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Ce président qui a tant joué

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Jean-François Fonteneau - Président du Su Agen. Homme d’affaire accompli, l’homme fort d’Agen a connu une longue et riche carrière rugbystique, même si cet ancien athlète passionné de chevaux a découvert le rugby sur le tard. Rencontre avec un homme qui possède mille passions, et qui s’est récemment refusé à baisser les salaires de son club.

Jean-François Fonteneau n’est pas tout à fait un président comme les autres. Récemment, il s’est démarqué de ses homologues en étant le seul dirigeant du Top 14 à avoir évité de baisser les salaires au sein de son club. Non pas que Jean-François Fonteneau soit d’une générosité aveugle. Tout chef d’entreprise(s) prospère(s) qu’il est, il n’a pas financé cet effort sur ses deniers personnels comme d’autres présidents multimillionnaires auraient pu le faire mais il s’est appuyé sur le soutien fidèle des innombrables partenaires du club lot-et-garonnais. Le geste n’est pas anodin car il aurait très bien pu suivre la mouvance de ses homologues du Top 14 et faire quelques substantielles économies. Il s’y est pourtant refusé.

"Mon grand-père était éleveur de chevaux, j’ai monté à cheval toute mon enfance. Je voulais devenir jockey, mais... j’étais déjà trop lourd"

Jean-François FONTENEAU, président du SU Agen

Quand nous l’avions interrogé à ce sujet il y a deux mois, voilà ce qu’il nous avait confié : « Nos joueurs salariés ne sont pas les mieux lotis du Top 14 et je me bats pour que les mesures demandées par la DNACG, qui préconisent une baisse à hauteur de 31 % soient adaptées. Car si on les applique aveuglément, on va transformer nos joueurs en smicards du Top 14 ! Même si cela reste des salaires confortables et nettement supérieurs à ceux du département, mon objectif est qu’il n’y ait aucune baisse de salaire sur 2020-2021. » L’homme fort du SUA a finalement réussi son défi : « Tout le monde se serait plié à une baisse de 10 %, mais cette cause est vraiment devenue pour moi un cheval de bataille. Avec l’aide des partenaires du club, nous y sommes arrivés et aujourd’hui je suis heureux de dire qu’il n’y aura pas de baisse des salaires au SU Agen. C’est une belle récompense et cela envoie un bon signal », se félicitait l’intéressé en fin de semaine dernière.

Jockey déçu mais athlète accompli

Sa singularité ne s’arrête pas là. Jean-François Fonteneau est aussi un président de Top 14 qui, à la différence d’autres, a connu une vraie (et longue) carrière de joueur, au cours de laquelle il joua avec les Bénésis, Crenca, Laporte ou Moscato. Bien que natif d’une terre de rugby (Arcachon en Gironde), Fonteneau n’a découvert le rugby que sur le tard, aux alentours de 20 ans pendant ses années universitaires. Et encore, ce n’était même pas chez lui en Gironde mais sur une terre de football, dans les Bouches-du-Rhône : « J’étais étudiant dans un institut agroalimentaire à Miramas, au nord d’Aix-en-Provence, et j’ai rejoint l’équipe à XIII de l’école comme ça, pour suivre les copains. Je n’avais pas de précédent dans les sports collectifs mais cela m’a tout de suite plu. » Petit, Jean-François Fonteneau ne se rêvait pourtant pas en treiziste musculeux, mais en… Jockey gracile. « Mon grand-père était éleveur de chevaux, j’ai monté à cheval toute mon enfance. Je voulais devenir jockey, mais… J’étais déjà trop lourd. Ensuite, je suis devenu ce que l’on appelle « gentleman », c’est-à-dire que je montais les chevaux de course pour les entraîner. J’ai dû arrêter, la mort dans l’âme parce que je pesais 62 kg à 16 ans et c’était déjà trop.» 

Son physique athlétique brise donc son rêve galopant mais lui offre d’autres opportunités. Comme il possède un solide passé d’athlète (Fonteneau courait le 100 mètres en 11s !), sa vitesse fait merveille au rugby. Il rejoint l’équipe à XV de Salon-de-Provence, puis retourne dans le Sud-Ouest à Casteljaloux (Troisième division), avant d’enchaîner sur six saisons avec Marmande en Groupe A ou B. Initialement placé à l’aile, il glisse progressivement au centre : « Je manquais de rugby car j’avais commencé tard mais je compensais avec ma vitesse », raconte l’intéressé. En 1992, il rejoint le Stade bordelais où il côtoie Bernard Laporte et Vincent Moscato en groupe A : « J’y ai passé trois ans, mais je n’ai joué qu’un an et demi : une année je me fais les croisés à gauche, l’année suivante le ligament postérieur à droite. » Il retrouve finalement Marmande pour trois saisons, et pense raccrocher les crampons à 34 ans. Manqué. Malgré ses "genoux flambés", il retourne à Casteljaloux et… Empile encore huit saisons supplémentaires, de la Promotion Honneur à la Fédérale 2 en tant que joueur-président jusqu’à l’âge de 42 ans. Il est même sacré champion de France de Fédérale 3 avec l’USC en 2006.

"L’odeur des vestiaires, je l’ai respirée jusqu’à 42 ans !"

Casteljaloux est l’endroit où Jean-François Fonteneau découvre réellement le rôle de dirigeant. Animé par un irrépressible esprit d’entreprenariat, il se lance dans un ambitieux projet : faire fusionner ses deux anciens clubs de Casteljaloux et de Marmande (distants d’une vingtaine de kilomètres) pour créer « un grand club de Sud-Gironde, capable de viser le Pro D2. C’était un mariage de raison, nous n’avions plus assez de jeunes. La fusion a permis de créer la plus grande école de rugby de France, avec 580 jeunes de moins de 18 ans. » L’expérience commencée en 2007 se solde toutefois par un échec. Trois ans et autant de qualifications en Jean-Prat plus tard, l’URMC disparaît : « Deux villes séparées par un fleuve et des oppositions politiques, cela n’a finalement pas marché », regrette Fonteneau, qui se dit très "marqué humainement" de cet échec.

C’est en novembre 2011 que Fonteneau arrive au SUA. Il intègre « sur la pointe des pieds » le conseil d’administration, en qualité de conseiller du président Alain Tingaud qu’il avait rencontré à plusieurs reprises quand il était à la tête de l’URMC. En 2015, il prend du galon et devient président du directoire où il travaille avec Gilles Bertrandias (président délégué), Mathieu Blin (directeur exécutif), et Philippe Sella (directeur rugby et développement). Là, le club change de braquet. Sous l’impulsion de ce directoire, le club reconstruit son assise économique, coupe avec le fantasme du gros sponsor national et mise sur la multiplicité des petits partenaires : « Il y a 30 000 PME en Lot-et-Garonne, l’objectif était d’en conquérir le plus possible », raconte Mathieu Blin, aujourd’hui manager de Suresnes qui évolue en Nationale. Sous la gouvernance de ces hommes, le SUA passe de 250 à 570 entreprises partenaires, se refait une santé financière et redonne la priorité à la formation.

"Il est bonnard,c’est un homme consensuel qui possède une certaine Bonhomie. Il sait expliquer et réexpliquer sans être agressant ni agressif."

Mathieu BLIN, ancien manager et directeur exécutif du SU Agen

Fonteneau devient président en 2018, avec un an d’avance sur la transition annoncée en trois ans par Alain Tingaud : « J’ai hérité d’un club très bien structuré. Mathieu Blin a beaucoup œuvré dans la structuration en tant que directeur exécutif. » L’ancien talonneur du Stade français évoque au sujet de Fonteneau un personnage « jovial, ambitieux et un vrai passionné de rugby qui est habile pour fédérer et aligner les planètes. » Il est vrai qu’à la différence d’autres présidents, Fonteneau ne paraît pas clivant : « Il est bonnard, c’est un homme consensuel qui possède une certaine bonhomie. Il sait expliquer et réexpliquer sans être agressant ni agressif » poursuit Blin.

Un avis que partage l’intéressé : « J’estime en effet que l’on a besoin de tout le monde, je suis plutôt dans le consensus, pour associer. Après, je ne me fais pas d’illusions, j’ai sûrement des ennemis. On vit dans un milieu remplit d’ego, il y a un côté grisant aussi. Mais je ne suis pas venu au rugby par hasard. L’odeur des vestiaires, je l’ai respirée jusqu’à 42 ans ! » Une longévité qui lui a donné un sacré paquet de connaissances sur le jeu, ainsi qu’un regard avisé sur le recrutement de ses managers : « Il challenge, il questionne, il sert de poil à gratter mais il laisse la main au staff. Je gérais à 100 % la négociation et la signature, mais son fonctionnement était positif dans la mesure où il ne clivait pas le staff sportif et les dirigeants », précise Blin.

Entrepreneur sensible à la cause animale

Car Jean-François Fonteneau sait compter. Entrepreneur à succès, il compte un nombre impressionnant de sociétés (« Vous connaissez le proverbe : cinquante métiers, cinquante misères » nous glisse-t-il avec humour). Sa principale activité reste toutefois en lien avec ses convictions profondes, et sa passion pour les chevaux et la cause animale en général : « C’est une société de recueil d’animaux que j’ai créé en 1997 ou 1998. Cela va des animaux domestiques aux animaux sauvages, on travaille notamment avec l’aéroport de Roissy pour recueillir ceux que l’on veut introduire illégalement sur le territoire, ou des lions et des tigres laissés pour compte quand des cirques sont dissous », explique Fonteneau.

Sa structure représente une quarantaine de pôles animaliers répartis à travers la France et n’emploie pas moins de 350 personnes. Elle travaille en collaboration avec 250 associations d’animaux. Fonteneau a également créé la fondation Clara qui recueille entre 50 000 et 100 000 animaux par an : « J’ai eu de la chance car j’ai toujours fait ce que je voulais dans ma carrière. » En parallèle, le boss du SUA fait également du vin (il avait commencé ses études par une filière viticulture-oenologie), possède le domaine de Château Pierron à Nérac et celui de Château Gros Caillou à Saint-Emilion, et est le propriétaire du golf de Casteljaloux où il a passé le plus clair de ses deux mois de confinement afin de l’entretenir : « Financièrement, c’est plus un gouffre qu’une start-up ! Mais c’est ma façon de soutenir ma ville de Casteljaloux. » Histoire aussi de garder un lien étroit avec une ville où il a vécu l’ivresse d’un titre national…

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