Biennale, pertes et profits

Par Rugbyrama
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L'édito du vendredi par Léo Faure... Jamais à court d’idée quand il s’agit de faire évoluer son sport et, reconnaissons-le, de lui offrir un développement économique depuis 20 ans à peu d’égal, l’instance suprême du rugby mondial prend cette fois les pas de son cousin du foot.

 

Depuis un mois, l’idée d’une Coupe du monde tous les deux ans agite le monde du ballon rond. Et voilà que le débat prend désormais des contours ovales. World rugby, donc, réfléchirait également à accélérer le temps et doubler la mise, avec une biennale du rugby mondial. Le conditionnel ne s’impose plus, d’ailleurs, puisque le directeur de World Rugby Alan Gilpin a vendu la mèche au quotidien anglais The Telegraph, en début de semaine.

Factuellement, on peut le comprendre. Gilpin est à la tête d’une institution qui tire l’immense majorité de ses revenus de ces rendez-vous planétaires, aujourd’hui tous les quatre ans. En doublant la fréquence, on doublerait ainsi les recettes ? Ce n’est évidemment pas si simple et, en business, 1+1 fait rarement 2.

La hausse des revenus serait tout de même substantielle. Dans un monde idéal - où l’argent ruisselle effectivement du sommet à la base - ces nouvelles entrées de « fraîche » pourraient sauver les grandes nations du sud face au gouffre de leurs finances, aider à structurer des nations émergentes et accélérer l’exploration de nouveaux territoires. Une perspective que World Rugby ne peut décemment ignorer.

Le problème est que l’intérêt d’un Mondial tous les deux ans est uniquement économique. Absolument rien d’autre ne pousse en ce sens. Sportivement, on s’approche même dangereusement de l’aberration. Et si, un brin romantiques, on veut toujours croire que dans l’expression « sport-entreprise », la notion de sport prévaut encore sur celle d’entreprise, cela devrait suffire à stopper un tel élan.

L’aberration est d’abord celle du calendrier, sempiternelle équation insoluble de ce sport. Pour faire simple : le rugby s’acharne aujourd’hui à faire rentrer 4 litres dans un bidon de 3 litres. Pas le moins découragé par l’impossibilité de la tâche (si ce n’est par la savante création des doublons), notre sport se dit désormais qu’il rajouterait bien 1 litre supplémentaire. Sans oublier qu’une Coupe du monde des clubs doit voir le jour en 2024. Tant qu’à faire.

L’aberration est aussi celle du prestige. Ce qui fait la valeur d’un titre mondial, c’est justement sa rareté. C’est là tout son sel. L’idée que la chance ne se présente qu’une fois tous les quatre ans, qu’il ne faille pas la rater aussi bien pour les équipes que les supporters, donne tout son éclat au plus grand des événements de rugby. En doublant son occurrence, on dévaluera d’autant son caractère sacré, en même temps qu’on plomberait la valeur d’un Tournoi des 6 nations.

Un titre de champion du monde, alors, deviendrait banal ? Il y a un peu de ça. Et c’est un risque que World rugby devra sérieusement évaluer, avant de s’engager sur le chemin d’un progrès uniquement pécuniaire.

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