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Reggiardo : « Je suis inquiet mais j’essaie de ne pas le montrer »

  • Pour le manager castrais, il faut retrouver la dynamique de la fin de saison dernière où l’équipeavait eu un regain de confiance et d’efficacité.Photo Icon Sport a
    Pour le manager castrais, il faut retrouver la dynamique de la fin de saison dernière où l’équipeavait eu un regain de confiance et d’efficacité.Photo Icon Sport a
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L’Argentine côté crise sanitaire et côté rugby, la nouvelle saison qui s’annonce avec le Castres Olympique, son club de cœur mais aussi son rôle de manager et ses rapports avec les autres entraîneurs de Top 14, le boss tarnais parle de tout, avec passion.

Votre match amical face à Montauban vendredi dernier a été annulé pour cause de cas de covid-19 détecté chez vos adversaires. Est-ce que la situation actuelle vous inquiète ? Rassurez-nous, à Castres, tout va bien ?

À Castres, pour l’instant, tout va bien. On a fait un match entre nous vendredi. Après oui, je suis inquiet mais j’essaie de ne pas le montrer. Si tu commences à te poser trop de questions sur le fait que l’on va reprendre ou peut-être ne pas reprendre, tu ne transmets pas de la sérénité à tes joueurs, à ton groupe. Moi, mon rôle, c’est de transmettre de la sérénité et de faire en sorte que mon équipe et mon staff soient bien préparés pour la reprise le 5 septembre. Après, il y a des choses que je ne maîtrise pas et j’essaie de ne pas dépenser d’énergie dans des choses que je ne peux pas régler.

Comment sentez-vous vos joueurs ? Est-ce qu’ils vous paraissent préoccupés par cette situation ?

S’ils le sont, ils ne me le disent pas. C’est sûr, les joueurs en discutent entre eux mais, d’un autre côté, on essaye au maximum de ne pas parler de ça, on essaye de parler de projet, d’améliorer notre rugby.

Comment avez-vous vécu personnellement cette période si particulière ?

J’ai passé une dizaine de jours de flottement durant lesquels on ne savait pas si on allait reprendre ou pas. Après, dans notre métier on contrôle, on décide et on a le stress de la compétition. Là on ne contrôlait pas, on ne décidait pas et on n’avait plus le stress de la compétition. Nous avons fait beaucoup de réunions avec le staff pour trouver le meilleur fonctionnement possible pour la reprise. Chaque semaine on imaginait les différents scénarios. Côté famille, j’ai essayé de ne pas trop me prendre la tête. J’étais chez moi dans des conditions assez agréables en famille avec ma femme et mes enfants. Ça s’est plutôt bien passé.

Vous parlez de famille justement. Vous avez encore vos parents en Argentine où l’épidémie de coronavirus est encore très virulente (à ce jour, plus de 300 000 cas recensés, un bilan de 6 048 décès et un pic de 6 840 contaminations quotidiennes enregistré le 19 août). Comment est-ce que cela se passe pour eux ?

De mon côté et celui de ma femme tout va bien. La situation n’est pas simple parce que le pays est encore confiné aujourd’hui, depuis le 23 mars et encore jusqu’au 31 août (le confinement a été légèrement assoupli par le gouvernement argentin fin juillet, N.D.L.R.). C’est le pays qui connaît le plus long confinement au monde. Plus de cinq mois. Et cela fait trois mois qu’on leur dit qu’ils sont au pic de l’épidémie.

Côté rugby, la situation dans laquelle se retrouvent la sélection argentine - laquelle a été renforcée par le retour de Marcelo Loffreda aux côtés de Mario Ledesma - et la franchise des Jaguares en Super rugby n’est pas des plus confortables non plus...

Les Pumas vont normalement jouer le tournoi panaméricain. Pour l’instant la situation sanitaire ne permet pas autre chose. Mais je crois que le plus important est qu’il faut retrouver une compétition aux Jaguares rapidement, que ce soit en Ligue celte ou en Curry Cup, peu importe mais c’est indispensable si le rugby argentin veut rester compétitif. Les Jaguares qui sont le principal vivier des Pumas avaient réussi à trouver une compétition stable avec le Super Rugby, ce qui manquait à l’Argentine depuis toujours et ils se sentaient de plus en plus à l’aise dans celle-ci. Maintenant, je crois que l’Argentine va devoir enfiler le costume de l’humilité et s’il faut que les joueurs partent vivre quatre mois en Afrique du Sud comme on le faisait à l’époque avec les Pampas (une sélection des meilleurs joueurs argentins qui a participé à la Vodacom Cup sud-africaine de 2010 à 2013) et bien, il faudra le faire.

Venons en maintenant à Castres. C’est un club auquel vous êtes attaché, parlez-nous de ce nouveau départ après une saison dernière tronquée et en demi-teinte...

Je me sens bien ici. Castres c’est mon club, mon identité. J’ai joué neuf saisons ici, je suis venu donner des coups de main par le passé et maintenant j’ai des responsabilités pour un mandat de trois ans. Je me sens chez moi.

Pourquoi vous identifiez-vous autant à ce club ?

Parce que, pour moi, faire partie de ce club c’est avoir des valeurs qui dépassent le rugby. C’est avoir des valeurs de vie. Être Olympien, c’est avoir un comportement irréprochable et pas uniquement dans le club ou dans le stade, c’est la façon dont tu te conduis, c’est respecter les gens, respecter, par exemple, le fait de devoir porter un masque. C’est être exemplaire tout le temps. Ça, ce n’est pas négociable. J’ai mis deux ou trois mois à retrouver ces repères quand je suis revenu à Castres.

Avec votre staff dans lequel on retrouve, entre autres, Stéphane Prosper, Pierre-Henry Broncan ou Joe Worsley, quelles ambitions vous êtes vous fixé au Castres olympique cette saison ?

On est dans l’obligation de ramener le Castres olympique là où il doit être. Sur les onze dernières saisons, le club s’est qualifié huit fois pour les phases finales. Sur les dix dernières années, il a été deux fois champion de France (2013 et 2018). Sans être ni prétentieux ni arrogant mais en ne jouant pas non plus les faux humbles, je crois que l’on a une équipe de qualité et très complète avec des joueurs avec de très gros potentiels, des joueurs de très haut niveau et des joueurs de club. Ceux-là aussi tu en as besoin dans un club, des joueurs encore prêts à tout donner. Pour ce qui est des objectifs, on n’a pas encore fait la réunion avec le staff, avec Matthias Rolland, avec Pierre-Yves Revol, pour définir là où l’on veut amener le club. Nous sommes des compétiteurs, chaque membre du staff est à mes yeux très compétent et va apporter une plus-value à l’équipe et à ses objectifs mais la saison dernière nous pousse à rester mesurés même si nous avons terminé sur une bonne dynamique. Je dirais que c’est cette dynamique que l’on veut retrouver.

Si on devait définir le style de Mauricio Reggiardo manager ?

Je veux trouver l’équilibre entre respect et complicité avec les joueurs. Je crois qu’un bon manager est celui qui sait se tenir sur cette ligne. Trop de l’un ou trop de l’autre ce n’est pas bon. J’essaye d’être un manager juste. J’attends avant tout de mes joueurs qu’ils viennent pour donner, à l’entraînement, en match.

Est-ce que l’on doit s’attendre à des surprises dans le jeu castrais cette saison ?

Au-delà de l’identité globale de l’équipe, on possède avec Benjamin Urdapilleta et Rory Kockott deux vrais stratèges. Donc, avec eux sur le terrain, tout est possible. Après, je crois que nous devons être capables de répéter les principes de notre identité. Castres a toujours été une équipe dure. Cela demande beaucoup de travail. Une équipe qui met de la pression et qui résiste à la pression, ça, c’est une équipe dure. Cette saison, on a recruté des joueurs, qu’ils soient Français, Uruguayens, Fidjiens, Tongiens ou Sud-Africains en faisant attention que chaque homme soit capable d’apporter bien entendu son propre vécu mais aussi et surtout de correspondre à notre identité.

Mauricio Reggiardo, l’entraîneur, a-t-il un joueur qui l’impressionne actuellement ?

C’est difficile de ne vous en citer qu’un mais je dirai mon capitaine d’abord, Mathieu Babillot, parce que c’est un Olympien, c’est un joueur qu’on a formé mais aussi Baptiste Delaporte, vice-capitaine, capable de faire en parallèle des études de droit ou Florian Vialelle pur produit de la formation tarnaise. Des joueurs très fidèles à notre identité.

Cette identité ressemble au joueur que vous étiez, extrêmement généreux sur le terrain. À cette époque, que ce soit en sélection ou en club, est-ce qu’il y a un joueur qui vous a particulièrement marqué ?

Jose Diaz (ancien troisième ligne, champion de France avec Castres en 1993 et international espagnol), c’était un mec d’une générosité incroyable. Il travaillait aux laboratoires Fabre mais il était le plus professionnel d’entre nous tous, prêt à se sacrifier pour le club. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui encore il est avec nous au centre de formation.

En parlant de formation justement, il nous semble que derrière Reggiardo père, il y a d’autres générations qui poussent ?

C’est vrai, j’ai le plus petit de mes fils, Valentino qui est ici au Castres Olympique, il a 14 ans. Le plus grand Bernard est professionnel à Aurillac et Jean-Baptiste est au centre de formation de Toulouse. On parle beaucoup rugby à la maison…

Rodrigo Capo Ortega, un monument du CO, a tiré sa révérence prématurément à la fin de la saison dernière. C’était important de le garder auprès du club ?

C’était important parce qu’il est resté proche des joueurs, du staff et du président. C’est un joueur qui a énormément donné au club pendant dix-huit saisons. On a joué ensemble et j’ai eu la chance de le coacher l’an dernier, pendant une petite période. On est en train de construire son rôle parce qu’il faut un peu de temps, sa fin de carrière a été violente. Il avait choisi d’arrêter sa carrière certes mais pas comme ça. Il a eu du mal à le digérer et il le digère encore. Rendez-vous compte c’est le joueur de Top 14 qui a joué le plus grand nombre de matchs sous le même maillot.

Récemment les entraîneurs de Top 14 ont concrétisé le besoin d’échanger entre eux en créant un groupe Whatsapp. Y participez-vous ?

Oui j’y participe. Moi je suis dans le partage des compétences. Chacun a son propre savoir mais on peut toujours apprendre des autres. Ces échanges ont permis de savoir comment les autres travaillaient et puis on a tous été généreux dans ces échanges, on n’a pas été mesquins, on est des passionnés de rugby avant tout et on a montré, en créant ce groupe, cette volonté commune de trouver des solutions pour notre sport dans une période très difficile.

Dans ce cadre, comment avez-vous interprété les propos fermes de Fabien Galthié sur la mise à disposition des internationaux, propos sur lesquels il a de nouveau insisté ces jours-ci ?

Je peux les comprendre mais je ne les partage pas. On doit tous être très généreux dans cette période, dans un sens comme dans l’autre. Je connais Fabien, il est venu pendant deux ans nous aider comme consultant avec l’Argentine et j’ai toujours de très bons rapports avec lui et les autres membres du staff du XV de France. Mais, je crois qu’il n’y avait pas besoin de créer un conflit et que, sur le coup, il a été maladroit.

On vous sait proche du manager toulousain Ugo Mola avec qui vous avez déjà entraîné. Vous vous appelez encore régulièrement ?

Sauf la semaine avant un match contre Toulouse. Sinon, oui, on s’appelle tout le temps.

Toujours au sujet des entraîneurs, que t’inspire le retour en Top 14 comme coach du Stade français de Gonzalo Quesada ?

Beaucoup de joie. Gonzalo c’est un ami et un grand professionnel et je crois qu’il va faire énormément de bien au club notamment pour l’aider à retrouver son identité qu’il avait perdue ces dernières saisons. Avec son retour et la nomination de Thomas Lombard qui connaît très bien le club, cela me semble une très bonne chose même si en ce moment la période est un peu douloureuse.

Pour terminer, évoquons un autre de vos anciens coéquipiers argentins, Agustin Pichot. L’ancien demi de mêlée emblématique des Pumas a annoncé, après son échec à conquérir la présidence de World Rugby, qu’il n’occuperait plus aucune fonction. Est-ce que vous regrettez ce choix ?

À mon avis, il est parti pour prendre de l’élan. Et quand il va revenir, il sera beaucoup plus fort. C’est un dirigeant intelligent et on a besoin de dirigeants intelligents comme lui.

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