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Dany Priso : « L'objectif est de retourner en équipe de France »

Par Romain Asselin.
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Publié le Mis à jour
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Pilier de La Rochelle Si son éviction du XV de France, juste avant le mondial 2019, a freiné son ascension, le natif de Loum (Cameroun) reste un phénomène à part. Le colosse aux 15 sélections en Bleu et quelque 110 matchs sous le maillot rochelais n’a qu’une décennie de rugby derrière lui. À désormais 27 ans, il compte bien reprendre sa marche en avant.

Quel regard portez-vous sur votre trajectoire atypique ?

Elle est folle ! C’est passé tellement vite. Je ne me rends même pas compte que ça fait dix ans que j’ai touché mon premier ballon. Je vis un rêve éveillé, tous les jours. Je sais que ça peut s’arrêter demain donc je profite au maximum. Une carrière est faite de hauts et de bas. Je pense que j’ai tout vécu.

Tout, sauf les joies d’un titre, finalement…

Je me retrouve en fin de contrat à La Rochelle. J’ai envie de gagner quelque chose avec ce club parce qu’il m’a tellement donné. J’ai vécu des choses extraordinaires, ici. Quand j’ai annoncé que je quittais Paris pour La Rochelle, tout le monde me disait : « Mais pourquoi tu fais ça ! ? » Le Stade français était champion de France en titre. J’ai senti beaucoup de réticences. Mais j’ai fait ce choix parce que j’en avais besoin. J’ai pensé à mon avenir. Je ne me suis pas trompé. Aucun regret.

Votre ascension n’aurait pas forcément été aussi fulgurante si vous n’aviez pas croisé la route de Patrice Collazo, non ?

Je ne l’ai jamais caché, c’est quelqu’un qui est super important pour moi et, je pense, pour beaucoup de mecs ici. Dont ce monsieur, avec sa grosse barbe, là-bas (il montre Uini Atonio). Il a su me donner la confiance dont j’avais besoin, il m’a toujours dit les choses en face. Jamais par derrière. J’adore ça. Si tu ne joues pas, tu sais exactement pourquoi.

Fonctionnez-vous à la franchise ?

Je n’aime pas les personnes qui tournent autour du pot. En début de saison, la première chose que je demande à mon manager, c’est : « s’il y a un truc qui ne va pas, on se met dans un bureau. »

En 2011, lors de votre tout premier entraînement, que connaissiez-vous au rugby ?

Franchement ? Rien ! (rires)

Vous aviez le football dans la peau…

Exactement. En Afrique, tu connais le foot ou… le foot ! C’est une religion. J’ai commencé au Cameroun où l’on jouait à tout va sur des terrains en terre cuite. J’ai joué toute mon enfance, jusqu’à mes 16 - 17 ans.

Quel poste ?

Presque tous. En France, je jouais plutôt devant mais, un jour, je me suis retrouvé au goal parce qu’il y avait un souci avec les gardiens. En fait, à chaque entraînement, on se mettait au but, histoire de faire quelques tirs entre deux exercices. Le coach m’a vu, il m’a dit : « Dis, ça t’intéresse ? ». J’ai fini au but comme ça (rires).

Gamin, imaginiez-vous faire carrière dans le football ?

Tous les jeunes africains en rêve. Je regardais jouer des mecs extraordinaires comme Milla, Eto’o, Foé ou encore M’Boma. J’avais envie de faire carrière. En même temps, je restais lucide. On nous a toujours dit de se concentrer sur les études. Je ne savais pas vraiment de quoi serait fait mon avenir.

Pas d’idée d’études en tête, à l’époque ?

Pas spécialement. Après, j’ai toujours essayé de suivre la voie de mes grands frères, mes exemples. Ils se sont toujours battus pour avoir ce qu’ils ont aujourd’hui. En les voyant réussir, je me devais de faire pareil parce que j’ai deux petits frères, derrière. Je me voyais mal assumer le rôle de celui qui ne réussit pas dans la famille. Ça aurait été de ma faute s’ils s’étaient loupés. Ma maman, aussi, s’est battue pour nous.

Que voulez-vous dire ?

C’est grâce à ma maman que je suis devant vous. Le combat qu’elle a mené pour nous faire venir en France est un exemple. Ce n’est pas facile de faire rentrer trois enfants, d’un coup. On essaie de le lui rendre au maximum, avec mes frères, mais on ne pourra jamais la remercier assez pour tout ce qu’elle a pu faire pour nous.

Quelle place occupe votre famille dans votre carrière de sportif professionnel ?

Elle arrive à me remettre les pieds sur terre. Tu peux très vite prendre la grosse tête et sortir du cadre. Tout est allé tellement vite que je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. C’était fou. À peine je commençais à réaliser une chose qu’une autre arrivait derrière. C’était difficile de tout digérer. Mais je suis très bien entouré. Mes proches n’ont pas leur langue dans leur poche. Même s’ils n’y connaissent rien au rugby, si je suis nul pendant un match, ils vont me le dire direct (rires).

Ne l’avez-vous pas prise, la « grosse tête », à un moment ?

En tout cas, je n’espère pas. J’espère que ce n’est pas ce que j’ai montré à des personnes. Je suis un mec plutôt simple, je ne fais pas beaucoup de bruit. Je reste dans mon coin. Aujourd’hui, j’ai un enfant, j’essaie d’inculquer ces valeurs à ma fille. J’espère être resté tout le temps le même, en étant le moins arrogant et le moins prétentieux possible.

Il s’est dit, en coulisses, que votre attitude, pendant les stages de préparation au mondial 2019 vous avait coûté votre place au Japon. Info ou intox ?

Si le staff avait un problème d’attitude à me reprocher ? Je n’ai pas eu écho de ça. Je ne pense pas avoir été quelqu’un d’arrogant ou qui a manqué de respect à qui que ce soit. Après, si quelqu’un avait quelque chose à me dire, il fallait le faire. Droit dans les yeux. Je ne suis pas un enfant. Je pense que je suis en capacité de comprendre, si jamais quelque chose ne va pas, et de rectifier. En tout cas, j’espère que je montre un autre visage aujourd’hui. Je suis une personne simple, qui aime travailler. Je me donne les moyens de pouvoir réussir.

Comment avez-vous vécu cette éviction alors que, jusque-là, tout semblait vous sourire ?

Ça m’a perturbé parce que je n’ai jamais triché. Je me suis donné à fond pendant la prépa et je pense que personne n’avait rien à dire là-dessus. J’étais prêt. Évidemment, j’ai respecté la décision du sélectionneur et de tout le staff.

N’aviez-vous rien vu venir ?

J’ai commencé à le comprendre pendant les matchs amicaux. Sur le premier, on me dit que j’y suis (sur la liste, N.D.L.R.). Sur le deuxième, il devait y avoir un turnover. Ça n’a pas tourné, donc j’ai compris que ça ne sentait pas très bon. La période n’a pas été facile. Aujourd’hui, elle est complètement digérée. Je suis heureux dans ma vie. L’objectif est de retourner en équipe de France. Quand on y a goûté, on veut y être tout le temps. Je me donne les moyens.

Votre saison post-Mondial a freiné votre ascension. Le contrecoup de la déception ?

Tout est lié. J’étais sur une bonne dynamique et ça m’a mis en coup. Derrière, j’ai cette blessure au doigt…

On ne l’apprendra d’ailleurs que bien plus tard. Lorsque vous subirez une opération, en septembre 2020…

J’ai un doigt qui était mort, tout simplement ! Quand le chirurgien l’a vu, il m’a dit : « Je ne sais pas comment tu fais… ». J’avais la totale. J’ai tenu un an comme ça…

Un an !

J’ai serré les dents parce qu’en tant que joueur, on a toujours envie de jouer. Et le club avait besoin de moi, dans une période compliquée. Je pense beaucoup au collectif et, parfois, je n’écoute pas mon corps. Je ne dis pas que j’ai mal parce que l’équipe a besoin de moi et je dois beaucoup à ce club. Bon, au bout d’un moment, il fallait dire stop. C’était la meilleure décision. On ne peut pas être tout le temps en haut de l’affiche. J’ai fermé ma bouche et j’ai travaillé pour revenir au meilleur de ma forme.

Vous parliez de votre sens du collectif. Vous aviez pris l’initiative d’organiser un barbecue, en fin de saison dernière, pour saluer notamment les Rochelais sur le départ. C’est une facette de votre personnalité que l’on connaît moins…

Pour moi, la vie de groupe est importante. Tout seul, tu n’es rien. Tu n’avances pas. C’est hyper important de se dire bonjour en arrivant le matin. Après, chacun a sa vie en dehors, tu ne peux pas t’entendre avec tout le monde. Mais au moins, j’essaie d’apporter du sourire, de rendre les mecs joyeux. J’ai travaillé sur moi, d’ailleurs. Quand je ne suis pas content, je suis fermé et ça se voit rien qu’à ma tête. (rires)

Aujourd’hui, visiblement, vous êtes content…

Je suis heureux. Pourquoi être malheureux ? On a une très belle vie, dans une belle région, avec un club de fou et des fervents supporters qui nous suivent peu importe ce qui se passe le week-end. J’ai ma fille, je suis bien.

Heureux au point de vouloir rester ? Vous évoquiez votre fin de contrat, plus haut…

Je suis ouvert à toutes les discussions. Si j’ai toujours renouvelé à La Rochelle, c’est parce que j’avais une vie qui me convenait. Je ne suis pas fermé à l’option de rester. Maintenant, il faut entrer en discussion et faire les choses proprement.

De nombreux autres cadres du vestiaire sont dans la même situation. Parvenez-vous à rester totalement hermétiques à vos situations personnelles ?

Beaucoup de joueurs vont se poser des questions pour savoir ce qu’ils vont faire, l’année prochaine. Forcément, à un moment ou un autre, ça va impacter. Aujourd’hui, je ne me prends pas du tout la tête avec ça. Je ne suis pas de nature stressée. Des opportunités s’ouvrent. Je reste juste focalisé sur mon job. Si le club veut me garder, on fait ce qu’il faut et si on trouve un bon terrain d’entente, ça va le faire.

Comment imaginez-vous cette seconde décennie de rugby qui s’ouvre ?

Aujourd’hui, je commence à faire partir des anciens (sourire). Déjà, si ça doit se finir avec La Rochelle, j’aimerais finir sur une belle note. C’est un de mes objectifs.

Un trophée, forcément…

Ce serait la plus belle chose que je pourrais laisser comme empreinte dans ce club. Je ne sais pas de quoi demain sera fait mais, en tout cas, j’essaie de garder les pieds sur terre, de continuer à bosser pour être performant. J’espère que ça va se voir et que les futures années seront belles.

Ce premier titre, vous l’avez effleuré notamment en finale de Champions Cup, à Twickenham. Le jour de votre centième sous le maillot rochelais. Ça aurait été un beau clin d’œil, après dix ans de rugby…

C’était vraiment dur de perdre ce match. On s’est tué tout seul. Pour la 100e, ça aurait été un super cadeau. C’est simplement que ce n’était pas notre jour. Pas mon jour. Il viendra.

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