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Thompson-Stringer, le pilier qui ne ressemble à aucun autre

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Jusqu’à ses 21 ans, Hayden Thompson-Stringer était un troisième ligne réserviste des Saracens. Cinq ans plus tard, il est le pilier de Top 14 le plus utilisé cette saison. Retour sur une trajectoire ô combien atypique, de Londres à Brive via la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

Au total, 110 piliers ont foulé les pelouses de Top 14 cette saison. Un seul a participé à toutes les journées de championnat. Son nom : Hayden Thompson-Stringer. "J’adore cette stat", rigole le garçon venu de Chatham, flatté par cette particularité et amusé par l’ironie du sort. Car le pilier le plus capé de l’élite en 2020-2021 ne ressemble à aucun autre, de par sa trajectoire unique.

Depuis son Kent natal, le gaillard avait pourtant suivi un itinéraire tout tracé, dans les premiers temps : une première licence à 11 ans et une formation au Sud de Londres, un départ pour le Nord de la capitale direction le Oaklands College, la prestigieuse pépinière des Saracens, puis un premier contrat chez les Sarries à 18 ans.

Hayden Thompson-Stringer se remémore avec nostalgie cette période d’insouciance et d’espoirs : "Quand j’étais au collège, je jouais trois matchs par semaine : deux à XV avec mon collège et en club et un autre à XIII. À l’époque, j’évoluais en 8. J’ai dû faire un choix, à un moment : j’avais une offre des London Brocos à XIII mais j’ai opté pour les Sarries. J’avais été engagé après avoir gagné le célèbre tournoi à 7 de Melrose. Il y avait Clermont qui jouait cette année-là. Pendant trois, quatre ans, j’ai fréquenté l’académie. Ce n’est pas comme en France, on partageait tous avec les professionnels, on suivait le même programme. C’était la meilleure des formations." En parallèle, l’aspirant gravit les échelons des sélections : moins de 18, moins de 19, moins de 20. Le printemps 2014, celui de ses 20 ans, consacre une grande part de ses efforts : "En mai, j’ai disputé mon premier match de Premiership à Leicester. Welford Road, c’était magique comme baptême. Le mois d’après, nous avions gagné le titre de champion du monde U20 en Nouvelle-Zélande avec Maro Itoje. C’était génial. J’avais alterné entre 6 et 4 à ce moment-là. Vous savez, je peux jouer partout." A cet âge, le natif de Chatham se cherche encore un poste, une voie. "Si vous regardez l’effectif des Saracens, à tous les postes, c’est ce qu’il y avait de mieux. J’ai longtemps toqué à la porte. Mais c’était très dur de faire sa place. C’est la loi des grosses écuries."

 

Un exil en Australie

Revenu auréolé de son sacre, il part aussitôt en prêt à Bedford, en deuxième division. Avec quelques retours furtifs par l’Allianz Arena pour les matchs de Coupe anglo-galloise. À 21 ans, le vrai âge adulte, il finit par ouvrir les yeux : "Lors de la présaison, suivant l’année du Mondial, j’ai fait le point sur ma carrière aux Saracens. Je me rendais compte que je n’arriverai sûrement jamais à passer devant un mec comme Billy Vunipola. C’était déjà la classe mondiale. C’est alors que l''idée est venue à ce moment-là de passer pilier. Le staff m’avait dit que j’avais une meilleure carte à jouer à ce poste et que je pourrais être un de ces nouveaux piliers modernes. Mais il y avait une condition : il fallait que je sois impliqué à 100 %, sinon ça ne pouvait pas marcher." A 21 ans, "HTS" se retrouve donc propulsé en première ligne. Avec un défi rare à relever : "C’était un changement effrayant à première vue. Même dans mes rêves, je n’y aurais jamais cru quelques années auparavant. Comment aurais-je pu m’attendre à ça ? Mais je me suis dit que si j’arrivais à garder mes qualités de troisième ligne en tenant le défi de la mêlée, ça pouvait être intéressant."

Pour transformer l’essai, le tout nouveau pilier gauche s’exile. Loin des exigences et des contraintes du rugby européen : "Les Saracens m’ont libéré pour aller en Australie. J’ai eu la chance d’y jouer six mois et j’ai pu y faire mes classes, me tester." Le 22 avril 2016, il connaît sa grande première avec le numéro 1 dans le dos, à l’occasion d’un match de New South Wales Shute Shield avec Manly : "Ca m’a aussi permis de me confronter à un autre environnement, de pratiquer un rugby différent. J’ai joué toute la saison, j’ai enchaîné dix-huit matchs en alternant entre pilier et troisième ligne. A tous les niveaux, cette parenthèse a été enrichissante."

 

"Nous sommes très bons amis avec Maro"

Quand Hayden Thompson-Stringer revient à Londres, à l’été 2016, les Sarries découvrent un nouveau joueur. Mais un même bonhomme : "Je suis assez costaud à la base. Les gens s’imaginent qu’un pilier doit faire 125, 130 kg. Moi je voulais être un pilier dans les 110 kg qui peut se déplacer, porter le ballon, multiplier les tâches. La mêlée, ce n’est qu’une part du poste. Je voulais m’accomplir en tant que pilier qui sait tout faire. Ce changement de poste a été concluant : j’ai eu vingt-neuf capes avec les Saracens dont des minutes en Coupe d’Europe." Avec une saison 2017-2018 à onze rencontres d’élite – pour une seule titularisation - en guise de récompense. Et un palmarès considérable, à l’arrivée : entre 2016 et 2019, les Londoniens décrochent quatre Premierships et trois Champions Cup. "J’ai reçu les médailles même si je n’ai pas joué de finale. J’avais tout d même tenu un rôle dans ces aventures." Les titres s’empilent. L’aventure n’en touche pas moins à sa fin : "Je me suis blessé aux adducteurs à Leicester, où j’avais débuté, alors que j’avais du temps de jeu. Ca a été un coup d’arrêt, avec une opération et une longue absence. J’arrivais en fin de contrat avec les Saracens au terme de cette année-là. J’étais à un moment de ma carrière où je devais décider ce que je voulais vraiment faire. J’avais une offre de prolongation sur la table. Mais voilà, je ne joue pas au rugby juste pour m’entraîner. Je voulais être pleinement impliqué dans un projet. Pouvoir dire : "Oui, je suis un acteur à part entière, je compte vraiment."" Hayden Thomspon-Stringer pèse alors le pour et le contre et tranche : "Bouger, c’était la chose à faire. Je devais m’ouvrir à de nouveaux horizons. Les standards étaient tellement hauts dans ce club… J’avais envie de montrer aux gens ce dont j’étais capable." Deux ans après son départ, il garde un souvenir enjoué de son septennat chez les Sarries : "Je peux vous dire qu’au-delà de tous les succès, c’était un super club, avec une forte culture et un environnement bienveillant. J’ai eu de la chance d’en être membre. Ca m’a permis de devenir le joueur que je suis." Avec des rencontres plus marquantes que d’autres, au passage : "Nous sommes très bons amis avec Maro. Je suis aussi proche de Jamie George, de Duncan Taylor…. Mais Maro, il est hallucinant. Il étudie à temps plein, il s’entraîne à temps plein. C’est un tel bourreau de travail. Parfois, c’est dur à accepter quand je me revois avec Maro à l’académie etque je constate à quel point il est au-dessus désormais. Mais j’ai suivi un autre itinéraire. Il m’a permis connaître d’autres choses."

Depuis un an et demi, sa déroutante carrière se poursuit en France : "Quand l’opportunité de Brive est arrivée, ça m’a paru improbable. Jeremy Davidson a eu le bon discours. Il voulait m’inclure dans le projet, il croyait en moi." Son débarquement dans l’Hexagone relevait de l’expédition, vu d’outre-Manche : "Je savais que ce serait peut-être plus dur qu’ailleurs pour moi qui n’étais pilier que depuis trois ans. Mais ça allait être un révélateur. Si je tenais le choc dans ce championnat, cela voudrait tire que je le tiendrais partout. Je savais que j’avais le potentiel pour jouer en élite, il me fallait juste pouvoir apprendre et me confronter à tout ça." Après une saison d’intégration, l’Anglais, engagé jusqu’en juin 2022 avec le CABCL, se retrouve désormais en tête des piliers les plus asssidus de l’élite française. Un double comble pour lui, l’ancien troisième ligne et l’ancien joueur de complément : "Si je peux jouer tout jusqu’à la fin, j’en serais heureux. Je veux que les gens comptent sur moi, qu’ils disent "Hayden est important pour nous, il nous apporte beaucoup…"" A Brive, tout le monde le pense désormais.

L'oeil de Davidson

"Je savais qu'il avait des qualités diverses car il avait joué troisième ligne chez les moins de 20 anglais : il avait une grosse force de travail, un sacré abattage en défense, une capacité à porter le ballon... J'ai regardé le peu de matchs qu'il avait joué sous le maillot des Saracens : il y en avait un à Leicester et un autre je ne sais plus où. Ca se sentait qu'il avait la possibilité de devenir un très bon pilier. Après, ça restait un pari quant à savoir s'il allait tenir en mêlée en France. Ul y avait une marge de progression importante car il était jeune. En sortant des Saracens, je savais qu'il allait apporter une culture de travail précieuse. Et puis les Sarries ne se trompent pas trop généralement. Bien sûr, il y a des gens qui ont douté, qui m'ont demandé si j'étais sûr de mon choix. C'était un pari différent et je suis content qu'on l'ait tenté. Il nous amène cette joie de vivre, peut-être un peu trop, et son énergie. Pendant un an, il a fait le dos rond, il a attendu. En première ligne, il faut parfois freiner un jeune joueur au début pour ne pas le griller. S'il souffre, ce n'est pas un bon apprentissage. Quand il est devenu titulaire, c'est qu'il l'avait mérité. Il n'y a pas de passe-droit. Il travaille beaucoup en vidéo, sur les séances d'analyse, de stratégie. Il est très impliqué. La seule chose négative, c'est qu'il est absolument nul en français." 

 

 

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