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Défier le risque zéro

Par Cédric CATHALA
  • Tony Moggio au côté de Laurent Vazzoler, son préparateur lors de son défi pour la traversée du golfe de Saint-Tropez. Ci-contre, en pleine écriture de son deuxième ouvrage avec Bruno Fabioux. Photos DR Tony Moggio au côté de Laurent Vazzoler, son préparateur lors de son défi pour la traversée du golfe de Saint-Tropez. Ci-contre, en pleine écriture de son deuxième ouvrage avec Bruno Fabioux. Photos DR
    Tony Moggio au côté de Laurent Vazzoler, son préparateur lors de son défi pour la traversée du golfe de Saint-Tropez. Ci-contre, en pleine écriture de son deuxième ouvrage avec Bruno Fabioux. Photos DR
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Tony Moggio, ancien talonneur devenu tétraplégique après un accident de mêlée il y a dix ans,sort son deuxième ouvrage où il mène l’enquête sur les accidents du rugby et les actions entreprises depuis pour en réduire les risques. En parallèle, il poursuit inlassablement des défis sportifs hors norme.

Il est un symbole, malgré lui, pour tous ceux qui luttent au quotidien pour vivre avec leur handicap. Malgré lui parce que ce rôle n’était pas voulu, ni préparé, encore moins prémédité. Qu’est-ce qui a donc poussé Tony Moggio, cet ancien talonneur de Castelginest, club de Deuxième Série de la banlieue toulousaine, devenu tétraplégique à la suite d’une mêlée écroulée le 7 février 2010 sur le terrain de Labarthe-sur-Lèze, à écrire, en collaboration avec Bruno Fabioux, ancien journaliste à Midi Olympique, un deuxième ouvrage dans lequel il donne sa vérité sur les accidents du rugby ? Tony Moggio : "Les nombreuses demandes, les appels et messages des joueurs, des journalistes et des parents, inquiets parce que leur enfant qui pratiquait le rugby, s’était fait mal le week-end. Il fallait que je leur réponde et que je leur apporte ma vérité sur ces accidents."

Il le dit, l’écrit, il n’est pas un expert en matière médicale mais il parle avec le cœur d’un grand blessé du rugby, s’exprime à travers les témoignages de joueurs comme Alexandre Barozzi (devenu tétraplégique le 29 septembre 2013 après une mêlée effondrée lors du match de Fédérale 1 entre Lannemezan, son club et Bagnères-de-Bigorre), Brice Mach, Dimitri Szarzewski, Maxime Petitjean (coéquipier de Louis Fajfrowski, ailier d’Aurillac décédé accidentellement des suites d’un plaquage lors d’une rencontre amicale entre son club d’Aurillac et Rodez), ou encore Philippe Chauvin, (le père de Nicolas Chauvin, ce jeune joueur Espoir du Stade français dont la vie s’est arrêtée après un double plaquage face à l’Union Bordeaux-Bègles).

Pas de pathos dans ses différents témoignages recueillis, juste des moments forts, des mots sans détour, parfois glaçants, de ces tragédies évoquées avec ce qu’elles impliquent de douleur, de tristesse mais aussi de conscience pour que chacun dans le monde du rugby, à sa mesure, puisse agir pour que cela ne se reproduise plus. Le message de Tony est là, dans ce que le rugby a su mettre en place à tous les niveaux pour réduire les risques, préparer les corps et les esprits et rassurer un peu les parents. La triste année 2018 avec les disparitions en moins de huit mois d’Adrien Descrulhes, Louis Fajfrowski, Nicolas Chauvin et Nathan Soyeux a fait prendre conscience à tous les acteurs de ce sport qu’il était temps que cela s’arrête. à la liste des grands blessés, comme Tony, sont venues s’ajouter les victimes des commotions cérébrales. Pathologie moderne d’un rugby de collisions. Les instances ont pris alors des mesures drastiques contre tous les gestes susceptibles de causer des blessures graves, sanctionnées ipso facto. Ils ont mis en place l’utilisation du carton bleu (permettant le protocole commotion), développé des machines comme la "baby scrum " qui permet de tester et de déceler les fragilités au niveau du rachis cervical chez tous les joueurs et lancé le programme "Bienjoué " qui vise à remettre au cœur de l’apprentissage, la dimension culturelle du rugby mais aussi les notions de technique individuelle qui permettront aux jeunes de réaliser les gestes justes en toute sécurité, notamment sur toutes les phases de lutte, de plaquage, bref, de combat. Toutes ces actions ont un objectif : réduire les risques et, pour l’heure, les faits sont là, depuis Alexandre Barozzi en 2013, il n’y a pas eu de cas de grand blessé en France. Quant aux commotions cérébrales, on veut croire que toutes les modifications des règles qui visent à protéger la santé des joueurs portent leurs fruits. N’en déplaise aux nostalgiques de la cravate ou du déblayage à l’épaule, le rugby retrouve le goût du cadrage-débordement et du jeu dans les espaces et c’est tant mieux.

La traversée du golfe de Saint-Tropez

Cela fait dix ans que Tony a eu son accident, cinq ans que nous avons croisé son regard et pris son profond optimisme en pleine figure comme une grande claque qui vous remet les idées en place et remise vos petits tracas du quotidien au fond du tiroir. Tony n’a pas changé depuis et garde un amour intact pour le rugby, malgré la tétraplégie, "Dans le plongeon, il y a des tétraplégies, dans la boxe, il y a des KO tous les week-ends, moi j’ai eu un accident de mêlée. Alors j’ai voulu parler des choses qui ont évolué et qui vont dans le bon sens." Il a créé sa société avec laquelle il anime des conférences-débats sur le dépassement de soi et d’autres thèmes qui lui sont chers. Il préside l’association "Tous pour tous — Ensemble contre les préjugés ", écrit et anime ses réseaux sociaux, enchaîne les plateaux de télévision et témoigne sans relâche d’une vie qui continue.

Il s’est lancé de nouveaux défis depuis son accident comme cette traversée en trois heures et cinq minutes du golfe de Saint-Tropez, le 13 juin 2019, à la seule force de ses bras et après seize mois de préparation. Un exploit ? "Non, seulement un défi, dit-il, pour lequel je me suis préparé en piscine puis en milieu naturel à raison de deux séances hebdomadaires de 1 heure à 2 heures. J’avais en plus des entraînements de vélo à bars, de la musculation, de la boxe, environ 3 heures à 4 heures par semaine." Ajoutez des séances de kinésithérapie, un suivi par un diététicien du CREPS de Toulouse et un parrain de renom en la personne de Florent Manaudou et voilà comment s’est construit celui que les lecteurs de La Dépêche du Midi ont élu, début janvier, Toulousain de l’année 2019.

Alors, oui, malgré lui, Tony est un exemple pour ceux qui vivent, comme lui, le handicap mais aussi pour tous les autres qui cherchent la force de lutter. Son récit, aussi dur soit-il, est un message d’espoir dont il faut se nourrir pour ne plus avoir peur.

Son prochain défi… Il est déjà en route, Marie et Tony attendent un heureux événement pour le mois de juillet. L’arrivée d’un petit gars pour laquelle ils n’auront eu que quelques mois de préparation.

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