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Il y a dix ans, le centième derby basque avait été animé

Par Rugbyrama
  • Lucien Harinordoquy, père d’Imanol, s’était invité au débat de ce derby Biarritz - Bayonne à nul autre pareil. Disputé en pleine semaine (un mardi) après que l’effectif bayonnais fut frappé d’une épidémie d’oreillons, ce match est entré dans la légende.
    Lucien Harinordoquy, père d’Imanol, s’était invité au débat de ce derby Biarritz - Bayonne à nul autre pareil. Disputé en pleine semaine (un mardi) après que l’effectif bayonnais fut frappé d’une épidémie d’oreillons, ce match est entré dans la légende. MIDI-OLYMPIQUE - PATRICK DEREWIANY
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Une rencontre reportée pour cause d’épidémie d’oreillons et disputée en semaine. Une équipe du BO au plus mal, sauvée par une pénalité de Julien Peyrelongue à la fin d’un match marqué par l’entrée de Lucien Harinordoquy sur la pelouse. Le centième derby entre Biarritz et Bayonne est resté dans les mémoires. Dix ans après, quelques acteurs racontent leurs souvenirs.

À quelques mois près, on aurait très certainement écrit que le derby, qui se disputa le 29 novembre 2011, était le plus dingue de ces vingt dernières années. Mais voilà, à l’été 2021, Steffon Armitage et sa bande sont venus écrire l’histoire en remportant le match d’accession face à Bayonne, après une invraisemblable séance de tirs au but. Cependant, vous conviendrez que la rencontre qui opposa les deux voisins, il y a dix ans réunissait aussi, à elle seule, tout ce qui caractérise cette guerre de clochers : de la passion, de l’excès, du suspens et une joie démesurée pour le vainqueur.


Un match le mardi, arbitré par un Irlandais

Retour dix ans en arrière. Initialement prévu début novembre, ce match était reporté à la fin du mois à cause d’une épidémie d’oreillons, obligeant les instances de la Ligue à programmer la rencontre un… mardi. La rencontre, qui devait dans un premier temps se jouer à Anoeta (Saint-Sébastien), avait été relocalisée à Aguilera, et en ce soir de novembre 2011, le BO était au plus mal : bon dernier du classement, avec seulement dix points. Les Rouge et Blanc n’avaient d’ailleurs toujours pas gagné face à leur public en championnat.

« Nous n’étions pas très bien. Les internationaux étaient revenus de la Coupe du monde et nous avions besoin d’une victoire », se souvient aujourd’hui Sylvain Marconnet. « Vous prenez le contexte d’un derby classique, plus celui d’un début de saison loupé et d’une équipe à faire remonter au classement, donc c’était un peu pesant. En amont du match, ça sentait déjà la poudre. »

Titulaire au talon ce soir-là, l’actuel président de l’US Dax, Benoît August complète : « C’était relativement tendu. Il me semble que l’année d’avant, il y avait eu quelques contentieux, que les derbys avaient été chauds. Nous avions une obligation de gagner. Ça rajoutait quelque chose à la dramaturgie du match. »

Aussi, il s’agissait du centième derby de l’histoire. Ce n’est qu’un chiffre, complètement anecdotique, on vous l’accorde, mais dans l’inconscient collectif, ça rajoute un peu de piment. « Depuis 2005, nous avions pris la mesure de l’importance que pouvait avoir ce match au-delà du rugby, avoue August. Le centième, on savait qu’il allait rester dans l’histoire et qu’on en reparlerait. C’était peut-être plus intéressant de le gagner que de le perdre. »

Pour diriger ces retrouvailles entre voisins, c’est l’irlandais Peter Fitzgibbon qui avait été choisi. Une désignation qui avait été vue d’un bon œil par les Biarrots. Le pilier international Sylvain Marconnet (84 sélections) développe : « Pour fréquenter les arbitres étrangers lorsque j’étais avec les Bleus, je savais qu’il allait avoir des points de vigilance sur les rucks. Je m’étais dit que ça favoriserait un peu le jeu et qu’il y aurait un peu d’impartialité. Souvent, on pense faussement qu’il y a un parti pris. Il n’y en a jamais eu. » Entraîneur du BO à l’époque, Jack Isaac ajoute : « Ça allait être bien pour, peut-être, calmer les esprits et essayer de pratiquer un rugby correct, en dehors du contexte très fermé du derby. »
 

L’entrée « surréaliste » de Lucien Harinordoquy

Pourtant, cette bataille entre les deux frères ennemis s’enflammait rapidement et après moins de dix minutes de jeu, on assistait à l’événement le plus improbable de ces dernières années sur un terrain de rugby : l’entrée sur le terrain de Lucien Harinordoquy pour venir défendre son fils, Imanol, au cœur d’un accrochage sur la pelouse d’Aguilera.

Un événement qui a marqué l’histoire du derby et qui rappelle, ô combien cette rencontre anime les passions de manière démesurée. « Les Bayonnais marquent sur l’action (l’essai sera finalement refusé, N.D.L.R.). On est derrière les poteaux, on voit que ça s’accroche, donc on vient à l’aide d’Imanol, décrit Benoît August. Je vois quelqu’un rentrer sur le terrain. Je me rends compte rapidement que c’est le Papa d’Imanol, que je connais bien. Je vois surtout qu’il arrive sur Benjamin Boyet, que je connais aussi très bien. Je sais qu’il a fait du judo à très haut niveau et je me dis que ça peut aller très vite. Je suis allé à la rencontre de tout le monde, pour dire que c’était le Papa d’Imanol. Nous avons beaucoup de respect entre nous, joueurs de Biarritz et de Bayonne, et je savais que ça n’irait pas plus loin de toute façon. »

Le talonneur du BO décidait alors de raccompagner Lucien Harinordoquy sur la touche où le service de sécurité d’Aguilera l’attendait, pendant que son fils ramassait ses lunettes sur la pelouse. Cette irruption, qui avait suscité l’étonnement, n’avait néanmoins pas déstabilisé les rouge et blanc. « À la mi-temps, nous avions essayé de calmer un petit peu les esprits, mais nous n’en avions pas parlé », raconte Isaac.
 

Julien Peyrelongue ne tremble pas

Dix ans après, les acteurs du match ont toujours la même réaction lorsqu’ils évoquent cet épisode. « Jamais on ne s’attend à un moment comme ça », sourit Julien Peyrelongue. « À part quelques strikers, je n’ai pas trop vu de tierces personnes sur les terrains. Là, c’était surréaliste. Il s’agissait de chamailleries somme toute classiques. Imanol n’avait pas pris de coup de pompe, au sol ou quoi que ce soit, qui engendre une réaction surdimensionnée de la part d’un spectateur. C’est la chose la plus surréaliste que j’ai vécue sur un terrain de rugby », ajoute Sylvain Marconnet. « Personne ne lui en a voulu, rebondit Benoît August. Il a fait des excuses en suivant et malgré ce que peuvent en dire les Bayonnais, je pense que ça n’a pas eu d’impact sur le score du match. »

La rencontre, justement, voyait le BO et l’Aviron se livrer une féroce bataille. À sept minutes de la fin, Sam Gerber était à la réception d’une passe au pied de Benjamin Boyet et l’ailier bayonnais servait Thibault Lacroix sur un plateau. L’Aviron reprenait un petit point d’avance (18-19). « À ce moment, on se rend compte que des supporters adverses se mettent à chanter la Peña Baiona, se remémore Peyrelongue. C’est dur et on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de Bayonnais dans le stade. »

Pourtant, à quelques secondes de la sirène, les Bleu et Blanc commettaient un en-avant dans leur camp. Le jeune Yvan Watremez (22 ans à l’époque) faisait l’effort face à l’expérimenté Neemia Tialata, Eugene van Staden prenait le dessus sur « PP » Lafond, et la mêlée biarrote renversait le pack adverse offrant, ainsi, la balle de match à Julien Peyrelongue. Auteur d’un 100 % jusque-là, le numéro 10, à qui incombait la responsabilité du tir au but en l’absence de Dimitri Yachvili (revenu blessé du mondial), ne tremblait pas et délivrait tout un peuple. « Je me souviens surtout de la sensation quand je tape le ballon, détaille-t-il une décennie plus tard. Au moment où je le frappe, je me dis qu’il y a de bonnes chances qu’il rentre. Ça reste un super souvenir personnel et, surtout, pour le club, car nous étions vraiment en galère depuis le mois de septembre. »

Remplacé à vingt minutes de la fin par Arnaud Héguy, Benoît August, qui a donc vécu ce moment depuis le banc de touche, complète : « Franchement, quand il l’a prise, même si on a l’habitude de rigoler avec lui, on savait qu’il aurait le sang-froid et la capacité de la taper. Ce sentiment, quand la pénalité passe, je m’en souviens. Ça avait été extraordinaire. C’est fabuleux, parce qu’il y a beaucoup de choses qui rentrent en compte : le fait que tu bats Bayonne, c’est énorme. Tu évites une défaite à la maison. Tu gagnes ton premier match à domicile sur une rencontre relativement engagée, donc tu te rassures. Et tu vas passer une très bonne soirée. »

L’histoire retiendra également que trois saisons plus tard, Matthieu Ugalde crucifiera le BO à Aguilera avec un drop sur la sirène (8-11) et dix ans après Peyrelongue, à quelques mètres de la tentative de l’ouvreur, Steffon Armitage renverra, d’un coup de pied, le BO en Top 14. Par la même occasion, ce match de juin 2021 volera, à la rencontre de 2011, le titre honorifique du plus fou des derbys…

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