L'édito : La vie d'après

  • David Berty, ailier toulousain, contre les Tigres de Leicester en 1997
    David Berty, ailier toulousain, contre les Tigres de Leicester en 1997 ActionPlus / Icon Sport - ActionPlus / Icon Sport
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L'édito du vendredi par Léo Faure... Au coin d’une table - en vérité d’un comptoir - un ancien international glorieux confiait un jour la difficulté de la vie d’après. Celle des lumières éteintes, des obligations et de la reconversion professionnelle. La vie normale, vraie, enracinée dans une réalité sociétale que le professionnalisme a souvent rendue opaque aux acteurs les plus en vue du rugby.

Le choc, à l’en croire, ne serait pas tant la fin de la célébrité locale que la découverte brutale du quotidien de « monsieur tout le monde ». Comprenez, sans l’assistanat qui s’est sûrement mis en place dans les clubs professionnels, au service des joueurs, pour ne leur laisser à penser qu’au rugby, ses exigences, ses privilèges et ses sacrifices. Tout cet écosystème protecteur, parfois infantilisant et qui s’arrête au soir d’une carrière.

Soudain, du jour au lendemain, il faut s’acheter une voiture, un appartement, prendre un abonnement téléphone et internet, déclarer ses impôts. Ça vous paraît quelconque ? Ça l’est, sans aucun doute, pour qui s’y est attelé dès sa vingtaine, à l’aube d’une vie adulte dans les normes. Au terme d’une carrière où toutes ces banalités vous ont été pré-mâchées quinze ans durant, c’est un défi d’apprentissage pour retardataires qui s’impose aux joueurs pros, qu’on appellera bientôt « anciens joueurs pros ».

Ce défi de l’après, certains s’y sont perdus, en échec face à une nouvelle vie dont ils ne maîtrisaient pas les codes. D’autres, encore en activité, s’en inquiètent déjà. Tous trouveront dans le témoignage de David Berty (ndlr : p.20 du journal du vendredi 20 août) des mots qui forcent le respect, rendent humble et soudain moins plaintif.

Le parcours de vie de Berty, ardent ailier des plus belles années toulousaines, emprunte à ce que « la vie d’après » peut offrir de plus cruel. Il n’a pas choisi sa fin de carrière, les jambes sciées par la maladie. Il a dû affronter la maladie, justement - une sclérose en plaques - et la perspective d’une fin de vie en fauteuil, en même temps que le passage vers une vie normale, après celle charmante de joueur-star.

Rien ne s’est fait sans mal. Il le dit : « Je suis tombé en dépression pendant quatre ans. Une longue descente aux enfers. » Il dit aussi qu’il s’est battu, qu’il s’est relevé, qu’il aime désormais sa vie malgré ses duretés, qu’il n’a plus honte de rien.

Le témoignage est poignant, c’est peu de le dire. C’est celui d’un homme, bien avant d’être celui d’un joueur. C’est finalement le sens profond de son message : quelle qu’elle soit, la fin d’une carrière est l’effacement du joueur, pour faire de la place à l’Homme qui, à son tour, devra trouver sa paix intérieure. Il a réussi, malgré l’ampleur de son défi. Respect.

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