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Wardi le magnifique

Par Romain ASSELIN
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Publié le Mis à jour
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Rochelais le plus sollicité cette saison, avec 25 matchs au compteur, Reda Wardi grimpe en flèche dans la hiérarchie des piliers français. Ses performances, de plus en plus remarquées, pourraient vite lui ouvrir les portes du XV de France. Et dire que tout a commencé au collège, grâce à… son prof d’EPS !

Les médias britanniques et amoureux du Leinster ont dû se frotter les yeux à plusieurs reprises, le 2 mai dernier. Tant l’image a laissé son empreinte. Notamment sur cette mêlée disputée à la 44e minute de l’épique duel en demi-finale de Champions Cup. Voir Tadhg Furlong, considéré par beaucoup comme le meilleur pilier droit du monde, se faire cabosser par un inconnu au bataillon, outre-Manche, avait quelque chose d’aussi démesuré et surréaliste que l’exploit réalisé par le Stade rochelais face au quadruple champion d’Europe (32-22). Des quinze titulaires maritimes ce jour-là, Reda Wardi était, sans l’ombre d’un doute, le moins ciblé, sur le papier, par la province irlandaise.

Pour sa centième sortie en pro, il lui aura pourtant suffi d’à peine plus d’une mi-temps pour distribuer sa carte de visite à la planète ovale. Et faire montre de son activité défensive. 16 plaquages réalisés. Un de moins que le tant redouté sécateur adverse Josh Van der Flier, qui, lui, a disputé l’intégralité de la rencontre. Vous ne l’aviez pas vu venir ? Le natif de Montpellier avait pourtant donné le ton, à quelques jours de son désormais principal fait d’arme : "Ce genre de match permet vraiment de savoir où tu te situes. C’est le moment de se lâcher, d’exprimer son potentiel. Furlong, je ne l’ai vu qu’à la télé, jusqu’ici (rires). J’ai trop hâte. Beaucoup de respect mais aucune peur et pas de pitié." Il n’en a pas eu.

Du taekwondo au rugby, comme Haouas

Ce samedi, Reda Wardi foulera, pour la première fois de sa jeune carrière, la pelouse du temple de Twickenham. Nouveau point d’orgue de son aventure rochelaise, entamée en 2019. "Il y a deux ans, j’étais en Pro D2, écarquille-t-il les yeux. Je me disais : "Pourvu que je joue déjà à Béziers ! Ensuite, pourvu que je m’installe en Top 14." Je me fixe tout le temps des objectifs, réalisables ou pas. Ça a marché, pour le moment." Ses vingt titularisations cette saison, en font le joueur rochelais le plus souvent aligné dans le XV de départ, à égalité avec le trois-quarts Dillyn Leyds. 25 feuilles de match sur 28 possibles, depuis septembre, toutes compétitions confondues. Personne ne fait mieux au sein de l’effectif jaune et noir. D’ores et déjà la saison la plus riche, depuis ses débuts. Celle de la révélation, aussi, au plus haut niveau. Treize ans après avoir touché son premier ballon ovale.

Il ne fait pas de bruit, il est très discret mais il bosse, il est déterminé. S’il peut venir les jours off faire des skills ou du physique, il le fait. Franchement, Reda, il en a impressionné plus d’un

"J’ai commencé au collège, rembobine le pilier gauche. Mon prof de sport proposait une initiation rugby pendant un trimestre. Il était entraîneur au Pic Saint-Loup où ont commencé Trinh-Duc et Ouedraogo. C’est là que j’ai découvert ce sport. Avant, je ne connaissais pas du tout." Pour l’anecdote, l’adolescent habitait alors à côté du Stade Yves-du-Manoir, camp de base des Wallabies lors de la Coupe du monde 2007 organisée en France, et futur antre du Montpellier Hérault rugby. Clin d’œil du destin. "Suite à ça, ce professeur m’a proposé d’aller faire des tests parce qu’il trouvait que j’avais un potentiel. Je pensais que c’était une blague ! Je n’avais pas de bases, je n’avais rien, éclate-t-il de rire, encore incrédule. Pour moi, je faisais n’importe quoi. J’avais fait du foot, du basket, du taekwondo. Sur mon téléphone, je jouais beaucoup à des jeux de football américain. Je faisais des toupies, des trucs comme ça. Donc, au collège, j’essayais de reproduire ça. Visiblement, ça a marché (rires). Je l’ai écouté, je suis allé faire des tests au MHR et ils m’ont pris !"

à l’époque, le jeune Reda n’est pas bien épais. Un peu trapu dans l’enfance, il s’affine en grandissant. Ses classes, il les fait d’ailleurs surtout derrière. Avant de s’épaissir sur les bancs de musculation et de glisser, progressivement. "Je jouais troisième ligne, puis deuxième ligne mais, avec ma taille, je savais que je pouvais oublier le haut niveau. Il fallait que je joue pilier, raconte Wardi, d’un ton déterminé comme s’il revivait les événements. Dès lors où j’ai attaqué la muscu à fond, j’ai su que je voulais en faire mon métier. Je me suis forgé pilier. Quand j’entends dire : "ça viendra tout seul", je n’y crois pas, ce n’est pas vrai. Les choses, il faut aller les chercher." Cette ligne de conduite, il la fait sienne au quotidien, encore aujourd’hui. Sans relâche.

Le modèle Zirakashvili

"Il ne fait pas de bruit, il est très discret mais il bosse, il est déterminé, témoigne le troisième ligne international Grégory Alldritt. C’est toujours le dernier à sortir de la salle de muscu, du terrain d’entraînement. S’il peut venir les jours off faire des skills ou du physique, il le fait. Franchement, Reda, il en a impressionné plus d’un." Son manager Jono Gibbes, aussi, l’érige en "exemple". C’est simple, le pilier n’a jamais laissé insensible ses différents staffs (lire ci-contre). "Je suis content qu’on me voit comme ça, en rougirait presque l’intéressé. Le rugby, ça ne dure pas longtemps, je n’ai pas envie d’avoir de regrets à la fin. Je l’ai pris de ma mère, ce trait de caractère. Je suis très proche d’elle, je suis fils unique et je n’ai qu’elle. Partir loin de chez moi, c’était un peu un déchirement. C’est pour ça qu’en partant, je me suis dit : "Il faut que ça paye !" C’est un rêve de jeunesse que je vis. Le rugby m’a tellement donné et j’ai déjà envie de lui rendre. Je fais les démarches pour démarrer, l’an prochain, un diplôme d’entraîneur. Former les jeunes, ça me plaît beaucoup. Transmettre ce que j’aurais pu apprendre." De la bouche, par exemple, de Davit Zirakashvili, consultant mêlée auprès du Stade rochelais cette saison.

Sur mon téléphone, je jouais beaucoup à des jeux de football américain. Je faisais des toupies, des trucs comme ça. Donc, au collège, j’essayais des trucs que je faisais sur mon téléphone. Visiblement, ça a marché (rires).

"Je parle beaucoup avec Dato, abonde Wardi. Des mecs comme lui, il n’y en a pas beaucoup. Il est extraordinaire. Il m’aide à progresser dans l’adaptation à l’adversaire, en plein match, pour avoir plusieurs cordes à mon arc. Des vices, j’en ai un peu mais je veux aller encore plus loin pour lire mes adversaires. Leur fatigue, leurs faiblesses, leurs failles. Ça me travaille. Beaucoup pensent que la mêlée est uniquement une épreuve de force. Pas du tout. Le meilleur, c’est le plus intelligent. C’est de la lecture, c’est un jeu d’échecs. Mais que du non verbal. Si tu parles et que tu te retrouves sur le toit la mêlée d’après… vaut mieux la fermer (rires)." Et le maillot bleu, alors, dans tout ça ? "Si la porte s’ouvre au plus haut niveau, je rentrerai dedans !", avait-il lancé en tout début de saison. "Ah oui, c’est vrai que j’avais dit ça, rigole Reda Wardi aujourd’hui. Si ça ne vient pas, je continuerai à travailler pour." Un trophée soulevé à Twickenham aurait sans doute valeur de billet quasi garanti pour Marcoussis.

Digest

  • Né le : 2 août 1995 à Montpellier (Hérault)
  • Mensurations : 1,85 m, 110 kg
  • Surnom : Fry / Fryou
  • Poste : Pilier gauche
  • Clubs successifs : Montpellier (2007-2015), Béziers (2015-2019), La Rochelle (depuis 2019)
  • Sélections nationales : Aucune

« Reda prend tous les droitiers ! »

Qui mieux que Romain Carmignani, à La Rochelle et même bien au-delà, connaît Reda Wardi ? Le rugbyman comme l’homme, d’ailleurs. Et pour cause, passé par Béziers, l’entraîneur adjoint des avants n’est autre que son tout premier entraîneur, chez les professionnels. "Avec Many (Edmonds, N.D.L.R.), on est allé le chercher chez les espoirs de Montpellier. Reda, c’est sa force de caractère et sa culture autour du travail qui lui permettent aujourd’hui d’être à ce niveau-là. Cette capacité à, tous les jours, venir travailler et chercher quelque chose, c’est… incroyable, incroyable, incroyable, insiste "Carmi", admiratif et tout sauf étranger à la signature du pilier héraultais, en 2019. On m’a demandé ce que je pensais de lui. Reda, on peut y aller les yeux fermés. Il est dans le profil de notre club. On a besoin de top player, c’est sûr, mais on a besoin aussi de mecs qui soient là tous les jours, qui stimulent. Aujourd’hui, nous, on détecte du talent mais si le joueur ne le cultive pas… À force d’empiler tous les jours, Reda dépasse beaucoup de mecs qui étaient plus talentueux que lui au départ. Il n’est pas loin du bout. Il a le potentiel pour y aller, en équipe de France. Il a fait tous les gros matchs, il prend tous les droitiers !" Deux semaines après avoir mis au supplice Furlong, Wardi s’attaque samedi au massif Charlie Faumuina. Leur troisième face-à-face, cette saison.

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