L'édito du vendredi - La prophétie d’Andrew

Par Léo FAURE
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Rasé de près, lunettes fines, chemise blanche impeccable, dentition assortie à la chemise et poignée de main franche : Rob Andrew portait haut toute la courtoisie élégante de la bonne éducation anglaise, façon «college» de chic tenue. Le cliché de l’arrogance en moins et les premiers mots de bienvenue donnés en français. « J’ai votre pays dans mon cœur. Le Stade toulousain aussi, même si j’aurais aimé y jouer plus longtemps. » La classe.

C’était il y a bientôt dix ans. L’ancien golden-boy du XV de la Rose occupait alors le poste de « directeur du rugby d’élite » à la RFU (Rugby Football Union - fédération anglaise de rugby). Une sorte de DTN à l’anglaise, uniquement focalisé sur le haut de la pyramide et ses réussites. Andrew nous avait reçus dans ses bureaux du Twickenham stadium. La promesse d’une demi-heure d’entretien s’était transformée en 1 h 30. Il fallait bien ça, pour dérouler le vaste programme qu’il avait entrepris au milieu des années 2000 et qui avait fait de l’Angleterre un champion du monde junior, champion du monde féminin et le numéro 2 mondial chez les hommes, derrière d’intouchables All Blacks.

Pêle-mêle, Andrew avait détaillé le programme de formation et de développement des meilleurs jeunes, la nécessité de les laisser dans leurs clubs pour se confronter plus tôt aux exigences du rugby des adultes. Et donc la nécessaire entente, cordiale au minimum, qui devait régir les relations entre fédération et clubs professionnels. « Chacun a ses intérêts mais, autour de la même table, il faut que chacun cède un peu de terrain pour travailler en bonne intelligence. » Au sujet de la formation, il parlait aussi de « la fierté du fait maison » plutôt que « le recrutement de stars étrangères ». Le rugby pro, version circuit court. Paroles de sagesse.

Avec le retard de rigueur, beaucoup de choses résonnent aujourd’hui dans notre grande maison. Nous avons, à notre tour, emprunté ces pas anglais. Une fois digérée la gabegie des années 2010, le rugby français a compris que les échecs successifs n’étaient pas conjoncturels, mais structurels. La «Fédé» et la Ligue travaillent de meilleur concert. Ensemble, clubs et sélections "produisent" de meilleurs jeunes, jusqu’à être à notre tour double champions du monde juniors. Ces jeunes joueurs mieux formés, mieux préparés peuplent désormais notre Top 14. Tout le monde y gagne.

Notre meilleure formation, comme la politique du Jiff longtemps décriée, ont finalement conduit à une inversion de nos priorités. Tant mieux. Au début des années 2010, le Top 14 était devenu le royaume des stars du sud à la relance, en préretraite ou tout simplement venues chercher en France une expérience rugbystico-financière nettement plus enivrante que les promesses mornes du Super Rugby. Ils étaient les têtes d’affiche du recrutement et les jeunes Français en étaient les joueurs de complément.

C’est désormais à rebours que s’écrit l’histoire de notre championnat. À l’été 2022, les gros coups du recrutement se nomment Carbonel, Woki, Thomas, Hastoy ou Jaminet. Les «Sudistes», quant à eux, sont nettement plus anonymes. Une autre démonstration que le rugby français est en passe de réussir sa mue structurelle. À bientôt un an d’un Mondial de tous les espoirs, les feux sont au vert.

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