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Dans les coulisses du rebond rochelais après la défaite européenne

Par Romain Asselin
  • En parvenant à remobiliser leurs troupes après la finale de Champions Cup perdue il y a un peu plus d’un mois, le duo Jono Gibbes - Ronan O’Gara (photo de droite) a su mener les Rochelais d’Arthur Retière, Romain Sazy et Tawera Kerr-Barlow (photo de gauche) jusqu’en finale de Top 14. Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany
    En parvenant à remobiliser leurs troupes après la finale de Champions Cup perdue il y a un peu plus d’un mois, le duo Jono Gibbes - Ronan O’Gara (photo de droite) a su mener les Rochelais d’Arthur Retière, Romain Sazy et Tawera Kerr-Barlow (photo de gauche) jusqu’en finale de Top 14. Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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De retour au niveau requis pour remporter le Brennus, les Rochelais ont su surpasser la désillusion de Twickenham pour s’offrir une seconde opportunité de décrocher le premier titre majeur du club à la caravelle. Le duo Gibbes-O’Gara, déjà confronté à pareille situation par le passé, a joué un rôle prépondérant.

Une sortie de route, dans la course au Brennus, tient parfois à un cheveu. Que serait-il advenu de ce si séduisant Stade rochelais, version 2020-2021, si Jules Le Bail, buteur de "rechange", n’avait pas passé la pénalité de la qualification directe dans le dernier carré du Top 14, début juin, à Clermont ? Très franchement, bien malin qui peut dérouler le scénario précis, à cette interrogation maintes fois entendue, cette semaine encore, du côté de Deflandre. Mais il y a quelques signes qui ne trompent pas. Voir, par exemple, en tout début de semaine, un Grégory Alldritt insister autant sur la nécessité presque absolue d’avoir évité un barrage vous donne déjà la tendance. Pas sûr que le club à la caravelle se serait invité à la table de la finale avec un tel statut d’épouvantail. Pas sûr, d’ailleurs, qu’il se serait hissé, tout court, jusqu’au Stade de France, dernière marche avant le Brennus. Non pas que ses guerriers n’en avaient plus sous le capot, physiquement. Mentalement et émotionnellement, en revanche, ils étaient au bord de l’asphyxie. Encore profondément hantés par leur revers en défaite de Champions Cup, face au Stade toulousain (22-17), le 22 mai dernier. "C’était primordial d’être off pendant les barrages, revendique pleinement le troisième ligne international. Vous l’avez vu après la finale, on était touchés. Les deux journées de championnat suivantes étaient poussives, on n’a pas joué comme d’habitude. Le club nous a donné quatre jours pendant cette semaine de barrages. Pendant quatre jours, je n’ai pas mis un pied au club ! Je me suis complètement vidé la tête, ça m’a fait énormément de bien. Ça m’a permis d’évacuer ce trop-plein. Je ne sais pas ce que c’était… cette émotion, ce sentiment que j’avais depuis cette finale. Il fallait couper avec le rugby. Quand on est revenu ? Tout le monde dans la bonne humeur, tout le monde avec le sourire. On avait basculé sur l’objectif." Au point de ne faire qu’une bouchée du Racing 92 (19-6), la semaine passée, en demie du Top 14. Ou comment La Rochelle a, au moment idoine, retrouvé toute sa superbe.

Zéro panique, au sein du staff

Coupure salvatrice, donc. Point final d’un délicat processus de cicatrisation entamé la nuit même qui a suivi la désillusion de Twickenham. Il y a eu d’abord cette communion inattendue, à 2 heures du matin, avec les quelque 250 supporters présents à la descente de l’avion, sous la pluie. "Un moment magique", glissait alors Uini Atonio, subjugué comme jamais par un tel soutien, qui plus est un soir de défaite. La suite appartient aux coulisses, loin des caméras. Elle a commencé à s’écrire quelques minutes plus tard, seulement. En pleine nuit, donc. Dans les couloirs de Deflandre, les attendaient les familles. "C’était important de rester tous ensemble, de digérer en groupe, de ne pas chacun partir dans son coin, chez soi, à faire la tête", mesure Alldritt avec le recul. Est ensuite intervenu un moment de "deuil" individuel, où chacun a tenté d’actionner ses propres leviers. Avant une douloureuse séance vidéo, deux jours plus tard. Et c’est à partir de là que deux hommes clés sont entrés en selle. Deux hommes au passif commun, à ce sujet.

Petit coup d’œil dans le rétroviseur. 14 mai 2016, Ronan O’Gara, alors entraîneur de la défense et du jeu au pied du Racing 92, perd une première finale de Champions Cup, face au Saracens (21-9). Un mois et dix jours plus tard, il remporte le Top 14 contre Toulon (29-21). 13 mai 2017, Jono Gibbes, alors entraîneur des avants de l’ASM, échoue sur la dernière marche européenne face à ces mêmes Sarries (28-17). Devinez quoi ? En juin de la même année, Clermont soulève le Brennus, là aussi, aux dépens du RCT (22-16). Sacré clin d’œil de l’histoire, alors que le duo n’est plus qu’à 80 minutes de refaire le coup. Ensemble, cette fois. Un mois après avoir allié les forces et les vécus respectifs, dans cette difficile épreuve de digestion. "Forcément, il y a une similarité. Avec une grosse déception, au bout, souligne le patron du staff maritime. Dans l’engagement à Twickenham, on a tout donné, on a joué avec un cœur énorme même si on n’a pas joué avec assez de précision dans les moments clés. C’était pareil avec Clermont contre les Saracens. La déception entraîne une détermination. Mon expérience m’a donné de la confiance, dans le fait de continuer d’être constant dans mon comportement. On a montré Ronan et moi, et les autres membres du staff, que l’on restait constant dans notre comportement et dans la préparation. Les joueurs avaient besoin de ça, ça leur a donné de la confiance, ils se sont dit que les solutions allaient arriver." Et elles sont arrivées. Sans paniquer. "Jono et Ronan n’étaient pas inquiets", confirme Grégory Alldritt.

"Ronan arrive toujours à te remobiliser"

Sitôt le retour en France, le technicien irlandais avait intimé au groupe de prendre le temps de digérer. De ne surtout pas "commettre la faute" de tout de suite rebasculer sur la fin du championnat, ni de "tout remettre en question". Des consignes qui trouvent écho chez Rémi Talès, ouvreur francilien sous les ordres de "ROG" en 2016. "La grosse force de Ronan, et je pense que Jono Gibbes est pareil, c’est d’être un gros, gros compétiteur. À l’époque, il nous répétait le terme qu’il aime bien : "opportunity !". Il disait que l’on avait une opportunité de rejouer une finale, un mois après, et qu’il fallait se servir de la frustration de la finale de Coupe d’Europe pour avoir encore plus faim pour celle de Top 14, se remémore l’ancien rochelais (2006-2011) dans un entretien à retrouver sur rugbyrama.fr. Ronan arrive toujours à te remobiliser, te pousser. Les mots qu’il emploie font que les mecs ont envie de le suivre. C’est vraiment un meneur d’hommes. Au-delà d’être un très bon entraîneur, il est très bon humainement. Entre les discours de "Dudule" (Brice Dulin), de Ronan et de Jono Gibbes qui ont tout gagné, c’est un gros plus pour leur équipe. Il y a plein de signaux positifs en faveur de La Rochelle. Cette défaite va leur apporter un supplément d’âme." Aux 23 Rochelais alignés en finale, maintenant, de saisir la balle au bond.

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