pour 10 millions d’euros de contrat, bravo à elles et j’en serais très heureux… Mais j’en doute ! Plus sérieusement, de l’argent, il y en a. La Fédération a un trésor de guerre et heureusement, sinon, notre situation serait alarmante. La LNR participe de manière très correcte au fonctionnement financier de la FFR. Mais l’argent, on l’utilise pour des indemnités de licenciement, par exemple, plutôt que de l’investir pour une addition de compétences.

Votre projet pour les Bleus va se heurter à une réalité : le staff pour le prochain mandat est déjà sous contrat, autour de Fabien Galthié…

J-M. L. : Ce n’est pas un problème. Quand on arrivera en situation, il n’est pas question de mener une chasse aux sorcières. C’est pourtant ce que l’équipe en place a fait, à son arrivée. C’est la pire des choses. Il y aura eu des gens qui étaient pour nous, d’autres contre nous. Peu importe. Il restera des compétences en place. Il faudra simplement définir la meilleure place, le meilleur rôle pour optimiser ces compétences.

Sans aucun changement ?

J-M. L. : Nous portons un nouveau projet, il y aura donc de nouvelles têtes. C’est évident. Je suis en contact avec beaucoup de techniciens ou d’anciens joueurs, que notre projet intéresse. Mais les gens déjà en place ont des compétences. Il serait stupide de ne pas en profiter.

Autre sujet : l’équipe en place a eu vite fait d’enterrer le dossier du "Grand stade" porté par Pierre Camou. Pourriez-vous le relancer ?

J-M. L. : Ça ne fait pas partie des plans de campagne établis. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudra pas réfléchir aux opportunités.

Par exemple ?

J-M. L. : Des choses se disent autour de l’exploitation du Stade de France et de modifications qui pourraient intervenir. Si tout cela se confirme, il peut y avoir une opportunité intéressante pour la FFR.

Concrètement, l’idée que la FFR récupère l’exploitation du Stade de France, pour bénéficier des revenus d’un grand stade sans avoir à en supporter le coût de construction, n’est pas pour vous déplaire ?

J-M. L. : Ce n’est pas un acte majeur de notre projet, comme pouvait l’être le Grand stade pour Pierre Camou. Mais si l’opportunité se présente, cela peut être une bonne solution pour profiter de retombées financières susceptibles d’irriguer tout le rugby français. Il faudrait analyser le projet en détail, le chiffrer. Il faudrait travailler, tout simplement, avec un groupe de personnes compétentes sur le sujet. Et ne pas faire les choses de manière superficielle. Ça changerait.

Ce qui sous-entend que l’équipe actuelle ne travaille pas suffisamment ?

J-M. L. : (il marque une pause) Je le pense, oui. Ces gens parlent beaucoup, font de grands discours. J’ai encore entendu Bernard Laporte se satisfaire d’avoir respecté ses engagements de campagne. Quand on regarde l’état actuel du rugby français, peut-on décemment se satisfaire d’avoir tenu ses engagements, alors qu’ils n’ont rien apporté de positif ? Il y en a marre de ces discours, de cette communication pleine de promesses. Je viens d’un monde où mon travail est jugé sur les actes et les résultats, pas sur les paroles. Il serait temps d’en faire de même à la FFR. On verrait alors que cette fédération n’est pas efficace parce que, effectivement, elle ne travaille pas assez.

Si vous êtes élu, demain, votre mandat inclura le Mondial 2023 en France. La pression sera énorme…

J-M. L. : Il y aura le Mondial des filles en 2021, le 7 en 2022, les garçons en 2023 et les Jeux Olympiques en 2024. Ce mandat sera décisif pour l’avenir du rugby français, j’en suis convaincu. Nous arrivons à un point de bascule. Notre situation actuelle est difficile. Tout peut repartir de l’avant si ce mandat à venir est réussi.

Le Mondial 2023 sera en France…

J-M. L. : 2023 en France, ce sera une fabuleuse vitrine. Il faudra travailler dessus mais surtout sur l’héritage, ce qui en restera après. On a vu l’impact qu’avait eu 2007 sur notre rugby. Il ne faudra pas se rater.

Le dossier France 2023 est entre les mains de Claude Atcher, proche de Bernard Laporte. Pourriez-vous revoir cette attribution ?

J-M. L. : Nous réfléchissons en termes de compétences, pas de personne. Si Claude Atcher organise de la meilleure façon possible France 2023, comme il l’a fait par le passé sur d’autres événements, pourquoi se passer de lui ? Ce serait stupide. Je le répète, nous sommes en quête de travail, de sérieux et de compétence. Si elles sont déjà présentes, il n’y aura pas de chasse aux sorcières.

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