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Farrell : « Avec Jalibert et Ntamack, vous avez deux ouvreurs de très haut niveau »

  • L'ouvreur du XV de la Rose, Owen Farrell
    L'ouvreur du XV de la Rose, Owen Farrell PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Figure du XV de la Rose depuis 2012, l’ouvreur ou centre des Saracens nous a accordés une interview exclusive à la mi-février, en plein Tournoi des 6 Nations. Il se livre sur sa carrière, ses épreuves, les Saracens, ainsi que la relation avec son père, Andy, sélectionneur de l’Irlande.

Il y a un mois vous avez été élu Oscar Monde de Midi Olympique, qu’est-ce que cela représente pour vous d’être distingué par un journal étranger ?

Déjà c’est très gentil de votre part ! Et c’est très flatteur surtout quand on voit les joueurs qui ont été nommés ou qui ont reçu cette distinction par le passé. De toute évidence, c’est aussi une belle forme de reconnaissance pour l’équipe dans laquelle j’ai la chance d’évoluer. Vous savez, en rugby les performances et les récompenses individuelles ne sont possibles que grâce au travail et aux efforts de tous. C’est donc génial pour l’équipe d’Angleterre qu’un journal français décide d’élire un joueur de son effectif.

Et plus spécialement venant d’un journal français, quand on connaît la rivalité qui existe entre nos deux pays…

Bien sûr ! Nous sommes rivaux mais nous avons aussi beaucoup de respect les uns pour les autres. Encore une fois je mesure l’importance et la signification de cette distinction quand je vois les autres joueurs qui m’ont précédé… Et puis votre pays est passionné de rugby, donc c’est flatteur.

Connaissiez-vous Midi Olympique ?

Je le connais et je sais que c’est un journal très important dans le monde du rugby français. En revanche, je ne l’ai jamais lu car mes compétences en français sont bien trop limitées…

L’année dernière, cet Oscar Monde était allé à l’ailier sud-africain du Stade toulousain Cheslin Kolbe, qui fut sacré champion du monde au Japon. Qu’est-ce que cela vous fait de lui succéder ?

Ce serait un grand honneur, car Cheslin est un joueur fantastique. Il a fait une immense Coupe du monde et a été capable d’être aussi performant à son retour en France. Il ne cesse de progresser en tant que joueur, d’améliorer encore ses points forts. Lui succéder est tout simplement génial.

Cheslin Kolbe, ailier du Stade toulousain et de l'Afrique du Sud, précédent Oscar Monde
Cheslin Kolbe, ailier du Stade toulousain et de l'Afrique du Sud, précédent Oscar Monde PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

On imagine qu’être nommé parmi les meilleurs joueurs du monde en ces temps si troublés doit rendre cette nomination encore plus spéciale…

C’est très positif pour l’équipe aussi, car comme tout le monde elle traverse cette période avec beaucoup de courage et d’abnégation. Jouer, ne pas jouer, vivre avec les restrictions, jouer finalement sans nos fans, tout ça… Réussir à être performant dans ces conditions c’est un bel accomplissement et l’équipe peut être fière d’elle.

En tant que journaliste français je dois vous demander si vous avez toujours hâte d’affronter le XV de France…

Un match contre la France, nous l’avons toujours dans un coin de la tête. Nous voulons toujours affronter les meilleurs, et les Français en font partie. Ce sont toujours des grands matchs.

Quel regard portez-vous sur le XV de France ?

Les Bleus sont parvenus à conserver leur dynamique de l’automne. Quelques joueurs ont émergé, il y a eu quelques changements en raison de certaines blessures mais le score que les Français ont infligé aux Italiens parle de lui-même. Les joueurs que l’on attendait se sont montrés à la hauteur, et d’autres se sont affirmés.

Qu’avez-vous pensé des performances de Matthieu Jalibert ?

J’ai affronté Matthieu pendant l’automne, et c’est un joueur formidable. Il est rapide, il franchit les défenses et il possède clairement un très bon jeu au pied. Avec Romain Ntamack, vous avez deux ouvreurs de très haut niveau.

Les deux ouvreurs du XV de France, Romain Ntamack et Matthieu Jalibert
Les deux ouvreurs du XV de France, Romain Ntamack et Matthieu Jalibert Icon Sport - Icon Sport

Si vous deviez comparer leurs styles de jeu respectifs, que diriez-vous ?

Ce ne sont pas les mêmes, c’est clair. Mais ils ont l’air d’être capables de tenir leur rang lors des grands matchs, voire même à se transcender pour les grands rendez-vous. Pour moi, c’est le plus beau compliment que l’on puisse faire à un joueur.

Ressentez-vous que la rivalité entre la France et l’Angleterre est redevenue très forte ? L’année dernière, les deux équipes étaient en course pour remporter le Tournoi…

Vous savez, j’ai toujours considéré que la rivalité entre nos deux pays était forte. J’ai toujours vécu des matchs durs contre le XV de France. C’est un match attendu par les fans, également. On le sent dans la semaine qui précède les rencontres…

On imagine que les petites piques doivent fuser entre vous sur le terrain…

Le problème, c’est que je ne peux pas les chambrer en français parce que je ne parle pas suffisamment bien votre langue ! Non, allez plus sérieusement, ces matchs sont toujours très accrochés.

Aaron Smith a récemment déclaré qu’il considérait Antoine Dupont comme le meilleur demi de mêlée au monde à l’heure actuelle, êtes-vous d’accord avec ce constat ?

Difficile à dire ! Tout ce que je peux reconnaître, c’est qu’il est très performant. Il fait partie de ces jeunes joueurs français extrêmement prometteurs, tant en sélection qu’avec Toulouse. J’ai l’impression que beaucoup de choses se passent autour de lui, mais qu’il parvient à rester concentré sur ses performances. En match, il est toujours « focus » sur ce qu’il se passe autour de lui et parvient souvent à sortir de nulle part pour se proposer au soutien de ses coéquipiers.

Antoine Dupont, demi de mêlée de l'équipe de France, face à l'Angleterre
Antoine Dupont, demi de mêlée de l'équipe de France, face à l'Angleterre MB Media / Icon Sport - MB Media / Icon Sport

Comment l’Angleterre a su se relever après sa déception en finale de la Coupe du monde pour remporter le dernier Tournoi quelques mois plus tard ?

Ce n’était pas une revanche, c’était juste la volonté d’une équipe qui avait envie d’avancer ensemble après une défaite. Nous voulions continuer à grandir, à progresser. J’ai aimé notre réaction après la défaite que nous ont infligés les Bleus, lors du premier match. Derrière, nous avons pu décrocher le Tournoi et j’espère qu’à l’avenir nous ferons preuve de la même force de caractère.

Justement, l’ambiance devait être lourde dans le vestiaire après la défaite contre la France…

Oui, c’était dur. Quelques mois plus tôt, nous perdions le Mondial en finale et là, on perdait d’emblée face à la France. Mais on est un groupe dans lequel chacun veut tirer dans le même sens et qui ne se cherche pas d’excuse. Nous cherchons toujours à franchir un cap, à progresser dans un secteur.

Le XV de la Rose a pourtant mal démarré son Tournoi en perdant d’emblée à Twickenham face à l’Ecosse, comment l’avez-vous vécu ?

On s’est réuni pour parler de ce qui n’allait pas. Les semaines d’entraînement qui ont suivi étaient meilleures, mais on en revient toujours à la même chose : il faut être bon le jour du match.

Que vous a-t-il manqué contre l’Ecosse ?

Nous avons été dominés dans trop de secteurs. J’ai aussi trouvé que nous n’étions pas vraiment nous-mêmes, à cause de certaines choses que nous pouvons contrôler donc nous devons remédier à cela. Et puis l’Ecosse a très bien joué aussi. Le Tournoi est de plus en plus dur, avec des équipes qui progressent sans cesse.

L'Angleterre a perdu face à l'Écosse lors de la première journée du Tournoi des 6 Nations cette année.
L'Angleterre a perdu face à l'Écosse lors de la première journée du Tournoi des 6 Nations cette année. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

Sur un plan plus personnel, comment vivez-vous avec le Covid en Angleterre ?

Nous sommes confinés depuis un sacré moment ici, ce n’est pas facile. Par chance, mon statut de sportif me permet d’aller aux entraînements et de jouer des matchs, même si je n’ai pas pu le faire en club. Mais au moins, nous avons la chance de travailler et d’exercer le métier de nos rêves, de vivre de notre passion. J’ai pris conscience de la chance que l’on avait. En se réunissant pour la préparation de ce Tournoi, j’ai réalisé à quel point les familles des joueurs traversaient des moments difficiles partout dans le pays.

La vie normale vous manque-t-elle ?

Je ne peux même plus m’en souvenir ! C’est terriblement frustrant…

Est-ce bizarre de jouer dans un stade de Twickenham vide ?

C’est étrange de jouer dans un stade 80 000 places sans personne dedans oui… Mais tout est étrange en ce moment non ? Finalement, ce n’est pas plus bizarre que le reste, comme de ne pas aller au restaurant. Et je ne parle pas que de mon pays, mais du monde entier. On essaye de s’adapter et de nous concentrer sur nos tâches mais il faut reconnaître que les supporters jouent un rôle immense dans une partie. Nous espérons vraiment les retrouver le plus vite possible, et les entendre chanter à nouveau.

Les supporters vous manquent ?

Tellement… Pour nous les rappeler, la fédération a installé un maillot de chaque équipe du pays sur les sièges de Twickenham. C’est comme s’ils étaient un peu derrière nous… Malheureusement, il n’y a pas celui de ma première équipe de rugby, car c’était une équipe à XIII !

À quoi ressemblent vos semaines avec les Saracens, étant donné que vous ne pouvez pas jouer le week-end ?

Les entraînements n’ont pas changé. Comme nous n’avons pas de championnat pour le moment, on a réussi à obtenir un match de présaison contre Ealing avant de rejoindre le camp d’entraînement de l’Angleterre. Cette coupure a été bonne sur certains aspects car cela nous a permis de nous régénérer mais… au fond de nous, on a envie de jouer au rugby. On s’entraîne donc en suivant les restrictions, donc on ne peut pas dire que ce soit comme avant. Encore une fois, on a de la chance de garder notre job et de vivre de notre passion.

Relégués en 2e division anglaise pour non respect du Salary Cap, les Saracens n'ont pas de championnat.
Relégués en 2e division anglaise pour non respect du Salary Cap, les Saracens n'ont pas de championnat. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

Ne craignez-vous pas de manquer de rythme après cette coupure ?

C’est à nous de tirer le meilleur de cette période étrange. Il faut voir cela comme une opportunité, et je vais faire tout mon possible pour en profiter.

Sur le terrain, vous jouez souvent à l’ouverture, vous êtes capitaine et en charge des tirs au but, comment faites-vous pour gérer autant des responsabilités ?

La vérité c’est que j’ai toujours aimé ça. Déjà le rugby a toujours été ma passion, j’adore jouer. C’est ce que je voulais faire et cela ne dérange pas d’avoir des responsabilités, au contraire. J’ai le sentiment que cela me rend meilleur.

Vous ne souffrez donc pas de la pression ?

La pression c’est toujours bon ! S’il y a de la pression, ça veut dire que c’est important, que c’est excitant. On veut tous jouer les plus grands matchs, quand cela compte le plus.

Si vous aviez le choix, vous préfériez jouer au centre ou à l’ouverture ?

Là où c’est le mieux pour l’équipe, en fonction de l’adversaire. Peu importe, vraiment.

Vous n’avez pas de préférence ?

Si, ma préférence est ce qui est le mieux pour l’équipe !

Quel est l’avantage de jouer avec deux ouvreurs sur le terrain ?

Cela donne un regard de plus sur le jeu, une voix, et un pied en plus aussi ! Ne serait-ce que pour s’entraider, c’est vraiment profitable. Pour réduire la pression aussi, on peut interchanger en cours de rencontre.

Est-ce difficile de changer de poste d’une semaine à une autre ?

Pas vraiment… Les matchs ne ressemblent pas et l’on ne sait jamais ce qui va se passer, mais ce n’est pas comme si on devait évoluer à un poste complètement différent. Ils sont relativement proches.

Est-ce que votre père, aujourd’hui sélectionneur de l’Irlande, joue toujours un rôle dans votre développement en tant que joueur ?

Même si on ne joue plus pour la même équipe, on a toujours une excellente relation père-fils, je vous rassure. Le truc, c’est qu’on est autant passionné de rugby l’un que l’autre donc le sujet arrive en général assez vite dans nos discussions. Donc oui, on parle beaucoup de rugby avec mon père.

Son père, Andy Farrell, est le sélectionneur de l'Irlande depuis 2020
Son père, Andy Farrell, est le sélectionneur de l'Irlande depuis 2020 PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

Êtes-vous toujours fan de rugby à XIII ?

Oh que oui ! Je suis mon équipe de Wigan, là où j’ai commencé le rugby.

Comment et quand avez-vous choisi le rugby à XV ?

Un peu comme ça… J’ai joué à XIII jusqu’à mes 14 ans. À l’époque, mon père jouait pour Wigan puis il a signé avec les Saracens à XV en 2005. Nous avons, quitté Wigan et déménagé vers le sud de l’Angleterre, à Harpenden dans le Hertforshire. Et là, il n’y avait pas vraiment d’équipe à XIII, et le meilleur niveau de rugby que je pouvais trouver dans le coin était à XV. Donc j’en ai fait à l’école et j’ai intégré un club local. Et ça m’a plu, tout simplement.

Vous n’avez jamais eu de regret de jouer à XIII à haut niveau ?

Non… J’adore ce jeu, vraiment. Mais je ne sais même pas si je serais suffisamment bon pour jouer à haut niveau à XIII ! Et puis le rugby à XV m’a toujours offert des tas de défis, des compétitions à remporter ou des équipes à intégrer donc je me suis concentré là-dessus.

Quel aspect du XIII préférez-vous ?

C’est un jeu tellement différent ! C’est difficile de comparer les deux disciplines tant elles divergent. C’est presque une erreur d’essayer de le faire, en fait. J’aime justement le XIII parce qu’il est complètement différent du XV.

Le XIII est pourtant souvent une source d’inspiration pour les quinzistes…

C’est vrai, on peut prendre des choses de tas de sports pour progresser au rugby, et le XIII est le jeu qui s’en rapproche le plus. Il faut toujours rester ouvert aux autres disciplines pour voir comment on pourrait progresser.

Parlons un peu de la prochaine tournée des Lions, qui doit se tenir en Afrique du Sud. Êtes-vous inquiet au sujet de la tenue de cette tournée ?

Je pense que les gens qui sont en charge de l’organisation savent beaucoup plus de choses que nous. En tant que joueurs, on a tous très envie d’y aller. Pour cela, on doit se concentrer sur nos performances du moment, sur ce que l’on peut contrôler.

Les Lions Britanniques devraient affronter l'Afrique du Sud prochainement.
Les Lions Britanniques devraient affronter l'Afrique du Sud prochainement. Avalon / Icon Sport - Avalon / Icon Sport

Qu’est ce qui est le plus important : que les Lions partent en tournée à l’étranger ou qu’ils affrontent absolument les champions du monde en titre, les Springboks, quitte à les faire venir en Grande-Bretagne ?

C’est la première fois que l’on me pose cette question, et je dois reconnaître qu’elle n’est pas facile. De toute évidence, la tournée des Lions est un événement dans lequel les supporters jouent un rôle énorme. Où pourrons-nous jouer ? Je n’en ai aucune idée… Il faudrait demander à quelqu’un de beaucoup plus intelligent que moi ! Ce sera à ces gens de décider du meilleur scénario, le plus réalisable. Nous vivons des temps étranges, et nous devons tirer un maximum de chaque chose qui se présente à nous. C’est ce qui importe le plus à mes yeux.

Le fait que les Sud-africains soient les champions du monde en titre ajoute tout de même beaucoup à l’affiche de cette tournée…

Bien sûr, ce serait vraiment génial de les affronter. Ce serait l’affiche rêvée, d’ailleurs. J’ai encore confiance, je suis sûr que l’on affrontera les Springboks.

Si vous deviez expliquer à un étranger ce que représente une tournée des Lions britanniques et irlandais, que lui diriez-vous ?

Le simple fait que l’équipe soit composée de joueurs issus de quatre nations rend déjà l’événement énorme, d’autant plus qu’en dehors de cette tournée, ce sont des nations rivales. C’est déjà très spécial. Après, c’est difficile à expliquer car c’est une équipe éphémère, qui est réunie pour une courte durée et qui va devoir apprendre à se connaître et à performer en très peu de temps. Et puis les Lions possèdent une histoire, une tradition. Il faut leur raconter ce que les Lions ont accompli par le passé, lors des précédentes tournées…

Comment faites-vous pour sympathiser aussi vite avec des joueurs qui sont d’ordinaire vos rivaux en sélection ?

On passe du temps ensemble, on vit ensemble, et on passe de bons moments. C’est comme cela qu’on se découvre, qu’on apprend à se connaître sur le terrain et en dehors. Après, il faut aussi y mettre du sien et s’ouvrir aux autres. Enfin, le fait de souffrir ensemble pendant la préparation rapproche aussi beaucoup les joueurs.

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