Goze et les mots

  • Paul Goze président de la LNR
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L'édito de Léo Faure... Emmanuel Macron ne le sait sûrement pas – et encore heureux ! – mais il a rendu lundi un fier service au rugby. Bien occupé à annoncer des mesures sans aucune chance de contenter la majorité, le Président de la République a donc posé cette date du 11 mai au centre de la place du village « France ». Et cette notion plus vague, « mi-juillet », comme jalon à la reconquête des événements d’ampleur sur leur public. Le rugby, comme les autres, s’est engouffré dans l’annonce. Tout ceci n’avait pourtant rien de définitif.

Les mots, quand on leur prête l’amour qu’ils méritent, ne trompent jamais. Dans la sémantique présidentielle, ces mots affirmaient le conditionnel du calendrier proposé : après avoir parlé du 11 mai, le Président de la République précisait qu’il « n’y aura un 11 mai que si… ». Sous-entendu, rien d’irrévocable. Mais qui écoute vraiment les « si », ces annotations à un contrat dont on ne lit jamais que le montant ?

Pour la réouverture des plus grands événements, Macron n’a pas seulement prononcé la suspension « jusqu’à la mi-juillet ». Il a dit « au moins jusqu’à la mi-juillet ». Nuance. Qui s’en souvient encore ?

C’est pourtant de là que tout est parti. Là-dessus, le rugby français a construit deux scénarios. Le premier pour les heures qui suivent « la mi-juillet » et une finale positionnée au 18 juillet. Au cas où. Le second scénario plus raisonnable, plus crédible, plus fédérateur, ciblait la deuxième quinzaine du mois d’août.

Pour autant, rien ne dit que la situation sanitaire laissera alors à ces phases finales de plage la chance de faire le plein de spectateurs, ni même de joueurs. Mais le rugby tente sa chance. Dans l’état d’inquiétudes financières qui le rongent, on lui concède cet affront à la morale sportive d’un championnat inachevé, à la qualification arbitraire et un sacre, in fine, qui ne manquerait pas d’être lesté par le sceau du rabais.

La grande Histoire retiendra que, si les planètes s’alignent, il y a aura un nom de club gravé en face de « 2020 » sur la plaque d’or du Bouclier de Brennus. La petite histoire retiendra que Paul Goze, animal politique de premier choix dans l’arborescence des rugbymen, a une nouvelle fois bien mené sa barque. Et son monde.

Tour à tour, on nous a conté un président de la LNR usé, fatigué, épuisé par cet ultime épisode d’une présidence longue de 8 années. On nous l’a aussi promis en perte de pouvoir et de contrôle sur ses hommes. Au plus fort de la tempête, le Catalan s’est surtout réfugié au contrefort de ces fondamentaux qu’il apprécie tant. La discrétion comme un point de sécurité.

Quand les voix s’affrontaient, Goze s’est tu. Quand d’autres voix l’attaquaient lui, directement, Goze s’est encore tu. Quand les présidents du rugby Français se sont étripés pour défendre souvent leur bien individuel, plus rarement leur bien commun, Goze n’a pas fait autre chose : il s’est tu.

Il l’a fait quitte à semer le trouble dans ses propres rangs, qu’il a longtemps maintenus dans le trouble. Ce qui lui sera reproché mais stratégie politique habile, la cacophonie entretenue lui épargnant un front uni contre lui. Et quand l’heure fut venue, décrétée par les annonces du président Macron, Goze a enfin dégainé son projet qui a mis tout le monde d’accord.

Que des heureux ? Certainement pas. La situation ne l’autorisait pas. Mais le scénario écrit par sa Ligue a bel et bien été approuvé par les présidents de club. Chose fédératrice qui semblait inconcevable il y a encore quelques jours. Laissant les autres se répandre, Goze a joué de mystère pour frapper au bon moment. Il a surtout frappé juste, pour remettre en marche avant une machine qui implosait. Voilà l’épitaphe soignée sur deux mandats qui s’achèvent à son image de président, pas celle du joueur : si Goze n’a mené aucune bataille de front, il les a toutes gagnées.

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