Henri Ithurritz : un sourire s'est figé

Par Jérôme PREVOT (avec E.L.)
  • Henri Ithurritz.
    Henri Ithurritz.
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Henri Ithurritz, ancien joueur, entraîneur, dirigeant du Biarritz Olympique, vient de nous quitter à 86 ans. Une vie consacrée au rugby. Il est parti, seulement entouré des siens. Hommage alors à travers ce portrait. 

C'était un deuxième ligne emblématique de l'histoire du Biarritz Olympique, mais pas que... C'était un sauteur hors-pair, un gars capable de damer le pion à bien des internationaux. Il était très adroit et fidèle à un seul club ou presque car il avait joué une saison à la section paloise, quand il suivait les cours de l'école normale de Lescar (Pyrénées Atlantiques). Il était instituteur de profession mais son diplôme en poche, il était revenu tout de suite dans sa ville d'origine. Il devint ensuite professeur d'EPS puis Conseiller pédagogique de circonscription. Il fréquenta longtemps les rangs de France B, mais en octobre 1957, il fut sélectionné une fois avec le XV de France à... Liberec en Tchécoslovaquie, pour un match qui ne comptait pas officiellement pour une cape (on se demande pourquoi).

Henri Ithurritz fut aussi l'un des rares internationaux à devenir arbitre de haut niveau. Il officia en première division jusqu'à arbitrer un quart de finale dans les années 70. "Il était très cultivé, et très fin dans ses réflexions. Il s'exprimait toujours avec un humour délicieux" se souvient l'ancien arbitre Nicolas Lasaga qui l'a bien connu. Edmond Lataillade, collaborateur fidèle de Midi-Olympique l'a également très bien connu. Il conserve de lui un premier souvenir tonitruant :« Pénalité contre le public ! » 22 mètres face aux poteaux devant les spectateurs vociférant. Du jamais vu. Avec son humour d’une extrême finesse, qu’on pouvait parfois qualifier de britannique, Henri Ithurritz avait fourni cette explication au capitaine local venu lui demander des éclaircissements sur une faute imaginaire. Mais son passé de joueur pouvait lui autoriser une telle entorse au règlement, lui qui avait prolongé le plaisir par une carrière d’arbitre au plus haut niveau. D’ailleurs, ce trait de caractère l’a accompagné toute sa vie. « Il avait ce côté rigolard mais il faisait passer les messages. » C’est Jean-Pierre Béraud, ancien joueur, ancien entraîneur de l’équipe du BO finaliste en 92,  qui parle. Il avait été son élève en primaire, au collège lorsqu’Henri Ithurritz avait été nommé professeur d’EPS. Il l’avait retrouvé ensuite en club comme entraîneur puis dirigeant. Et aussi comme voisin. 

Henri Ithurritz, capitaine du BO. Accroupis devant lui, le jeune Lucien Pariés.
Henri Ithurritz, capitaine du BO. Accroupis devant lui, le jeune Lucien Pariés.

Henri vient de nous quitter à 86 ans. Dans son village d’Ahetze, près de Biarritz. Le rugby a rempli sa vie, le BO aussi. Il avait débuté en cadets et avait terminé sa carrière à 36 ans. Un deuxième ligne d’exception. « En touche, il était magnifique ! » dit d’emblée l’un des ses anciens coéquipiers qui formait l’attelage avec lui, Serge Not, de treize ans son cadet. « J’ai débuté quand il terminait sa carrière, précise-t-il. Je n’aurais pas dû jouer avec lui car il avait raccroché. Mais on lui a demandé de reprendre. On n’avait plus de ballons en touche…Il prenait tous les ballons qu’il voulait, à n’importe qui. Il avait une super détente verticale. A l’époque, il n’y avait pas de lifteurs. Il était très intelligent et très malin. On prenait les pignes à sa place… Il faut de tout dans une équipe. A moi les châtaignes, à lui les ballons ! Mais c’était aussi un patron ou plutôt un papa pour nous. Il avait du bagout et surtout du charisme. » Ses qualités l’ont amené aux portes de l’équipe de France. Régulièrement sélectionné en France B, jamais ne lui a été donnée l’occasion de goûter au plus haut niveau. Serge Not se souvient d’un match de sélection France A-France B. « Il avait dominé la touche ce jour-là mais on lui préféra Bernard Momméjat. » Même s’il avait été farouchement défendu par Michel Celaya, entraîneur de l’équipe de France, son ancien coéquipier à Biarritz. 

Henri Ithurritz ne coupera jamais le cordon avec le rugby. Il deviendra éducateur dans son club. Il amènera avec Michel Celaya et Pierrot Mimiague, deux figures du BO aujourd’hui disparues, les juniors en finale du championnat de France Reichel en 1978. Avec un joueur prometteur qui avait déjà fait ses débuts en première, Serge Blanco. « Il a été mon dirigeant ! » dit de lui avec fierté l’arrière international. 

Michel Bonnemaison, dirigeant historique du BO a traversé toutes les époques avec lui, cernant parfaitement son caractère enjoué. « Il avait un esprit taquin et drôle. Mais s’il savait traiter avec considération les choses importantes, il les ramenait aussi à leur juste valeur. C’était quelqu’un d’équilibré qui aimait beaucoup les jeunes. Il plaisantait avec eux et eux le lui rendaient bien. S’il avait un abord imposant, il était en réalité très gentil, calme et doux. » 

Henri Ithurritz.
Henri Ithurritz.

Il bouclera son parcours à Biarritz avec un poste à haute responsabilité. Au début des années 80, il sera nommé président de la commission de rugby. Patron du rugby biarrot. Comme au sein de la majorité des clubs de l’époque, le rugby, rattaché à l’omnisport, était confié à une commission indépendante. 

Et comme on ne coupe jamais avec le rugby, Henri Ithurritz, en pleine éclosion des radios libres, prêtera son concours avisé à Radio Adour Navarre, la première au Pays Basque. Il avait aussi lancé une émission… humoristique. 

Henri Ithurritz vient de s’en aller. Ses copains, meurtris, n’auront pas pu assister à ses adieux. La fille sa femme, Marie Darrieussecq, l’écrivaine, dans sa rubrique du Point, a salué avec beaucoup d’émotion sa mémoire. Qui de mieux placée qu’elle, pouvait nous livrer ce dernier témoignage poignant :

« Ma mère a la force de dire qu'il était beau et calme dans sa mort. 

Il aurait aimé que je l'habille comme ça, murmure-t-elle. Elle a apporté une belle chemise blanche, bien repassée, aux armoiries de rugby. 

La mer est d'un gris de métal. Ma mère est dans un silence total. Tout est désert. Il savait pour le virus, me dit soudain ma mère, il se faisait des soucis pour ses parents. Ses parents étaient morts depuis longtemps, mais dans sa temporalité à lui, dans son pauvre cerveau abîmé, son mari était comme figé dans les années 1970. Il se sentait jeune, il revenait du rugby, il avait mal aux genoux du match de la veille. Il avait été un très grand rugbyman, médaille d'or FFR. Cet excellent Aïtatxi (grand-père en basque, adopté ainsi par mes enfants) nous a tous reconnus jusqu'au bout ; mais il compilait les époques, et il est peut-être mort jeune dans sa tête, dans un monde beaucoup plus égaré que lui. »

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