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Villière : « Je suis conscient d’être atypique et ça me va bien »

Par Vincent Bissonnet
  • Gabin Villière va être un des maillons forts des Bleus durant le Tournoi 2022.
    Gabin Villière va être un des maillons forts des Bleus durant le Tournoi 2022. Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Le Toulonnais Gabin Villière, aussi actif sur le terrain que volubile en dehors, nous parle de ses ambitions pour ce Tournoi, de son évolution, de son style caractéristique ou encore du deuil de son ancien coéquipier Jordan Michallet.

Vous y êtes enfin, après plus de deux mois d’attente : le Tournoi des 6 Nations va commencer dimanche. Comment vous sentez-vous ?

L’état esprit est positif, je vous rassure. Il y a un mélange d’excitation et de concentration. Tout le monde a hâte de se lancer dans la bataille et de montrer le plus beau visage possible. Nous sommes prêts.

Sentez-vous le poids de l’attente sur vos épaules, celle de millions de supporters, galvanisés par votre succès face à la Nouvelle-Zélande ?

Sur nos dernières rencontres, il y a eu de grandes victoires et de belles choses. Ça a soulevé de l’enthousiasme. C’est génial, nous sommes en train d’écrire une belle histoire avec le public. Cet engouement nous porte mais, à côté de ça, on sait que l’on n’a pas le droit à l’erreur. À commencer par ce bloc important de deux matchs à domicile face à l’Italie et l’Irlande, qui, il faut le rappeler, a aussi battu les Blacks. On sait que la moindre défaite peut coûter cher au décompte final, on l’a constaté ces deux dernières années.

Avec le vécu et les progrès des deux dernières saisons, l’approche de l’événement est-elle différente désormais ?

Oui, clairement. Le groupe a emmagasiné de l’expérience et a franchi un cap, en un sens. Ce qu’il nous manque, désormais, c’est un titre. Il y a de la confiance mais cela n’empêche pas la remise en question de chacun. Il le faut car lors des deux mois à venir, nous n’allons affronter que des grandes équipes.

Que savez-vous de cette équipe d’Italie ?

C’est une sélection qui est en train de changer de direction, avec un nouveau staff et une nouvelle génération de bons joueurs. Si tout cela prend forme, c’est un adversaire qui peut se révéler dangereux. En tout cas, les Italiens vont venir pour lutter. On peut compter sur eux pour montrer du caractère et nous imposer un grand défi physique. Rien n’est gagné d’avance, le passé nous l’a souvent montré. Il faut s’en méfier.

Avez-vous parlé de ce choc avec Sergio Parisse, votre partenaire en club ?

Ah non, pas encore. Je lui laisse un peu de temps car je sais que ça va l’agacer (sourire).

L’Italie est un adversaire spécial pour vous. Vous aviez honoré votre première cape face à cette nation, en novembre 2020, lors de la Coupe d’automne des nations…

Oui, ça reste un souvenir mémorable. Il y avait eu une rotation d’effectif imposée par la limitation du nombre de matchs et il y avait une chance à saisir pour plein de joueurs. Nous avions réussi à prendre l’ascendant en deuxième mi-temps.

Avec un essai de votre part au terme d’une séquence où vous battez une demi-douzaine de défenseurs. Racontez-nous…

C’était une phase défensive à la base. L’alignement récupère la balle et Baptiste (Serin) me place parfaitement dans l’intervalle. On ne retient que la fin de l’action mais il y avait eu un beau travail collectif auparavant.

Est-ce votre plus bel essai jusqu’à présent ?

Oui, c’est le plus beau, je dirais. Il y a aussi eu le doublé en Australie depuis. Mais là, c’était ma première en sélection et c’était le match hommage à Christophe Dominici. Il ne manquait que le public pour que ce soit parfait.

C’était il y a quinze mois seulement. Désormais, vous faites figure de joueur cadre de la sélection. Ça a été vite…

Tout s’est enchaîné rapidement, oui. Mais à ce niveau, il ne faut pas manquer le train. Si vous le laissez partir, vous pouvez ne pas le revoir. C’est la loi en club et encore plus en sélection. Je sais que ça peut aller tout aussi vite dans l’autre sens. Vu mon parcours, je ne peux pas l’oublier. À chaque fois que j’en ai l’occasion, je donne tout pour répondre aux attentes et servir le collectif du mieux que je peux. Je me dois d’apporter un plus à l’équipe, à chaque jour passé en Bleu. Que ce soit par la préparation physique, l’analyse vidéo ou l’investissement à l’entraînement.

Avant votre première sélection, vous parliez d’un rêve. Le vivez-vous encore ainsi ?

C’était un rêve, au début, pour moi qui venais de Fédérale 1. Ça le reste encore, en un sens. Je refuse de banaliser ce qui m’arrive. Chaque convocation reste un moment fort. Et je reviens toujours avec le même enthousiasme, la même fierté, la même excitation.

En Australie, Fabien Galthié avait loué votre bravoure, vous qui aviez joué le deuxième test avec une sévère blessure à une cheville, qui vous avait valu une opération par la suite. Pouvez-vous nous décrire ce qu’il s’était passé ?

Après 7 ou 8 minutes de jeu, sur une phase de ruck, un Australien déblaye Jonathan Danty qui me retombe sur une cheville. Elle se tord, les ligaments sont bien touchés. Sur le coup, j’ai eu mal mais je me sentais de continuer. Et puis je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de solutions sur le banc non plus. Le staff médical a posé un bon strap afin que ma cheville soit stabilisée. Et ça a tenu, j’ai plutôt eu de bonnes sensations. À la mi-temps, quand ça a refroidi, j’ai senti la douleur monter. Mais je ne me voyais pas lâcher les copains en plein milieu.

D’où vous vient cette mentalité ?

J’ai toujours eu ce tempérament. Tant que je suis sur le terrain, je ne peux pas m’arrêter. Vous savez, je suis un amoureux du rugby. J’ai envie de courir, de plaquer… Ce n’est pas possible autrement, je ne conçois pas d’abandonner.

Cette tournée, qui était piégeuse, aura finalement été positive pour vous, avec deux essais, une victoire de prestige et les compliments du chef…

Elle a surtout été très importante pour le groupe. Ça aurait pu être la tournée de l’enfer avec un groupe expérimental et un adversaire qui montait en puissance. À l’arrivée, ça a été une étape très importante dans la construction de l’équipe et pour ce qui s’est passé à l’automne.

Si l’on vous présente comme un ailier atypique, comment réagissez-vous ?

Je suis conscient d’être atypique et ça me va bien. Je sais bien que je ne suis pas le meilleur marqueur du championnat et je ne mets pas des "cad-deb" à tous les matchs. Mais sur l’engagement et le combat, on ne peut rien me reprocher. J’essaye d’apporter à l’équipe en amenant mes propres qualités. Je sais que l’on considère que le travail numéro 1 d’un ailier est de finir les coups et je ne le néglige pas. J’ai aussi envie de marquer. C’est important pour le collectif que je remplisse cette part du boulot.

Au fond de vous, il y a un avant qui sommeille, tout de même ?

Si j’avais été plus costaud, j’aurais aimé jouer troisième ligne ou centre. Mais quand j’étais enfant, c’est le poste de demi de mêlée qui me plaisait le plus. C’est là que j’ai été formé. Physiquement, j’étais le plus petit, le plus maigre et je n’avais pas forcément une bonne passe. J’avais déjà cette propension à aller dans les rucks, à partir au ras… J’aime le défi physique. Vous savez, j’ai pratiqué plein de sports de combat, de la boxe, du karaté… Ça m’a toujours plu.

 

L'ailier international est fier de son style atypique.
L'ailier international est fier de son style atypique. Midi Olympique

 

Finalement, vous avez percé à l’aile…

Oui et c’est en partie Christophe Dominici qui m’a inspiré et m’en a donné l’envie. J’adorais le voir jouer. Il montrait que l’on pouvait être ailier tout en se montrant combatif, hargneux, actif dans le jeu.

Votre image de combattant est renforcée par votre casque. Depuis quand en portez-vous un et pourquoi ?

À l’université, j’avais pris un gros coup à la tête. Dans la foulée, ma mère m’avait acheté un casque. J’avais dit que je ne le porterai jamais. Finalement, je l’ai mis. Et je ne l’ai plus quitté. J’aime bien. Ça m’apporte un sentiment de sécurité, ça me protège le cuir chevelu et ça permet à mes parents de me suivre plus facilement sur le terrain (rires).

Vous qui êtes un fou amoureux de rugby, quel joueur vous inspire le plus aujourd’hui ?

En fait, je suis surtout focalisé sur un poste : les ouvreurs. Je suis admiratif de tout ce qu’ils savent faire. Ils sont tellement complets. Si j’avais débuté plus tôt, j’aurais aimé avoir cette formation. Mais bon, il faut de tout dans une équipe de rugby.

Une question que tout le monde se pose en vous voyant jouer : vous arrive-t-il jamais d’être fatigué ?

Oui, ça m’arrive mais quand je sors du terrain (sourire). Sinon, non, ce n’est pas possible de lâcher, je trouve toujours de l’énergie quelque part. Et ça que je sois en Top 14, en Fédérale 1 ou en test-match. Ça ne change ni mon envie ni l’intensité que je mets.

En quoi le staff vous a-t-il demandé d’évoluer par rapport aux standards du niveau international ?

En rien du tout. Les entraîneurs nous prennent pour nos qualités et ne nous demandent pas de changer ce que l’on est. Nous ne sommes pas vus à travers nos défauts. Il n’empêche que je suis conscient qu’il y a nécessairement des progrès à accomplir.

Une question, plus intime : comment avez-vous réagi à la mort de Jordan Michallet, votre partenaire pendant un an à Rouen, en 2018-2019 ?

Ça a été un coup de massue. Je l’ai appris par téléphone. C’est très dur à accepter. Nous avions passé une super saison ensemble, celle de la montée en Pro D2. Je ne comprends pas ce qui s’est passé, comment il a pu mourir dans ces conditions. Mes amis encore présents au club non plus. Il avait toujours le sourire, il était impliqué dans la vie du club, il paraissait bien… C’est un choc.

Pour finir sur une bonne note, que peut-on vous souhaiter pour ce Tournoi des 6 Nations ?

C’est à l’équipe qu’il faut avant tout souhaiter des choses. Et c’est clair : de gagner un titre, enfin. On nous donne le statut de favoris mais ça ne veut rien dire. Il faut que l’on ramène quelque chose. C’est ça qui changera la donne.

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