Un an, déjà

Par Léo Faure
  • À l'image de Nicolas Sanchez, le masque et gestes sanitaires sont devenus une habitude dans le monde du rugby depuis un an
    À l'image de Nicolas Sanchez, le masque et gestes sanitaires sont devenus une habitude dans le monde du rugby depuis un an Icon Sport - Icon Sport
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L'édito de Léo Faure... Une confidence de coulisses, un coin de voile levé sur la vie d’un journal : dimanche 8 mars 2020, un peu après 18 heures. Les Bleus viennent de chuter pour la première fois de l’ère Galthié. C’était en Écosse, où tout s’était emmanché à l’envers. Et dans les bureaux du directoire midolien, ce débat : faut-il ouvrir le journal sur les illusions perdues du Grand Chelem ou, plus en prise avec l’actualité, faut-il céder à l’inquiétude qui point sur le sujet de la Covid-19 - alors plus sobrement appelée Coronavirus ?

Les arguments fusent, plus guidés par l’affectif que par une franche connaissance médicale : « Ce virus, c’est un épiphénomène ; dans deux semaines on en parle plus ! » - « tu rigoles ? C’est la mise à l’arrêt de tout notre sport qui nous pend au nez ! » - «Ceux qui ont peur sont des peureux » : les Bleus auront l’ouverture du journal en date du 9 mars 2020 et, glissé au milieu, les dernières informations remontées du front institutionnel : « Le préfet de Seine-Saint-Denis confirme France - Irlande au Stade de France. »

Avec le recul, l’optimisme qui l’emporta alors prit vite une sacrée bouffe en pleine gueule. Nous sommes en 2021 et, en rugby comme ailleurs, la discussion du café ne se départit toujours pas du sujet sanitaire.

Cela a fait un an, ce mardi, qu’une dépêche AFP annonçait en France, sans y paraître, la mise à genoux d’un monde. « Mystérieuse pneumonie en Chine : 59 cas, le SRAS exclu » titrait la brève. En fond de texte, on indiquait également ceci : « La concentration des cas incite à la prudence. » Un an plus tard, l’idée de prudence semble bien minimaliste.

Un an plus tard, pour revenir aux choses du rugby, on ne se soucie plus vraiment de savoir si le match du week-end sera bien, beau, bon. On s’inquiète d’abord de savoir s’il se jouera, vaille que vaille. Le reste, l’enjeu sportif, n’est plus que du divertissement pour grand public confiné.

S’il joue et qu’importe le contexte, c’est d’abord que le rugby y trouve un devoir économique. Une nécessité, même : il faut encaisser les droits TV pour maintenir les structures professionnelles en vie, et avec elles tout l’écosystème d’un secteur professionnel qui revendique peser 1,25 milliard d’euros et 4 000 emplois par saison (étude du CDES commandée par la LNR).

Il faut faire perdurer la distraction d’un peuple frappé d’ennui, aux confins de la déprime. Le rugby, comme les autres sports professionnels, s’y est engagé auprès du gouvernement, en l’échange d’une perfusion de 40 millions d’euros. Toujours pour les mêmes raisons de survie financière.

Pour continuer à jouer, il a fallu en passer par un énième tour de table, cette semaine, au sujet de la Coupe d’Europe. Le week-end, entre préoccupations sanitaires réelles et opportunisme dissimulé, l’idée avait fait jour, chez quelques présidents du Top 14, de boycotter la suite (et fin) de la Coupe d’Europe. Contre toute attente (sic), ce sont ceux dont l’équipe est déjà hors course dans la compétition qui trouvaient ici une juste cause médico-sociale dont s’emparer. Les présidents des clubs à deux victoires, bizarrement (re-sic), se faisaient beaucoup moins enthousiastes à l’idée de se retirer.

La Coupe d’Europe se jouera. Le protocole sanitaire de l’EPCR, nivelé par le bas en septembre par des Anglo-Celtes alors épargnés par l’idée d’une deuxième vague, a soudain trouvé chez eux un écho beaucoup plus strict, maintenant qu’on dénombre 60 000 cas positifs par jour outre-Manche.

Il y aura plus de contrôles, les semaines de match, et une plus grande rigueur dans les mises sous cloche des éléments à risque. Parce qu’il faut jouer. N’y voyez là aucun sarcasme : jouer est de loin la moins mauvaise des solutions. Un an après le napalm du Covid-19, le rugby professionnel se tient encore debout. Savourons ce qu’il nous reste. Et jouons, donc.

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