L'édito : ascenseur vers l’ambition

  • Thomas RAMOS (Toulouse), face à Castres.
    Thomas RAMOS (Toulouse), face à Castres. Icon Sport - Icon Sport
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L'édito du lundi par Emmanuel Massicard... Les puristes vont hurler. Du moins, ceux qui trouvent matière à disserter de la beauté sourde d’un 3-3 (ne riez pas, le récent Brive-La Rochelle s’est terminé par un surprenant 6-8) et qui « orgasment » en zieutant la moindre montée défensive. Ceux-là n’apprécieront donc pas l’idée d’avoir à rechercher le spectacle disparu des terrains de Top 14. Parce que, pour eux, le jeu de rugby n’appartient pas au monde du cirque. Et même pas à l’industrie du divertissement.

En levant la tête, ces amateurs de l’entrée au casque verraient pourtant la tendance actuelle de notre championnat. Où l’on marque moins d’essais, avec moins de temps de jeu mais toujours autant d’arrêts, dus aux erreurs, mêlées et pénalités, qui fragmentent le plaisir.

À tel point que les stades ne se remplissent pas toujours et que les prime time du samedi/dimanche soir peinent à contenter le diffuseur. Plus problématique à nos yeux : au bout de la chaîne, l’équipe de France comptera bientôt les défauts de fabrication dans la cuirasse tricolore. Car, aussi talentueux soient-ils, certains ne sont pas assez confrontés aux formats et exigences du très haut niveau.

Évidemment, tout n’est pas à jeter dans le rugby français d’aujourd’hui. La fantasia toulousaine est encore venue nous rappeler samedi soir combien elle peut être entraînante, la réaction clermontoise renversante et les fulgurances parisiennes, lyonnaises, montpelliéraines ou biarrotes déconcertantes.

Ces performances font résonner l’évidence : quand il n’y a rien à jouer, autrement dit quand le moment n’est pas encore venu des matchs décisifs (pour une qualification, un titre, une montée ou une relégation), le Top 14 nous offre de belles montées d’adrénaline. Par instants.

Assez pour oublier quelques moments l’étouffoir des combats de clochers et, c’est l’effet rebond, réveiller les plus profonds fantasmes du rugby pro « made in France ». On parle de « réduction de l’élite » (pour tuer les doublons) et « suppression des phases finales » (pour tuer les impasses), soit un double coup de canif’planté dans le dos du rugby français ainsi privé de sa poule aux œufs d’or et enfermé à perpétuité dans son régionalisme…

Mais revenons au sujet du moment. Et à la part de risque qui guette. Sans minorer l’enjeu du spectacle, revenons ainsi aux Bleus qui n’ont plus que deux ans pour être champions du monde et ainsi faire basculer l’ensemble du rugby français dans une autre dimension. Attardons-nous sur cette jeunesse dorée qui piaffe de talents et d’impatience, mais qui doit se faire les dents avec ce championnat où l’on joue encore trop pour ne pas perdre, le pied sur le frein au lieu d’accélérer la montée en régime. Elle a tout pour adopter ce rugby de débauche énergétique, parfois orgiaque et surdimensionné, qui conduit certes plus à la faute que de raison mais qui a tout pour faire chavirer le cœur des aficionados et, surtout, des adversaires.

Ne vous y trompez pas, c’est à force d’habitudes que la main-d’œuvre tricolore deviendra ultra-qualifiée. Et c’est au prix d’un Top 14 de plus en plus riche en rencontres à haute intensité que Fabien Galthié, le sélectionneur qui compte les matchs, gagnera ce précieux temps qu’il tente d’apprivoiser depuis le début de son mandat. Alors, par-delà le spectacle, si les clubs doivent épouser la cause tricolore, c’est bien en augmentant le curseur de leur propre rugby et de leurs ambitions.

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