Question d’éducation

  • Christophe Urios.
    Christophe Urios. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito de Léo Faure... On aime Christophe Urios, pour son franc-parler. Quand il pense "merde", il dit "merde", sans circonvolution ni détours de simagrées. Quand il refuse de s’inscrire dans le travail collégial que mènent les entraîneurs français depuis deux mois, il justifie sans mal ne pas aimer tout le monde. En détester même quelques-uns. Et que, s’il échangera bien volontiers, ce sera uniquement avec ceux qu’il apprécie – de ce qu’on en sait, en Top 14, Pierre Mignoni, Franck Azéma ou Xavier Garbajosa au premier rang.

A-t-il tort, de préférer l’isolement à ce qu’il juge hypocrite ? Chacun jugera. Lui restera droit dans ses bottes. Chez Urios, le fond du langage piétine souvent la forme, et c’est tant mieux. Pas qu’il s’exprime mal. C’est tout le contraire : il ajoute à sa qualité d’orateur l’aura de ceux qui ont pris le temps de s’interroger, de se challenger, de détruire leurs vérités pour les reconstruire. Son style direct, assumé, fait oublier un temps les belles langues de politiques qui disent tant par-derrière, souvent en mal, et si peu par-devant. Ils sont nombreux, dans le joyeux monde hypocrite du rugby.

On aime donc Christophe Urios pour ce qu’il a de franchise en lui, et parfois à son propre encontre, exposant au monde des errements qu’on ne lui soupçonnait pas. Il s’adjuge alors le mauvais rôle et le porte, sans fierté mais avec humilité. Cela lui rend grâce.

Un jour d’hiver 2019, à la CCI de Castres qui accueillait le dernier débat du festival Rugb’Images, Urios était ainsi intervenant et avait surpris, de cette conscience, là où on ne l’attendait pas. Invité à se pencher sur la Nouvelle-Zélande du rugby, qu’il avait visitée quelques mois plus tôt, celui qui entraînait encore le CO parlait de culture et de leadership. De cette capacité à alimenter ses propres révolutions, en interne, et parfois dans un seul vestiaire. De ce vestiaire, justement, de ses hommes et de ses leaders, finalement plus prégnants que tous les principes de jeu dans une quête de victoire.

Les leaders sont-ils plus forts en Nouvelle-Zélande qu’en France ? Urios, alors à poil : "c’est une question de culture mais aussi de peur. La nôtre, celle des entraîneurs. En laissant du pouvoir au vestiaire, on a l’impression d’en perdre. J’ai longtemps cru cela. Je me suis longtemps trompé. J’ai longtemps cherché à tout maîtriser, à tout étouffer par crainte que le vestiaire ne devienne plus fort que moi, l’entraîneur. Oui, mon vestiaire m’a parfois fait peur, heurtant l’idée que je me faisais d’un manager. Et puis, un jour, j’ai compris qu’il n’y a pas d’entraîneur fort sans vestiaire plus fort encore."

La sagesse est là, dans l’humilité que porte le message. Dans l’importance donnée au besoin de l’autre et à l’éducation que cela demande. Il parle à des hommes, ses hommes, avant de parler aux joueurs.

Plus loin dans ces pages, Urios parle de rugby, de recrutement et de préparation. Il parle surtout d’étude et d’éducation des joueurs à la vie, bien avant de parler de sport. Il assiste aux conseils de classe des jeunes de son club ? C’est ici qu’il se fait rare, éducateur dans un monde d’entraîneurs. Cette leçon, pourtant : les plus grands joueurs ont tous été, bien avant, de grands hommes.

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