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Handré Pollard : "L’histoire de Mapimpi m’a bouleversé"

Par S. V.
  • Handré Pollard a été l'un des artisans majeurs dans la conquête du titre des Boks en 2019
    Handré Pollard a été l'un des artisans majeurs dans la conquête du titre des Boks en 2019 PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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Acteur majeur du titre mondial, le champion du monde raconte, de l’intérieur, les coulisses du tournage du documentaire "Chasing the Sun", qu’il estime très réaliste et complet.

Qu’avez-vous pensé du documentaire ?

Je l’ai vu à sa sortie en Afrique du Sud en 2020. Je dois dire que j’ai pris énormément de plaisir à le regarder. J’avais oublié beaucoup de choses, avec le temps. Nous étions tellement concentrés sur la compétition et le rugby que j’avais même carrément manqué certains passages, notamment sur les histoires de vie de certains joueurs. Je pense à celle de notre ailier Makazole Mapimpi. La majorité d’entre nous ne connaissait pas son histoire, c’était génial à regarder. Aujourd’hui, je suis très heureux que ce documentaire soit sorti. Cela nous fera de magnifiques souvenirs quand on sera vieux !

Vous dites que le documentaire vous a appris des choses ?

Tout à fait. Comme je le disais, on ne connaissait pas exactement toutes les histoires personnelles des joueurs. Mapimpi en fait partie. Nous savions qu’il venait, comme d’autres, d’un milieu difficile mais je ne savais pas tout. D’abord parce qu’il est quelqu’un de très discret, qui ne parle jamais de lui. Ensuite parce que l’anglais n’est pas sa langue maternelle. Il y a donc eu une barrière de la langue à son arrivée dans le groupe, en 2018, même s’il a beaucoup progressé depuis. Cela peut paraître fou de dire cela, mais on compte pas moins de cinq langues différentes dans notre groupe. Cela a pris du temps avant que l’on se connaisse tous correctement. Après tout ce que l’on a traversé ensemble, on se connaît désormais très bien.

Avez-vous trouvé le documentaire fidèle à la réalité ?

Oui. Bien sûr, c’est un documentaire donc il doit être divertissant à regarder. Dans la réalité, les choses n’étaient pas aussi roses et nos sentiments de joie ou de frustration étaient bien plus forts. Mais je dirai que 99 % du reportage est juste, c’est une très bonne immersion au sein d’une sélection nationale qui traverse des épreuves.

Quel serait le 1 % manquant ?

Nous n’avions pas tous les récits de vie dont je vous parlais précédemment. Pour le reste, notre quotidien en tant qu’équipe a été très justement restitué.

Comment vous a-t-on présenté le projet ?

Très simplement. Rassie nous a convoqués un jour pour nous présenter le chef de l’équipe de tournage. Il nous a expliqué qu’il serait avec nous à chacune de nos réunions, avec une caméra. On nous a expliqué qu’il disposerait aussi des micros au sol, pour enregistrer tout ce que l’on disait, mais cela ne nous a pas dérangés outre mesure. On a toujours fait preuve d’une grande transparence entre nous, personne ne parlait dans le dos d’un autre. Nous n’y avons pas vraiment prêté attention.

Au début du reportage, les Springboks sont pourtant dans une position sportive très délicate… Vous ne vous êtes pas dit que c’était la dernière chose dont vous aviez besoin ?

Nous aurions pu nous renfermer sur nous-mêmes, mais nous ne l’avons pas fait. Tout le monde était aligné sur la décision de Rassie, qui nous a toujours répété que le plus important était de bien jouer au rugby. Honnêtement, nous avions des problèmes bien plus importants à gérer qu’une caméra placée au fond de nos salles de réunion…

Comment les joueurs ont réagi à ce projet ?

Personne n’a vraiment réalisé ce qui se passait. Au début on voyait ce gars avec une caméra mais rapidement nous n’y avons plus prêté attention. On ne s’attendait pas à ce que le reportage soit si excellent. Si on l’avait su, peut-être que certains joueurs auraient été plus volontaires pour se prêter à l’exercice. Encore une fois à ce moment-là, on avait vraiment du pain sur la planche.

Quel a été votre épisode préféré ?

Je les ai tous aimés mais mon préféré reste celui sur Makazole. Son histoire de vie est incroyable. Elle m’a bouleversé. Lors du Rugby Championship qui a précédé la Coupe du monde, le staff a demandé à chaque joueur des photos de ses proches, pour les inclure dans les numéros de nos maillots. Makazole n’est venu qu’avec des photos de lui, car il n’a plus de famille du tout. C’est terrible. Son histoire est folle, mais je suis heureux de voir où il est arrivé aujourd’hui.

Le reportage restitue-t-il bien les méthodes de management de Rassie Erasmus ?

Le reportage ne vous montre pas tout, mais ce que l’on voit illustre bien la personnalité de Rassie : un mec droit, honnête, transparent, qui ne fait jamais de secrets. Avec lui, on peut parler de tout sereinement, même des sujets les plus épineux. Et nous, les joueurs, on adore ça. C’est tout ce que l’on demande à un entraîneur.

Dans son dernier discours avant la finale du Mondial, il martèle que "vous n’avez pas le droit de vous soucier de vos erreurs". Pourquoi ?

Pour nous retirer de la pression. C’est le problème des grands matchs : l’enjeu vous terrorise. Vous songez plutôt à ne pas faire d’erreur, plus qu’à bien jouer. C’est l’erreur à ne pas faire, même si c’est humain. Il a eu raison de nous dire cela. Cela nous a fait un bien fou. Cela nous a fait comprendre qu’on ne jouait pas que pour nous, mais pour tous les gens qui nous suivaient au pays et qui faisaient face à des situations critiques.

On saisit aussi la présence et l’influence de Jacques Nienaber, aujourd’hui sélectionneur…

Tout à fait. Jacques a toujours été à notre contact, sur le terrain. C’est un excellent entraîneur qui était dans l’ombre de Rassie d’un point de vue médiatique, mais pas sportif. Sa promotion assure de la continuité à notre équipe, c’est très bien car un changement de sélectionneur bouleverse souvent beaucoup de choses. Pas cette fois, Jacques a gardé les mêmes méthodes.

Le documentaire résume trois ans en six épisodes, de vos terribles défaites contre la Nouvelle-Zélande ou l’Italie en 2016 jusqu’au titre en 2019. Avec le recul, réalisez-vous à quel point l’Afrique du Sud revient de loin ?

C’est fou, oui… On a traversé tellement d’épreuves. Je me demande encore comment on a fait tout ça. Cela n’a pas été un chemin tout droit. Même en 2018 et malgré le fait que nous parvenons à battre les Blacks, nous sommes loin du compte alors que la Coupe du monde arrive à grands pas. Nous avions tout simplement foi en notre staff. On lui faisait une confiance aveugle. On se faisait aussi confiance mutuellement, entre joueurs car nous avions traversé des moments douloureux qui nous avaient rapprochés.

Vous avez eu une vie bien différente de celle de Siya Kolisi ou Makazole Mapimpi. La diversité est-elle la vraie richesse de cette équipe ?

C’est ce qui rend cette équipe spéciale. Le documentaire raconte de très belles histoires de vie, mais il y en a tellement d’autres à raconter ! Cette sélection est celle d’une nation du tiers-monde. Ce n’est pas facile de vivre dans un tel pays. Dès votre naissance, vous devez vous battre. C’est gravé en nous. On sait qu’à un moment ou à un autre, on va être confronté à des choses graves. On respecte les gens qui se battent. Et quand on est en équipe, on sait que le mec à côté de nous s’est battu aussi, qu’il a traversé des moments difficiles. Bien sûr que le rugby est important, mais il y a des épreuves bien plus dures qu’un match.

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