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Sonny Bill Williams : « Je ne suis pas fini »

  • Sonny Bill Williams - joueur de Toronto Wolfpack
    Sonny Bill Williams - joueur de Toronto Wolfpack Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Confinement ou pas, le chemin qui mène à Sonny Bill Williams reste toujours le même et passe par son agent, mentor et grand frère, le promoteur australo-libanais Khoder Nasser. Ici, tout a donc commencé un matin de printemps, au téléphone : « Une interview avec Sonny ? Hmm… À quel sujet ? » Le confinement, le retour à XIII, la boxe et les souvenirs de Toulon, s’il lui en reste encore, a-t-on répondu. « Hmmm… Laissez-moi l’appeler. S’il a un moment, il vous contactera ! » Un jour, puis deux, puis dix ont passé depuis ce coup de fil à Khoder Nasser, l’un des barons de la boxe dans l’hémisphère Sud. Et puis, un soir de mai : « Hey bro, c’est Sonny ! Ça va ? »

Confiné à Manchester… en plein ramadan

Sonny Bill Williams, le meilleur athlète transdisciplinaire de tous les temps, a beau être la star des Toronto Wolfpack, la franchise canadienne en lice en Super League, il est actuellement bloqué au Nord de l’Angleterre : « En ce moment, l’équipe est en stage de préparation à Manchester. Chacun de nous se prépare donc de son côté, quoi… Moi, j’ai la chance d’avoir en banlieue un grand jardin, le truc indispensable quand on a quatre enfants. La nuit, on se relaie avec mon épouse Alana, selon les besoins des uns, les cauchemars des autres… Vous voyez, ce genre de truc, quoi… » Pas facile, hein ? « En effet ! Je suis aussi en plein ramadan, ce qui n’arrange rien. Je me lève généralement à 3 heures du matin, je mange quelques fruits. Puis je lis des versets du Coran jusqu’au lever du soleil. Quand me femme se réveille, je me repose quelques heures puis on va se balader tous ensemble, dans le quartier. À 19 h 30, après l’entraînement, Alana prépare un chouette repas et la journée se termine ainsi. » Actuellement blessé à un genou, Sonny Bill Williams (34 ans) ne sait pas quand il pourra enfin rejoindre le Canada, où il posera ses valises pour les deux prochaines années. Il poursuit : « On verra, mon frère… Je suis comme toi, dans le flou : je n’ai aucune lisibilité sur l’avenir du monde. » Dans ce cas-là…

C’est Million Dollar Baby !

C’est au crépuscule du Mondial japonais, soit à l’automne 2019, que Sonny Bill Williams s’est engagé en faveur des Toronto Wolfpack. Ce faisant, SBW est devenu le rugbyman le mieux payé de l’histoire. Son salaire ? 9 millions d’euros pour les deux prochaines saisons, un montant auquel les quinzistes les plus riches, Handré Pollard (1,4 millions d’euros, à Montpellier), Charles Piuteau (1,2 millions à Bristol) ou Dan Carter (1,3 millions d’euros au Racing 92), n’ont même jamais pu rêver. « C’était juste une bonne opportunité, glisse aujourd’hui Sonny Bill. Sortant de la Coupe du monde, je trouvais l’idée de passer quelques temps au Canada avec ma famille excitante. J’avais besoin d’un dernier défi. » Au sujet de la montagne d’or sur laquelle il est désormais assis, SBW refusera d’en dire davantage, plaçant néanmoins dans la conversation : « C’est une période difficile pour tous les sports de la planète. Affirmer qu’on pourra traverser la pandémie sans accepter de baisse de salaire est une utopie, une folie. Mais si, de leur côté, les joueurs font un effort, il ne faut pas que de l’autre il y ait de l’abus de la part des propriétaires. » Est-ce que David Argyle, le patron des Wolfpack, exigera des baisses drastiques ? Il semblerait que non. Ce quadragénaire, qui a empoché des milliards de dollars en exploitant des mines de nickel en Australie et des gisements de potasse au Brésil, a beau sentir le souffre (il a du quitter son poste de directeur exécutif des Wolfpack après avoir été mêlé à un scandale raciste : après un march contre Swinton, il avait demandé à un joueur de couleur, Jose Kenga, si « les Noirs étaient acceptés dans le club »), il semble bel et bien décidé à faire de la franchise canadienne la meilleure équipe de rugby à XIII au monde, quitte à déshabiller la NRL australienne de ses plus grandes stars. « Si Dieu le veut, confesse à ce sujet Sonny Bill Williams, les portes vont bientôt s’ouvrir pour le rugby à XIII en Amérique du Nord. Quand ce sera le cas, le Canada deviendra une autre terre d’accueil pour les Polynésiens et les Anglais les plus talentueux. C’est excitant… »

Le chant du cygne ?

Pour la première fois depuis ses grands débuts avec les All Blacks en 2010, Sonny Bill Williams (58 sélections, 13 essais) fut très contesté en Nouvelle-Zélande avant que les Tout Noir ne rejoignent le Japon pour tenter d’accrocher un troisième sacre consécutif. Le trois-quarts centre des Huricanes Ngani Laumape, une boule de muscles et d’énergie, avait-il soudainement ringardisé le grand Sonny, suivi par un million de personnes sur le réseau social Instagram ? « Je vais être honnête, sourit aujourd’hui l’ancien Toulonnais. J’ai eu peur de ne pouvoir disputer cette Coupe du monde et pour la première fois, j’ai donc regardé Steve (Hansen, N.D.L.R.) annoncer à la télé les noms des sélectionnés. C’était un beau moment, d’ailleurs. Avec ma femme et mon frère, on était en larmes. » Et que retient-il de ses cinq derniers matchs au Japon, au juste ? « J’étais très satisfait de mes performances. Mais d’un point de vue global, ce fut une grande déception. Pour la fin de règne de Steve Hansen et Kieran Read, nous aurions probablement mérité mieux que cette troisième place. Mais c’est ainsi… » Au Japon, et comme partout où SBW a un jour posé le pied, les sorties du colosse des Wolfpack (1,93 m et 109 kg) furent évidemment disséquées, analysées et commentées. Récemment, la légende du XIII australien Gordon Taillis avoua d’ailleurs que même s’il le souhaitait, Sonny Bill Williams n’aurait plus le niveau pour évoluer en NRL. « Que veux-tu que je te dise, frère ? Chacun a son opinion et je respecte la sienne. Ca ne veut pas dire que je suis d’accord… » Dès lors ? « Les champions ne veulent jamais avouer qu’ils ne sont plus ce qu’ils ont été. Moi, je comprends que je n’ai plus 20 ans. Mais je ne suis pas fini. »

« Mes premières années à Toulon m’ont servi à payer ma dette »

Sonny Bill Williams n’a passé que deux saisons dans le Var (de 2008 à 2010) mais le RCT a gardé une place à part dans la carrière du Néo-Zélandais : « Je traversais une époque très difficile de ma vie, à l’époque où le RCT m’a recruté. En dehors du terrain, je faisais des conneries : je buvais trop, je passais mon temps à courir après les filles… Pour rebondir, je savais que je devais quitter l’Australie. » Alors ? « Les gens ne le savent pas mais je me suis endetté pour venir à Toulon. Je devais aux Bulldogs de Sydney un million de dollars pour avoir brisé mon contrat. Les deux premières années au RCT m’ont donc servi à payer ma dette. Je ne me suis pas enrichi. » Vraiment ? « Oui ! C’est aussi pour ça que j’ai commencé la boxe. J’avais besoin d’argent ! Ce n’était pas une période facile… Les gens me critiquaient beaucoup en Australie. Ils m’appelaient « Money Bill Williams ». Je détestais ça. » Sonny Bill, dont le grand-père maternel Bill Woosley fut un « lourd-léger » invaincu en Nouvelle-Zélande, a donc combattu à six reprises sur des rings. Parfois contre de vrais guerriers, parfois contre des combattants gras comme des moines et moins agressifs que des koalas. Malgré tout, SBW fut champion de Nouvelle-Zélande en 2013 et reste, à ce jour, toujours invaincu sur un ring de boxe. Il se marre : « Chez moi, il n’y a pourtant rien sur les murs : ni médailles, ni maillots, ni trophées : le prophète dit que lorsque tu contemples trop tes murs, les anges ne s’y arrêtent plus.»

Zirakashvili avait « lâché le ballon »

Débarquant du XIII australien, Williams a connu, avant de devenir l’attraction du rugby français, quelques mois difficiles à son arrivée en Top 14. Il explique : « La première année a été douloureuse, c’est vrai. Je n’avais pas les codes. J’avais du mal à comprendre le jeu. Tana Umaga et Jonny Wilkinson m’ont beaucoup aidé, au départ. Jonny me faisait répéter, répéter et encore répéter pour devenir meilleur. Il me disait : « Le travail paie, Sonny ! Arrête de te plaindre et continue ! » Je l’ai écouté. » Aux côtés du grand Wilko, Sonny Bill Williams a d’ailleurs disputé l’un des plus grands matchs de l’histoire de Top 14, la demi-finale disputée en 2010 entre Toulon et l’ASMCA, à Saint-Étienne (29-35) : « Comment l’oublier ? En deuxième mi-temps, j’avais plaqué le pilier géorgien (Davit Zirakashvili) devant notre en-but ; il avait lâché le ballon avant d’aplatir et l’arbitre n’a même pas demandé la vidéo. Tout ça m’a laissé un goût amer… Cette demi-finale, on aurait dû la gagner. »

Quand il pense à la France, ce n’est pourtant pas Geoffroy-Guichard qui lui revient en mémoire : « À Toulon, je me suis lié d’amitié avec une famille tunisienne. En France, je vivais dans une grande et belle maison. Mais je me sentais seul, mal dans ma peau. Eux n’avaient rien et étaient heureux. Ils vivaient à six dans un deux pièces. Pourtant, ils me donnaient tout sans ne jamais rien demander en retour. Ils n’avaient rien et étaient heureux. Si heureux. J’ai essayé de comprendre… J’ai découvert l’islam. »

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