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Comment le Coronavirus a chamboulé la géopolitique du rugby mondial

  • Comment le Coronavirus a chamboulé la géopolitique du rugby mondial.
    Comment le Coronavirus a chamboulé la géopolitique du rugby mondial. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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Dévastatrice pour les finances du rugby professionnel, la Covid-19 aura aussi bouleversé la géopolitique mondiale du rugby. Jusqu’ici pensée selon la logique des deux hémisphères, c’est désormais une cartographie éclatée qui régira les compétitions de clubs tout autour de la planète.

La Major League passe à treize

Pour sa quatrième édition, la Major League poursuit son expansion. En effet, en 2021, deux nouvelles équipes vont rejoindre le championnat nord-américain et notamment sa Conférence Ouest : les Dallas Jackals et les Los Angeles Giltinis. Ils seront donc désormais treize à se disputer le titre et les dirigeants de la Major League ne veulent pas s’arrêter là, cherchant à installer des franchises dans des nouveaux territoires ou grandes villes (Midwest, Caroline du Nord, Chicago, Miami, Vancouver) ou de convaincre d’anciennes équipes (Ohio Aviators par exemple) de revenir.

Autre nouveauté de la saison : de nombreux Argentins, particulièrement sous contrat jusque-là avec les Jaguares, ont décidé de venir tenter leur chance au Nord. Et si la Major League peine encore à attirer les grandes stars de notre sport, elle profite aux joueurs états-uniens et canadiens pour élever leur niveau de jeu. Sera-ce profitable aux Eagles ? On sait que les États-Unis ont de grandes ambitions pour l’avenir et viseront les quarts de finale lors du Mondial 2023 en France.

Une Coupe d’Europe sujette à tensions

Le flou qui entoure la compétition européenne tarde à se dissiper. Dès le printemps 2020, quand les championnats domestiques prononçaient tour à tour leur suspension, puis leur annulation, la Coupe d’Europe faisait schéma à part : coûte que coûte, il faudrait finir l’édition 2020 et lui trouver un champion. Chose faite en octobre dernier, avec le sacre des Chiefs d’Exeter en pleine saison 2020-2021, donc avec des effectifs modifiés par rapport au début de la compétition.

Mais tous les problèmes n’étaient pas résolus pour autant. L’édition 2021 des Coupes d’Europe est marquée par un format assez peu lisible, avec deux poules de douze où tout le monde ne s’affronte pas et, mieux encore, les clubs opposés ne se croisent pas. Une opacité de la compétition reine du continent qu’un dernier événement, bien indépendant des volontés de l’EPCR, est venu couronner : si la 1re journée de Champions Cup s’est déroulée sans encombre, la seconde fut rattrapée par la vague Covid-19. Des annulations de matchs en cascade et une logique sportive d’ores et déjà biaisée.

Face à ce tableau plombé, comment la Coupe d’Europe peut-elle rebondir, à l’avenir, pour retrouver de son attractivité ? À court, terme, l’édition 2021 est déjà soumise aux inquiétudes. « On craint surtout que le territoire britannique ne soit pas ouvert mi-janvier pour la suite de la phase de poules. Il y a de quoi être inquiet vu la recrudescence de l’épidémie au Royaume-Uni oui… », confiait, il y a quelques jours, Didier Lacroix dans les colonnes du Figaro. Le nouvel épisode bayonnais jette un peu plus de trouble encore. Le club basque a annoncé ce week-end son refus de disputer ses deux derniers matchs de Challenge Cup, à la suite de la contamination massive de son effectif lors d’un match face à Leicester.

À moyen terme, l’incertitude est également grande. Pour l’heure, le format de l’édition 2021-2022 n’est pas encore arrêté. À compter de 2022-2023, des provinces sud-africaines pourraient également intégrer la compétition, pour une Coupe d’Europe qui n’en aurait plus que le nom. Et d’ici là, tant de rebonds peuvent encore survenir, quand on sait que World Rugby verrait d’un œil affamé la disparition de l’EPCR (et donc des Coupes d’Europe) pour organiser, à sa place, une Coupe du monde des clubs dont les contours restent encore à définir.

 

Au Japon, bientôt la fin du rugby d’entreprise

Le projet était dans les cartons de longue date et bien avant la Coupe du monde, qui se déroulait à l’automne 2019 sur le sol japonais : faire passer le championnat de rugby nippon de « Top League » à « Pro League ». Derrière les appellations, il y a une révolution de fond. Si les salaires que pouvaient proposer les franchises japonaises aux stars étrangères n’avaient rien à envier à ceux pratiqués en Europe, la majorité des autres joueurs conservaient le statut amateur, avec un emploi affilié à l’entreprise-mère. C’était le système du « rugby entreprise », où chaque club du championnat était associé à une multinationale : Toshiba, Suntory, Mitsubishi, Yamaha, Kobelco, Canon, Honda ou Panasonic.

Ce modèle devrait avoir vécu. Précipité par la crise de la Covid-19, le rugby japonais devrait bien acter son passage au professionnalisme l’été prochain. Les franchises « club entreprise » deviendront alors les clubs d’une ville, selon le modèle pratiqué en Europe. Avec une économie également calquée sur le modèle européen et un capital ouvert à de nouveaux investisseurs. Objectif : donner une plus grande attractivité au championnat japonais alors que les Sunwolves, la franchise de Super Rugby créée en 2015, ont plié boutique l’année dernière.

Jaguares abandonnés, l’Argentine isolée

La fin annoncée du Super Rugby a rendu l’Argentine orpheline. Face à cet abandon, la Fédération (UAR) a tenté de trouver une solution locale pour maintenir les joueurs sous contrat fédéral en activité. Si, dans un premier temps, l’idée d’engager les Jaguares dans le championnat local sud-américain (SuperLiga americana) avait été évoquée, il n’en sera rien. Pour une simple raison : les joueurs, internationaux pour la plupart, ont préféré l’exil. Ils seront donc vingt-trois à évoluer à l’étranger, dispatcher entre l’Europe, majoritairement, l’Australie ou les États-Unis. Un exode qui concerne également les Ceibos, la franchise argentine de SuperLiga : Lucas Mensa a signé à Valence-Romans, Santiago Montagner à Mont-de-Marsan et Pablo Dimcheff à Soyaux-Angoulême.
Résultat : les derniers joueurs sous contrat fédéral vont intégrer les franchises de SuperLiga americana à l’issue d’une draft. Une compétition qui va s’agrandir en 2021 avec désormais six équipes, représentant six pays (Argentine, Uruguay, Brésil, Paraguay, Chili et Colombie). Mais si ce championnat va devenir totalement professionnel, il n’atteindra pas de sitôt le niveau que pouvait avoir le Super Rugby… Un recentrage continental qui pourrait freiner les ambitions des Pumas.

Les Sud-Africains, des Européens comme les autres

Parmi les multiples impacts qu’aura eus la Covid-19 sur la géopolitique du rugby mondial, voilà certainement le plus éloquent : la fin du Super Rugby, compétition des provinces d’hémisphère Sud vieille de vingt-cinq ans. Dès lors, comment se réorganiser ? Les Océaniens feront bande à part, dans une compétition qui intégrera notamment deux nouvelles provinces du Pacifique (voir ci-contre). Et les Sud-Africains, alors ? Au terme des vives tensions qui ont tiraillé la Sanzaar (organisatrice du Super Rugby) pendant tout le printemps, ils ont fait sécession avec, très vite, cette envie affichée de rejoindre l’Europe.

La Fédération sud-africaine y avait déjà mis un pied, avec l’intégration des Southern King et Cheetahs (provinces les plus faibles) à la Ligue celte Pro 14. À compter de l’été 2021, ce sont cette fois les quatre plus belles provinces qui rejoindront le Pro 14, qui deviendra Pro 16 (avec deux poules de huit) : les Sharks de Durban, les Bulls de Pretoria, les Stormers du Cap et les Lions de Johannesburg. Ces quatre équipes postuleront immédiatement pour une qualification en Coupe d’Europe, qu’elles pourraient intégrer dès l’été 2022 en cas de bon parcours.

Si elle ignore la logique des hémisphères, cette refonte présente tout de même une cohérence géographique : celle des fuseaux horaires.

En ralliant l’Europe, les provinces sud-africaines s’épargneront les immenses décalages horaires et les interminables voyages dont elles n’avaient de cesse de se plaindre, dans le cadre du Super Rugby. Pour les diffuseurs télé, qui financent une partie du sport professionnel, cette intégration aux compétitions européennes est également une aubaine : finis les matchs disputés en Nouvelle-Zélande et diffusés tôt le matin, à Johannesburg. Ou, inversement, les rencontres diffusées en pleine nuit quand elles se jouaient sur la pelouse argentine des Jaguares.

L’Océanie se recentre sur elle-même

C’est une logique géographique que la crise de la covid-19 aura contribué à accélérer, tant elle fut destructrice jusqu’à en faire vaciller la Sanzaar (qui organisait le Super Rugby). Dans l’hémisphère Sud, le modèle du Super Rugby à cinq nations a vécu. Exit le Japon et sa province des Sunwolves, c’était déjà acté avant la crise. Exit aussi l’Argentine et l’Afrique du Sud (voir ci-contre). C’est un puzzle qui s’éparpille avant de s’assembler de nouveau : la marque Super Rugby devrait perdurer sous l’appellation « Pacific Super Rugby », une compétition dont la création est prévue pour 2022. Avant cela, chaque pays disputera la compétition domestique créée dans l’urgence, en 2020.

Ensuite ? Douze équipes sont annoncées dans ce Pacific Super Rubgy. Comme son nom l’indique, elles sont centrées sur l’Océanie : les cinq provinces déjà existantes en Nouvelle-Zélande (Crusaders, Blues, Chiefs, Hurricanes et Highlanders), idem en Autralie (Western Province, Reds, Brumbies, Rebels et Waratahs). Auxquelles il faudra ajouter une province fidjienne, née de l’actuelle Fijian Drua, qui dispute le championnat domestique australien depuis 2017 et l’a remporté en 2018. La dernière province, nommée Maona Pasifika, regrouperait essentiellement des joueurs des îles Tonga et Samoa. La création de cette province, soutenue par la NZRU (Fédération néo-zélandaise), est déjà active. Le Super Rugby, version Pacifique, retrouvera son format initial à douze équipes. 
 

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