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Arbitres : Le grand remue-méninges

Par ARGOUD Clément et DIAZ Enzo
  • Photo de famille pour l’ensemble du corps arbitral professionnel français, avec les petits nouveaux : Luc Ramos (premier rang, le quatrième depuis la droite), Vivien Praderie (premier rang, le troisième depuis la droite) et Pierre-Baptiste Nuchy (deuxième rang, le quatrième en partant de la gauche) pour le Top 14 ; Jean Lespès (au deuxième rang, derrière Alex Ruiz), Adrien Marbot (dernier rang, le cinquième en partant de la droite) et Jérémy Rozier (deuxième rang, le cinquième en partant de la gauche) en Pro D2. Pendant quatre jours, les échanges ont été riches et à bâtons rompus. Photos Jean-Patrick Lapeyrade
    Photo de famille pour l’ensemble du corps arbitral professionnel français, avec les petits nouveaux : Luc Ramos (premier rang, le quatrième depuis la droite), Vivien Praderie (premier rang, le troisième depuis la droite) et Pierre-Baptiste Nuchy (deuxième rang, le quatrième en partant de la gauche) pour le Top 14 ; Jean Lespès (au deuxième rang, derrière Alex Ruiz), Adrien Marbot (dernier rang, le cinquième en partant de la droite) et Jérémy Rozier (deuxième rang, le cinquième en partant de la gauche) en Pro D2. Pendant quatre jours, les échanges ont été riches et à bâtons rompus. Photos Jean-Patrick Lapeyrade DDM - - JEAN PATRICK LAPEYRADE
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Quatre jours durant, les hommes en noir se sont retrouvés pour échanger sur les nouvelles directives qui entrent en vigueur. Il a été aussi question d’établir une grille d’analyse et une cohésion, essentielles aux bons fonctionnements des règles du corps arbitral.

Sous le soleil, les sifflets. Rangés pour une fois. Réunis comme chaque saison avant le coup d’envoi des championnats de Top 14 et de Pro D2, les arbitres professionnels français se sont retrouvés de lundi à jeudi à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées). Pour la première fois, tous les "corps de métier" de l’arbitrage ont pris part aux activités de cohésion, exercices et autres réunions de discussion. Les arbitres de champ (35), avec notamment la présence des cinq officiels français (Jérôme Garcès, Romain Poite, Mathieu Raynal, Pascal Gaüzère comme arbitres principaux, Alexandre Ruiz comme juge de touche) qui seront du voyage à la prochaine Coupe du monde au Japon (20 septembre- 2 novembre), leurs assesseurs juges de touche (45) et les arbitres vidéo (TMO, au nombre de 12), la photo de famille fut complète. Même les réalisateurs de Canal + avaient été conviés le mardi matin. Tout ceci, pour le plus grand bonheur de Franck Maciello, le nouveau directeur technique national de l’arbitrage - il est adjoint pour l’heure - qui prendra officiellement ses fonctions en décembre prochain en remplacement de Joël Dumé, nommé manager des arbitres à Rugby Europe. Pendant ces quatre jours, plusieurs sujets furent discutés et des axes prioritaires dégagés. Tour d’horizon avec le décryptage de Franck Maciello, Jérôme Garcès et Joël Dumé, venu spécialement ce mercredi dans la cité pyrénéenne.

La mêlée fermée change ses commandements

World Rugby a promulgué cet été une nouvelle règle qui doit faire diminuer le nombre de problèmes cervicaux chez les première ligne. Franck Maciello explique : « Le principal changement est entre le commandement "flexion" et le "liez". Les première ligne ne peuvent s’appuyer sur les épaules des adversaires et changer leurs appuis. Ça devrait gagner en force d’impact et en stabilité. Comme je l’ai dit ce matin (mercredi, N.D.L.R.), ça fait 25 ans que ça dure ces histoires de mêlée. On y passe un peu trop de temps et il y a l’envie de voir autre chose. » Jérôme Garcès, toujours au cœur du jeu international complète : « En mêlée, l’évolution est venue des joueurs. Pour leur sécurité et leur santé au niveau des charges au cou, la pression reçue par les talonneurs après l’engagement était devenue trop importante. Aujourd’hui chaque équipe va devoir soutenir son propre poids et ne pas balancer tout ce poids, par exemple 500 kilos, sur l’épaule de l’adversaire. Chacun va devoir respecter son poids, ce qui permettra d’avoir un espace entre la ligne d’affrontement et derrière il y aura un engagement plus… »

Le jeu déloyal, surveillé de très près

C’était l’autre axe sur lequel ont planché avec application et concentration les arbitres professionnels français, répartis en groupes de travail les mardi, mercredi et jeudi. Le plaquage a notamment été au cœur des discussions et la tolérance zéro mise en avant. World Rugby a validé la mise à l’essai de six règles destinées à reduire les risques et la France est en ce sens un laboratoire pour certaines. « World Rugby a établi un arbre décisionnel. C’est une chaîne d’analyse. Cela doit permettre aux arbitres de Top 14 et aux arbitres vidéo d’analyser plusieurs facteurs pour prendre la meilleure des décisions », délivre Franck Maciello. « Concernant le jeu déloyal, nous allons mettre l’accent sur la protection du joueur, notamment vis-à-vis des problèmes de commotions et de chocs au niveau de la tête et du cou. L’arbre décisionnel va permettre d’avoir de répondre à des questions par un processus bien défini. À chaque fois, nous posons une question puis nous y répondons par oui ou non. Par exemple, "est-ce qu’il y a charge à l’épaule ? Oui." puis on passe à la question suivante. C’est une déclinaison de trois ou quatre questions pour arriver à déterminer quel est l’acte de jeu déloyal, s’il y a contact avec la tête, est-ce qu’il y a des facteurs atténuants… Si oui, la sanction peut être diminuée d’un cran ; si non elle n’est pas diminuée. Ce qui nous permet d’avoir plus de cohérence dans les décisions », détaille Jérôme Garcès.

Cette saison, l’interdiction de plaquer au-dessus de la poitrine et l’interdiction de plaquer à deux seront mises en application pour le rugby fédéral (jusqu’en Fédérale 2 et pas en Fédérale 1).

L’arbitrage vidéo et la recherche d’une meilleure communication

Mercredi, le jeu déloyal a été traité pour la première fois en même temps en présence des arbitres principaux, des juges de touche et des arbitres vidéo. Le but selon Franck Maciello ? « Chacun doit entendre le même discours et il ne faut pas qu’il y ait de sur-interprétation possible. Ils travaillent en équipe sur les situations. C’est une avancée supplémentaire. » Pour rappel, le Pro D2 connaîtra l’arbitrage vidéo dès la saison prochaine.

La féminisation de l’arbitrage

Cela va devenir un des axes majeurs pour les prochaines saisons. « C’est un point qui a été lancé dès la saison dernière avec une commission de l’arbitrage féminin dont Franck Maciello était le responsable. Notre objectif est d’avoir une jeune femme comme arbitre centrale à la prochaine Coupe du monde de rugby féminin en Nouvelle-Zélande en 2021. Nous avons Aurélie Groizeleau qui est notre meilleure chance et qui a dirigé plusieurs matchs internationaux récemment (Tournoi des Six Nations 2018 et 2019) », livre Joël Dumé. « C’est un objectif majeur de permettre à l’arbitrage féminin de s’installer au plus haut niveau. », rajoute Franck Maciello, conscient que les chantiers sont permanents dans le monde de l’arbitrage français.

Les sifflets promus en Top 14 et en Pro D2

Trois arbitres évoluant en Pro D2 la saison dernière vont désormais officier en Top 14. Il s’agit de Luc Ramos (Occitanie), Vivien Praderie (Occitanie) et Pierre-Baptiste Nuchy (Nouvelle-Aquitaine). Trois vont également monter de Fédérale 1 à Pro D2, Jean Lespe (Ile-de-France), Adrien Marbot (Nouvelle-Aquitaine) et Jérémy Rozier (Auvergne-Rhône-Alpes), ce dernier aussi arbitre international à VII.

 

Entretien avec Jérôme Garcès : « Un changement en douceur » 

 

Midi Olympique : Pendant ce stage vous avez endossé votre nouveau rôle de manager technique du secteur professionnel, comment appréhendez-vous cette nouvelle étape dans votre carrière ?

Jérôme Garcès : Après une carrière d’arbitre professionnel, c’est dans la continuité. Pouvoir rester dans l’arbitrage et dans le rugby, c’est assez important pour moi. Ce stage était le premier que j’organisais, avec une position un peu délicate. Les arbitres restent toujours mes collègues - parfois des amis - des gens avec qui j’ai partagé plein de choses. Aujourd’hui je vais être obligé de basculer vers une position différente. C’était important que le changement se fasse dans la douceur, que tout le monde comprenne que les rôles n’ont pas changé fondamentalement mais qu’ils évoluent.

Est-ce difficile pour vous de vous mettre dans cette peau de supérieur hiérarchique ?

J. G. : Non, parce qu’on parle d’arbitrage, de jeu, de rugby, entre connaisseurs. Nous sommes dans l’échange et le partage. Je ne suis pas dans un management direct où moi, je parle, et les autres m’écoutent. J’aime bien trouver le consensus et chercher la solution en groupe plutôt que de le faire individuellement.

Avant d’enfiler pleinement ce nouveau costume, vous aller officier dans un mois au Japon pour votre troisième Coupe du monde. Comment allez-vous préparer cet événement jusqu’à votre premier match, Nouvelle-Zélande - Afrique du Sud le 21 septembre ?

J. G. : Nous avons déjà fait un stage au Japon mi-juillet, pendant quatre jours, pour aborder les sujets techniques mais aussi la vie là-bas : la culture, les traditions, l’aspect logistique et l’organisation pendant la compétition. Nous allons partir au Japon le 10 septembre pour un stage de cohésion de trois jours avec tous les arbitres, juges de touche et arbitres vidéo. Avant cela, j’ai encore trois matchs de préparation à arbitrer en tant que juge de touche (Angleterre - Irlande samedi, pays de Galles - Irlande et Angleterre - Italie, N.D.L.R.). Nous avons hâte d’y être !

L’arbitrage français sera très bien représenté au Japon avec quatre arbitres centraux et un assistant. Il manque juste un arbitre-vidéo français…

J. G. : C’est vrai qu’aujourd’hui nous n’avons pas de TMO (Television Match Official) français. Ceci est dû à une raison fondamentale : nous n’avons personne qui maîtrise suffisamment bien l’anglais. Chose indispensable aujourd’hui, puisque l’arbitre vidéo, au niveau international, ne travaille qu’avec des réalisateurs étrangers.

Vous faites partie des favoris pour arbitrer la finale de la Coupe du monde, si la France n’y figure pas. Préférez-vous que la France aille au bout ou que vous soyez au sifflet de la finale pour votre dernier match comme arbitre professionnel ?

J. G. : Quand on est français, qu’on supporte son pays, qu’on porte le coq sur le cœur (il montre son maillot), on supporte l’équipe de France. On se souviendra longtemps d’une équipe de France championne du monde. Mais si moi je fais la finale, mis à part dix personnes, personne ne s’en souviendra.

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